APPELLATIONS
Les IGP tomme, emmental et raclette de Savoie demandent l’AOP

Margaux Balfin
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Reconnus IGP en 1996 pour la tomme et l’emmental, en 2017 pour la raclette, les trois fromages savoyards demandent à passer en Appellation d’origine protégée. Les objectifs : inscrire ces produits dans le marbre du terroir, mieux les faire reconnaître à l’international pour sanctuariser les volumes de production. 
 

 Les IGP tomme, emmental et raclette de Savoie demandent l’AOP
Photo d'illustration/EQRoy

Dernière ligne droite pour les trois IGP savoyardes.  L’ODG Savoicime*, qui porte le dossier, devrait déposer leur demande de reconnaissance en AOP auprès de l’INAO** dans les prochains jours ou semaines. Après cinq années de travail, et un ralentissement marqué par la Covid-19, la nouvelle a été officialisée le 7 novembre dernier lors de l’assemblée générale de Savoicime et la rédaction simultanée des trois cahiers des charges avance bon train. 
Avec leur passage en AOP, l’ODG espère une meilleure représentation « auprès des institutions en intégrant le Cnaol***», « un meilleur référencement auprès des distributeurs », mais aussi d’« améliorer de la notoriété des produits » et d’« assurer la pérennité des exploitations et des fromageries », expliquait Thomas Dantin, président, lors de l’assemblée générale. « L’objectif n’est pas du tout une recherche de hausse des prix mais bien de sanctuariser les volumes », ajoutait par ailleurs Céline Pignol, directrice de Savoicime. À terme, la profession espère que la sécurisation des volumes encouragera l’installation des éleveurs. 
Concrètement, les principales évolutions portent sur l’autonomie alimentaire et le pâturage. Si rien n’est encore fait, les quelque 688 producteurs engagés dans les cahiers des charges****, dont 18 exploitations de l’Ain, pourraient donc être amenés à modifier certaines de leurs pratiques.
 
L’autonomie alimentaire et le pâturage au cœur du projet
 
À commencer par l’obligation de faire pâturer ses vaches minimum 150 jours par an à raison de 10 ares minimum par animal dans un rayon de 500 mètres autour du bâtiment d’élevage. On est bien loin des 50 ares minimum par vache dans un rayon de 1,5 km autour du bâtiment d’élevage inscrits dans le cahier des charges de l’AOP Comté, mais cela s’explique par une zone d’appellation essentiellement située en zone péri-urbaine savoyarde avec une forte densité de population et une importante pression foncière où il est difficile de pratiquer un pâturage très extensif. D’ailleurs, les futurs cahiers des charges, s’ils sont validés tels quels, prévoient une dérogation pour les exploitations qui ne pourraient pas remplir ces conditions. Dans leur cas, la part des fourrages grossiers verts pour l’alimentation des vaches laitières doit être équivalente au moins à 70 % de la ration de base, pendant 150 jours minimum par an, consécutifs ou non. 
Le projet de cahiers des charges veut également aller dans le sens d’un renforcement des effectifs de races Abondance, Montbéliarde ou Tarentaise, qui devront constituer à 75 % au minimum le troupeau global d’une ferme, le tout en préservant les autres races historiquement présentes. 
Côté alimentation : herbe, cultures fourragères dérobées et maïs vert devront peser pour au moins 50 % de la ration totale en MS pour les vaches en lactation. Les fourrages d’encombrement (dont l’ensilage d’épi de maïs) ne devront pas excéder 4 kg maximum par jour pour les vaches en lactation s’ils ne proviennent pas de l’aire géographique. Pour ce qui est de l’alimentation complémentaire, elle ne devra pas excéder 30 % de la ration totale. La mélasse de canne à sucre ou de betterave et l’huile végétale à titre de liant ne seront autorisées que dans les aliments composés, à hauteur de 5 % de l’aliment composé maximum. Seront entre autres autorisées les levures vivantes de l’espèce Saccharomyces cerevisiae. En revanche, l’urée et l’azote non protéique seront supprimés des matières premières autorisées. 
Plus précisément sur la gestion globale des surfaces, la rotation pluriannuelle des cultures est obligatoire en-deçà de 75 % de surfaces cultivées en prairies, avec au moins trois cultures différentes dans l’assolement total. La surface cultivée devra alors comprendre des légumineuses en culture principale ou en intercultures, à raison d’au moins 5 % de la surface cultivée. La couverture des sols en hiver sera également favorisée avec au moins 50 % de la surface cultivée en intercultures ou dérobées. Le projet de cahier des charges inscrit également un linéaire minimum de 50 mètres par hectare de surface fourragère principale en haies et arbres. Par ailleurs, au moins 50 % de la surface en prairies temporaires devront être constitués d’au moins trois espèces. 
Un point de vigilance toutefois sur la Raclette de Savoie nature dont les volumes sont concurrencés par la raclette aromatisée. Or cette dernière, non soumise au cahier des charges IGP, future AOP, est produite à partir de lait conventionnel, moins bien valorisé auprès des producteurs : 550 €/t pour du lait conventionnel contre 650 €/t pour du lait IGP.
 
* Organisme de défense et de gestion des trois IGP savoyardes, créé en 2008. 
** Institut national de l’origine et de la qualité. 
***Conseil national des appellations laitières.
****En 2022, 437 producteurs étaient engagés exclusivement dans les IGP Tomme, Emmental et Raclette de Savoie, et 251 dans aussi au moins une filière AOP (Reblochon, Abondance, Rome des Bauges, Beaufort).