Portrait
La fabrication du pain : une histoire de famille chez les Darmedu

Au Noyer à Bohas, Emmanuel Darmedru perpétue la tradition familiale : il cuit son pain préparé avec le blé de sa production et du levain naturel.
La fabrication du pain : une histoire de famille chez les Darmedu

A la ferme de Noyer à Bohas, la campagne a conservé son charme d'antan. La route qui sillonne le verdoyant Revermont pour y arriver ne va pas plus loin. Elle s'arrête devant l'exploitation, d'un côté le four à pain et de l'autre les vaches, des montbéliardes, qui sont dans les champs. C'est ici qu'Emmanuel Darmedru fabrique son pain à l'ancienne avec le blé de ses cultures et le vend chaque samedi matin sur place. L'exploitation est familiale, le grand-père s'y était installé en 1919. Mais ce goût de faire le pain c'est son père qui lui a transmis, Victor Darmedru, une figure du milieu agricole et de la résistance dans l'Ain comme tient à le rappeler son fils Emmanuel : « Mon père était résistant, pendant la dernière guerre et faisait les pains pour les maquisards. Il le cuisait dans le four de Chariot sur le hameau de Conand dans le Bugey. Lors d'une visite nous l'avions conduit à Chariot. Il avait été très ému de retrouver son four. Cela a été un grand moment, inoubliable » raconte Emmanuel dont les yeux bleus se voilent un bref instant. « Même après la guerre il a continué à pétrir, je l'ai toujours vu faire le pain pour la famille ». Victor n'est plus là mais Emmanuel assure la relève et comble l'appétit des nouvelles générations qui ne connaissent pas forcément l'histoire du pain de Noyer.

 

 

Le blé provient de l'exploitation

 

Installé depuis 32 ans, autrefois avec son frère, maintenant disparu, Emmanuel Darmedru possède 42 laitières montbéliardes et des veaux. Il produit ses céréales et sème 5 hectares de blé panifiable chaque année. Le surplus il le vend à Cérégrain. « Cette année j'en ai semé 4,5 ha de novembre à janvier dans la douleur on va dire. Au niveau du rendement je ne sais pas à quoi il faut s'attendre avec la météo qu'il a fait » soupire l'agriculteur. Ses semences ne sont pas bio, mais propres comme il aime le dire « mes 50 quintaux je ne les bourre pas d'engrais, l'objectif étant de faire de la farine blanche de qualité ». Une fois la récolte terminée, elle part aux moulins de Maillat où elle est broyée et conservée en sac. Emmanuel va chercher des sacs au fur et à mesure de sa production.
Il a installé les outils nécessaires à la panification dans une pièce adjacente au corps de ferme. La cuve électrique pour le pétrissage, le pétrin en bois pour faire lever la pâte puis le four à bois et les grilles en métal pour le laisser refroidir, rien ne manque.

 

 

Des nuits blanches

 

Alors que dans bien des endroits le pain se fait sans même toucher la pâte, Emmanuel met un point d'honneur à respecter le rituel que lui a enseigné son père Victor. Le vendredi vers 19h il prépare son levain naturel à base de levure de boulanger, d'eau et de farine. Autrefois il utilisait un levain souche mais certains clients le trouvaient un peu aigre alors il préfère le refaire chaque semaine.
A 1h du matin il se relève et pétrit une à deux cuves de pâte qu'il laisse monter dans le pétrin.

« A chaque fois c'est magique, je reviens et la pâte fait un joli dos rond » glisse ce passionné. 4h c'est le moment de chauffer le four à bois. Pendant ce temps il pèse et met les pâtons de 1,2 kg dans des bénons. 5h la première fournée passe au four. Il y en aura 3 ou 4 dans la matinée « on ne s'arrête jamais une fois que c'est commencé ». 150 boules ou pain allongés sortiront du four chaque samedi matin pour 200 kg de farine utilisés.
La clientèle lui est fidèle depuis longue date « pour la plupart ils venaient déjà du temps de mon père. Certains me demandent même de laisser un sac avec leur nom dessus et le pain dedans vers le four car ils ne sont pas libres le samedi matin ou alors de leur congeler. Ils passent quand ils veulent et je note pour la fois d'après ». C'est aussi ce service à la carte que les gens viennent chercher en circuit court. « Avec le confinement j'avais augmenté la production, les clients sortaient moins et mangeaient plus ».
En ce mois de mai, au Noyer, la campagne resplendit enfin après les pluies tant attendues. Les épis ondulent comme une promesse gourmande. Il faudra patienter jusqu'aux moissons pour qu'ils se transforment en farine, puis en pain croustillant. Et si Hélas ! la sécheresse venait à s'inviter dans cette nature de rêve, que les clients se rassurent Emmanuel a de quoi tenir plus d'un an avec son stock de farine. Par contre n'oubliez pas de téléphoner pour réserver votre pain !

 

Yolande Carron

 

Plus de fête

 

Emmanuel s'était préparé pour une première participation aux journées de « ferme en ferme » mais le week-end a été annulé pour cause de crise sanitaire.
Chaque année en juillet il réalise une journée portes ouvertes avec d'autres producteurs devant sa ferme. Elle connaît un franc succès. « Mais je pense qu'elle ne se réalisera pas non plus » dit-il déçu.

 

Où le trouver ?
Emmanuel Darmedru, 541 Rue de la croix rousse - Le Noyer
01250 Bohas-Meyriat-Rignat
Tél. 06 52 20 74 27
Dépôt vente à la fromagerie de Poncin et bientôt à la cave.