RETROSPECTIVE
Labour, un savoir-faire transmis de génération en génération

Les concours de labours débutent ce week-end. Roger Girard, personnage incontournable de l’agriculture dombiste, se livre sur son amour pour le labour et son engagement pour adapter et faire évoluer le matériel.
Labour, un savoir-faire transmis de génération en génération

Figure emblématique de la Dombes, Roger Girard en connaît un rayon sur le labour. Et pour cause, amoureux inconditionnel du labour, il s’est beaucoup investi pour sa région, son agriculture, dans la formation professionnelle des jeunes, ce qui lui a valu de recevoir voici quelques années la médaille de chevalier dans l’ordre des Palmes académiques et la même distinction dans l’ordre du Mérite agricole. Les Girard, c’est une véritable saga familiale en Dombes, dont la première page s’est écrite en 1870, lorsque l’arrière-grand-père, Joseph Girard, charron - mouleur sur bois, s’installe à Villars-les-Dombes en tant que mécanicien constructeur. Son fils, Joseph deuxième du nom, se forgera quant à lui une solide réputation de réparateur mécanicien et comme entrepreneur de battage. En 1963, son fils Jean construira une charrue traînée multi-socs vendue en grand nombre, modifiée par la suite en attelage trois points. Et la saga continue… En 1933, Elie Girard reprend un garage sur la nationale. Quelques années plus tard, l’entreprise se déplace quelques centaine de mètres plus loin et en 1967 elle devient la SA Girard Elie et Fils, avec à sa tête Roger Girard. Aujourd’hui la cinquième génération, Jérôme et Bruno, continue à faire tourner d’une main de maître cette société devenue une référence dans le milieu des concessionnaires agricoles.

« Des champs labourés comme une œuvre d’art »

Pompier volontaire pendant 25 ans, conseiller municipal durant treize ans, membre de l’académie de la Dombes, président de l’association Patrimoine de la Dombes jusqu’en 2011…, Roger Girard a été le premier  à mettre des chenilles à une moissonneuse-batteuse et à avoir introduit les quatre roues motrices en Dombes. Sa passion du labour et son savoir-faire ont également largement contribué à la mise au point des meilleures charrues de compétition. Il revient pour nous sur les origines du labour… « La première charrue Dombasle est apparue en 1866 dans les Bouches-du-Rhône, créée par un ingénieur, Mathieu de Dombasle, qu’il a équipée à l’avant d’un régulateur de tirage. Les laboureurs de la Pentecôte invoquaient particulièrement le Saint-Esprit pour le succès de leurs travaux. Après trois jours de fêtes, ils s’affrontaient à un concours de la plus belle raie. Tirer une raie bien droite a toujours été une fierté pour les laboureurs, et l’on vantait le talent et l’habileté qu’ils déployaient quotidiennement. Un observateur reste frappé, disant que les champs en Dombes sont labourés comme une œuvre d’art. Déjà à cette époque nous étions reconnus par le travail bien fait, à cause du terrain humide d’où il fallait retirer l’eau sans imperfection d’écoulement, une qualité du fond de la raie de labour, les reprises et les fins de sillons, aucun trou sur la partie supérieure appelée « bachasse ». C’était les qualités du laboureur qui lui donnaient toute sa notoriété pour se
« vendre » mieux à la Saint-Martin ».

Une passion transmise par son ami Lucien Raccurt

Lucien Raccurt était surnommé « le pape du labour ».

 

Et Roger Girard de poursuivre avec émotion : « Pour moi qui ai conduit très tôt et labouré avec un tracteur en entreprise, il me fallait suivre le savoir-faire de nos ouvriers qui eux-aussi étaient obligés d’éviter les remontrances des agriculteurs, principalement des vieux Dombistes. Je maintiens que les bouviers d’autrefois, leur savoir-faire à la charrue, c’était leur référence pour nous, les entreprises. C’est comme ça que j’ai connu un laboureur exceptionnel, en labourant dans l’étang du Grand-Turlet ; lui avec la Dombasle et deux chevaux, ces deux bras pour gérer la charrue et les guides de commande des chevaux derrière son cou. C’était Lucien Raccurt, alors maître valet dans la ferme de Boyard, et nous ne nous sommes jamais quittés par la suite ». Et d’ajouter non sans fierté : « Vers 1957 – 1960, Lucien faisait des concours mais n’arrivait pas au national faute d’avoir une charrue suffisamment adaptée. Il est venu me voir pour la modifier, ce qui lui a permis d’aller au haut niveau de compétition. J’ai pu apporter un savoir et la technique de réglage pour améliorer les choses ».

Patricia Flochon