EAU
Réutilisation des eaux usagées traitées : plusieurs territoires s’y mettent
Face à la nécessité de réduire leur consommation d’eau potable, plusieurs collectivités réfléchissent à des solutions pour réutiliser leurs eaux usagées traitées. Des projets fleurissent un peu partout. Focus lors des rencontres régionales de l’eau et de l’assainissement le 17 novembre dernier à Saint-Vulbas.
De plus en plus les territoires évaluent leur capacité à réutiliser les eaux usées traitées (REUT) (voir notre dossier dans le précédent numéro de l’Ain agricole). « Un décret a été émis à ce sujet en 2022, abrogé par un décret du 29 août 2023. Plusieurs simplifications ont été apportées, notamment sur les dossiers de demande d’autorisations ou encore la durée maximale de cinq ans des autorisations », explique Renaud Dumay, juriste chez Safege et maire de Saint-Didier-sur-Chalaronne. La réglementation bouge et la possibilité d’élargissement de la REUT n’est pas exclue, mais pour Renaud Dumay, l’heure n’est pas à l’attentisme et nul est besoin d’attendre la sortie de futurs textes abrogeant les précédents pour y réfléchir.
Des projets fleurissent
Certains n’ont d’ailleurs pas attendu pour emboiter le pas, à l’instar de la Ville de Belleville-en-Beaujolais, pionnière en la matière. La REUT y est appliquée depuis 2011 pour l’arrosage des fleurs et plantations, ou encore l’entretien des voieries. « Nous étions sur la ligne blanche, l’État ne nous a pas autorisés à le faire, mais ne nous y a pas non plus interdits et nous respectons la loi. Nous avions une station d’épuration avec ultra-violets de catégorie A donc nous avons décidé de le faire », explique Didier Jaffre, premier adjoint de la municipalité. Aujourd’hui la ville économise 5 000 m3 d’eau potable par an. Un projet similaire devrait également voir le jour à Châtillon-sur-Chalaronne. Directeur des services techniques de la ville, Didier Jaffre estime que 3 000 à 5 000 m3 d’eau pourraient être économisés chaque année. « Une station d’épuration sera construite avant l’été 2024 (équivalent 14 000 habitants) », le tout pour un investissement de 60 000 € dont 15 000 € d’aides du Département. À 2 €/m3 d’eau potable, le projet devrait être rentabilisé d’ici une dizaine d’années selon l’élu, sachant que la durée de vie d’une station d’épuration est estimée à quarante ans.
Désectoriser les usages
Face aux arrêtés sécheresse et aux restrictions d’usage, l’enjeu est aussi de jongler avec les périodes d’étiage, certaines stations d’épuration faisant tampon en période de fortes chaleurs. Par ailleurs, Catherine Neel du Cerema, insiste sur la nécessité de désectoriser les usages de l’eau et de les penser au global en vue de la territorialisation de la compétence eau et assainissement. Un sentiment partagé par Renaud Dumay. Il en a fait les frais sur sa commune, lorsque l’équipe municipale a souhaité réutiliser l’eau de la place du village qu’elle souhaitait transformer en parking : « La communauté de communes avait la compétence et nous a fait comprendre que nous devions nous débrouiller. Nous ne pouvions pas installer une citerne pour récupérer les eaux des toits car cela prenait trop de place. Nous avons dont imaginé un parking en pente pour que l’eau stagne en attendant de s’infiltrer mais les riverains ont rapidement réagi face à cette proposition », explique-t-il. L’acceptabilité des populations est un enjeu supplémentaire en la matière.
La Région financera des projets
La Région Auvergne-Rhône-Alpes prévoit d’ailleurs de lancer dès l’été prochain un appel à projets autour de la REUT. Le budget attribué est en cours de discussion. « L’enjeu n’est pas de se substituer aux agences et aux syndicats de l’eau, ni à l’État qui continue de réglementer. La question fondamentale c’est le prix. Aujourd’hui, les entreprises, les agriculteurs regardent l’accès à l’eau pour s’installer. Cet appel à projet se fera donc secteur par secteur et financera des projets d’innovation », précise Thierry Kovacs, vice-président du conseil régional et maire de Vienne.
La REUT est un levier certain pour économiser l’eau potable, toutefois, elle n’est qu’une partie de la réponse.