IMPACT
Loup : le vrai prix des mesures de protection

L’Idele a mesuré l’impact des mesures de protection sur la ferme ovine du lycée agricole Carmejane dans les Alpes de Haute-Provence. La prolificité et la fertilité sont en recul tandis que le temps de travail et les charges ont explosé.

Loup : le vrai prix des mesures de protection
Laurence Isnard-Aubert, directrice adjointe du lycée agricole de Carmejane dans les Alpes de Haute-Provence et François Demarquet, directeur de l'exploitation. ©SC

Depuis 2015, la ferme ovine du lycée agricole de Carmejane dans les Alpes de Haute-Provence a subi les assauts du loup à plusieurs reprises. Avec une trentaine de meutes recensée, ce département est le plus impacté par le loup en France. « La ferme compte un troupeau de 650 brebis allaitantes, 60 ha de surfaces cultivées, 500 ha de parcours boisés de proximité et deux estives collectives de 160 ha », détaille François Demarquet, le directeur de la ferme. Suite aux premières attaques, des mesures de protection ont été mises en place de manière graduelle : des parcs de regroupement nocturne, du gardiennage de jour, le recours à huit chiens de protection, la simplification de l’allotement et une surveillance et une protection renforcée au pâturage avec des visites quotidiennes ou plus, et la pose de filets électrifiés en compléments des clôtures et des grillages. Un arsenal de protection qui n’est pas sans conséquence sur les résultats technico-économiques de l’exploitation. Pour évaluer précisément cet impact, l’Idele comparé les résultats techniques de la ferme entre les campagnes 2013-2014 et 2018-2020, et les résultats sont édifiants.

420 heures de travail en plus par an

La mise en place des cinq mesures de protection a conduit à 33 779 euros de charges supplémentaires pour la ferme, loin d’être compensées intégralement par les mesures du plan loup, puisque le reste à charge est de 12 170 euros par an. La fertilité a diminué de 5 % tandis que la prolificité recule de 20 % entre les deux périodes. Cela représente 76 agneaux de moins sur 350 brebis. Enfin, le temps de travail du personnel de l’exploitation (hormis celui du berger salarié pendant 5 à 6 mois par an), lié à l’utilisation des parcours et des prairies, aux soins apportés aux chiens de protection (hors temps d’éducation) et à la gestion administrative en lien avec la protection du troupeau a augmenté de 420 heures, passant à 910 heures par an. « Techniquement, à cause du risque de prédation, les orientations stratégiques de l’exploitation ont dû être revues. Aujourd’hui, les décisions concernant la conduite du troupeau reposent en priorité sur la protection des animaux, puis, dans un second temps, sur la recherche d’un bon niveau de performances techniques et sur les conditions de travail de l’équipe de la ferme », témoigne François Demarquet. Peut-on extrapoler ces résultats à toutes les fermes soumises à une forte pression de prédation ? Difficile à dire, selon Pierre Guillaume Grisot, de l’Idele. « Cela dépendra du type de conduite retenue. À Carmejane, la baisse de fertilité s’explique en partie par la limitation du nombre de lots au pâturage et le regroupement nocturne. Ailleurs, un autre type de stratégie pourra peut-être ne pas altérer les résultats. Mais une chose est sûre, quel que soit le modèle retenu, la mise en place de mesures de protection génère des coûts supplémentaires pour les exploitations ovines. Par exemple, les éleveurs qui font le choix de garder leurs animaux en bergerie vont forcément exploser leur coût alimentaire ! » Aussi onéreux soit-il, le dispositif de protection a prouvé son efficacité. À Carmejane, tout du moins. « Aujourd’hui, les attaques ont diminué, nous sommes satisfaits des mesures prises. Sur les parcours et dans les sous-bois, le recours aux bergers et aux chiens de protection a montré sa pertinence », analyse Pierre-Guillaume Grisot.

Sophie Chatenet