VITICULTURE
2023, année morose pour les viticulteurs du Bugey

Margaux Balfin
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Le syndicat des vins du Bugey a tenu son assemblée générale vendredi 15 mars à la salle des fêtes de Lhuis. Une centaine de personnes étaient présentes. 

2023, année morose pour les viticulteurs du Bugey
Photo/MB

Avec 20 951 hl produits cette année, la récolte 2023 affiche une légère baisse (- 1,7 %) par rapport à l’année précédente. A l’exception du Bugey Cerdon méthode ancestrale et de la Roussette du Bugey, l’ensemble des cépages ont vu leur production s’amenuiser en 2023. Une baisse imputée au changement climatique, concède Jean-Luc Guillon, le président du syndicat : « Depuis quelques années, nous avons du mal à produire du fait du réchauffement climatique et quelques surfaces nous échappent un peu. » Cette baisse de production continue a fini par « tendre » la comptabilité du syndicat qui termine avec un résultat négatif de – 6 513 €. A tel point qu’il a été décidé de repousser d’un an la remontée des vins qui avaient été encavés dans la grotte du Cerdon, initialement prévue en novembre prochain. 

Les AOC Bugey et Roussette intègrent l’acte de Genève

Malgré une année en demi-teinte, l’ODG peut se réjouir de voir ses appellations enregistrées dans l’acte de Genève. Une avancée d’importance qui confère une protection internationale AOC Bugey et alors que l’ODG constate de plus en plus de cas d’usurpation. Ils sont principalement le fait de viticulteurs locaux qui ne respectent pas le cahier des charges mais bénéficient de l’aura de l’appellation « vins du Bugey ». L’ODG effectuera une mise en demeure de faire modifier toute communication non conforme à la législation sur les AOC Bugey, à défaut suivra une assignation en référé. « Vous avez remarqué un durcissement face à l’usurpation du mot Bugey qui est protégé. Nous nous sommes rapprochés de juristes et nous allons nous attacher cette année à rappeler à l’ordre les viticulteurs qui usurperaient notre appellation », assure Jean-Luc Guillon. La protection de l’appellation, dont l’ODG a la charge, prend d’autant plus son sens que le dossier pour faire changer le nom de la Centrale du Bugey est de nouveau sur la table (voir encadré). 

Flavescence dorée : des résultats encourageants 

Au palmarès des bonnes nouvelles figure également la lutte contre la flavescence dorée qui évolue. Alors que le premier foyer était découvert en 2020 dans le vignoble, un plan de lutte obligatoire a été rapidement mis en place par les services de l’État. Quatre ans après, « les résultats sont encourageants », souligne Éric Angelot. Quelques parcelles situées au cœur du foyer historique restent positives à la flavescence dorée, mais aucun cas de contamination n’a été recensé en 2023, si à la Grande Cote à Cerdon, ni à Mérignat. « Aucun symptôme n’a été détecté chez Pierre-Athanase (Dupoyet) à Cerdon donc la commune sortira peut-être du plan de lutte obligatoire l’année prochaine, ajoute Jean-Luc Guillon. Pour ce qui est de Mérignat, nous avons de bonnes nouvelles mais nous avons remarqué énormément de symptômes de bois noirs qui peuvent cacher une flavescence dorée donc il faudra peut-être attendre une ou deux années supplémentaires pour espérer sortir du plan de lutte. » 

L’année 2024 sera donc décisive pour espérer une sortie du plan de lutte obligatoire de tout le vignoble. La Fredon et le SRAL procèderont donc à des contrôles d’arrachage et des prospections, notamment dans le secteur de Belley. Une quarantaine de producteurs sont concernés. Les communes de Saint-Martin-du-Mont et de l’Abergement-de-Varey sortent néanmoins de la zone de lutte obligatoire dès cette année, dans le cadre du plan de lutte 2024 présenté par la Draaf au comité technique du 7 mars à Cerdon. A noter que pour sortir de la zone de lutte obligatoire, aucun cep ne doit avoir été contaminé durant trois ans et ne plus avoir fait de prospection depuis cinq ans. 

Un travail initié sur les cépages résistants

Dans un contexte de changement climatique et de maladies récurrentes, l’ODG a décidé d’engager un travail de recherche autour de cépages résistants. Soutenu par la communauté de communes Pays du Cerdon Rives, ce programme vise à réduire l’utilisation d’intrants, s’adapter au dépérissement de la vigne et au changement climatique. « Nous avons déjà fait une première commission technique et ciblé trois cépages : le gamay, le chardonnay et le pinot, précise Jean-Luc Guillon. C’est un travail de longue haleine pour lequel nous n’avons pas tellement de recul et nous voulons prendre notre temps pour bien respecter le cahier des charges et notamment les propriétés organoleptiques. » L’introduction de ces cépages dits « variétés d’intérêt à fin d’adaptation » (VIFA) dans les vins commercialisés sous AOP a été validé par le comité national des AOC viticoles. Ces cépages ne devront pas dépasser 5 % de l’encépagement de l’exploitation et leur incorporation dans les assemblages commercialisés ne devra pas excéder 10 %.

