Le 17 juillet, la Cour des comptes a publié un rapport sur la gestion de l’eau en France. Face à l’aggravation du changement climatique, elle suggère de conditionner le financement public des réserves à des engagements de réduction des prélèvements.
Dans un rapport sur la « gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique » publié le 17 juillet, la Cour des comptes estime qu’une « stratégie déterminée de réduction des prélèvements d’eau et d’utilisation raisonnée de la ressource est la seule susceptible d’apporter une solution de long terme ». Par ailleurs, elle recommande que la politique de l’eau devienne « une politique de protection d’un bien commun essentiel », et ce, alors même qu’elle a « consisté pour l’essentiel à organiser la répartition de l’eau entre ses différents usagers de sorte qu’ils en disposent lorsqu’ils en avaient besoin ». Un impératif dicté par le changement climatique, qui affecte d’ores et déjà les ressources en eau. « Il ne s’agit pas d’un moment difficile à traverser avant un retour à la situation antérieure. Au contraire, toutes les études prospectives laissent penser que la situation ira en s’aggravant dans les décennies qui viennent », affirment les Sages de la rue Cambon. Et d’ajouter qu’en France métropolitaine, « la quantité d’eau renouvelable disponible a baissé de 14 % entre la période 1990-2001 et la période 2002-2018 », en raison notamment de l’élévation du niveau moyen des températures.
Des solutions techniques trop coûteuses
Or, « la prise de conscience de cette nécessité tarde à se traduire en mesure de politique publique », selon la Cour des comptes. Les solutions retenues par les autorités locales consistant à « sécuriser l’approvisionnement en eau par des interconnexions, des infrastructures de stockage et de transfert de l’eau », sont à ses yeux anciennes. Par ailleurs, elle tempère les espoirs placés dans les solutions techniques trop « coûteuses » ou d’une portée limitée que sont la dessalinisation de l’eau de mer ou la réutilisation des eaux usées traitées (Reut). Évoquée lors de la présentation du plan Eau par Emmanuel Macron fin mars, cette dernière « peut se développer dans les zones côtières où elle pèse moins sur le fonctionnement des cours d’eau, mais n’a qu’un potentiel réduit sur le reste du territoire ». Au contraire, « les solutions fondées sur la nature sont plus prometteuses », selon la Cour des comptes. « Mais certaines peuvent s’avérer longues et complexes à mettre en œuvre quand elles supposent par exemple une modification des pratiques agricoles », avancent les Sages de la rue Cambon.
Une exacerbation des conflits d’usage
En l’état, « la moindre disponibilité de cette ressource essentielle exacerbe les conflits d’usage ». La Cour des comptes pointe notamment du doigt la question de l’irrigation agricole, « qui se développe dans des régions où cette pratique n’était pas habituelle et aggrave des situations déjà tendues ». Ainsi, elle rappelle que « les propositions de prélèvements et de stockage sont contestées notamment pour leurs effets sur la recharge des nappes souterraines ainsi que sur le fonctionnement des cours d’eau et de leurs nappes d’accompagnement ». En outre, le rapport considère que le financement partiel par la puissance publique des réserves de substitution n’incite pas les agriculteurs « à réduire l’irrigation mais à valoriser ce qu’ils appellent des « droits de l’eau » en s’orientant vers des cultures à plus forte valeur ajoutée.
Objectiver les apports des réserves
Face à ces critiques, « des représentants des filières agricoles invoquent la défense de la souveraineté alimentaire sans produire à l’appui des indicateurs précis, par exemple sur la part de la production bénéficiant de l’eau des réserves qui n’est pas exportée », soutient la Cour des comptes. Aussi recommande-t-elle que soient objectivées de telles données, alors qu’elles ne sont aujourd’hui pas exigées par les financeurs. Elle incite également à ce qu’une étude évalue le montant « des avantages économiques éventuels dont bénéficieraient les agriculteurs irrigants au titre de la valorisation de leur propriété foncière et en matière de bénéfice d’exploitation ». Enfin, elle invite les politiques publiques à « renforcer sans délai le contrôle des autorisations de prélèvements » et à « conditionner le financement public des infrastructures de sécurisation de l’irrigation agricole à des engagements de réduction des consommations et des prélèvements ».