L’image du Bugey évolue

En pleine crise viticole, ces problématiques structurelles viennent s’ajouter à des difficultés plus conjoncturelles dont Jean-Luc Guillon ne pouvait se faire l’économie de parler. « En région Auvergne-Rhône-Alpes, bon nombre de grandes appellations sont en difficulté. C’est un contexte assez morose pour l’avenir. Cependant, les plus petites appellations, telles que celle du Bugey, s’en sortent plutôt pas mal, mais nous devons insister sur la notoriété et notre communication », insiste le président du syndicat. Un investissement lourd pour l’ODG qui, en plus de tenir des stands sur de nombreux événements, avait annoncé lors de la précédente assemblée générale faire appel à l’agence de communication Rouge Granit pour faire connaître les vins du Bugey par-delà les frontières aindinoises. Un an après, son directeur constate « une envie marquée des gens de découvrir » le vignoble et ses vins. L’image de l’appellation évolue et à de quoi capitaliser. En témoigne enthousiaste Jean-Luc Guillon : « lorsqu’on en a parlé à des journalistes ils ont trouvé la Mondeuse et la Roussette très intéressantes, donc on a vraiment de vrais atouts. »

En plus des fonds propres du syndicat des vins du Bugey, le vignoble peut également compter sur plusieurs aides. Un Livre blanc orienté sur l’agritourisme et l’œnotourisme, un plan viticole ou encore des aides conjoncturelles pour le Département. « Ce n’est pas seulement une question d’argent mais bien d’avoir des aides ciblées », relève Jean Deguerry, président du Département. Un plan de filière 2023-2027 est également en cours à l’échelle régional pour une enveloppe dédiée de 2 M€. 

Le vignoble en chiffres

La production 

22 670 hl de production moyenne décennale dont :

36 % de blanc 

17 % de rouge 

47 % de rosé

43 % de vins tranquilles

57 % de vins pétillants

Les opérateurs 

37 producteurs de raisins

76 viticulteurs 

2 conditionneurs

16 structures de négoce 

Culture de la vigne 

23 % en HVE

48 % en AB

29 % en conventionnel 

Le marché 

4 millions de bouteilles vendues chaque année dont :

55 % en domaines viticoles 

25 % chez les cavistes CHR

10 % à l’export 

10 % en GMS, épiceries et magasins de producteurs 

 

La centrale nucléaire du Bugey va-t-elle changer de nom ?

Nom de nom, du Bugey tu ne t’appelleras. Blase de la discorde depuis plusieurs années, le nom de la centrale du Bugey fait défaut à l’appellation viticole selon son ODG. Le syndicat des vins du Bugey a même entamé des démarches pour lui en faire changer. Jusque-là restées sans réponse, elles pourraient trouver un dénouement prochain. L’arrivée de deux nouveaux EPR sur le site de Loyettes Saint-Vulbas pourrait en effet rendre propice le changement de nom. « Nous avons rencontré la directrice et nous avons le soutien de tous nos élus », précise Jean-Luc Guillon. Et Patrick Chaize de renchérir : « EDF était attachée au nom de la centrale du Bugey, des habitudes ont été prises. Le fait qu’on entre dans une nouvelle ère de ce site permet une écoute plus attentive de la part des responsables d’EDF. » Le sénateur a même avancé le nom de Centrale de la Plaine de l’Ain comme possible substantif de remplacement. 

SIMPLIFICATION ADMINISTRATIVE/ Le bien peu enivrant empilement de tâches administratives

Le verre à moitié plein ? Avec 98 déclarations obligatoires et une vingtaine de plus découvertes le matin-même par les représentants du syndicat pour les viticulteurs en AB, c’est déjà la goutte de trop. « C’est énorme », s’insurge Jean-Luc Guillon exhortant les parlementaires à intervenir. Et le président du syndicat de poursuivre : « Du côté des douanes, nous avons aussi quelques déclarations qui ne sont plus au goût du jour et qui datent des années 1960. Il y en a une multitude que nous pourrions supprimer… » Dans la suite des manifestations agricoles de ce début d’année, la MSA a rendu un rapport sur les simplifications administratives à la FNSEA et au ministère de l’Agriculture. « J’espère que ces mesures recevront un retour positif », espérait Olivier de Seyssel, président de la caisse Ain-Rhône. En attendant, il se réjouit des retombées plutôt encourageantes de la mise en place du nouveau Tesa. Bien moins conciliant, le président de la Chambre d’agriculture, Michel Joux, a fait valoir l’urgence d’agir : « L’administration française s’est érodée et je ne sais comment le dire, mais de petites mains ne nous permettent pas d’avancer. Il faut que l’on puisse simplifier les choses. L’agriculture française est en péril quand on regarde le taux de renouvellement et la balance commerciale, les chiffres sont catastrophiques et si ça continue nous n’aurons plus de sauvegarde alimentaire en France. » La sénatrice Florence Blatrix appelle toutefois à plus de nuance : « Je serais un peu moins sévère. En France on a trop tendance à se chercher un bouc-émissaire et aujourd’hui on fait pareil avec l’administration. »