SECHERESSE
Calamité agricole : la DDT prend le pouls du terrain

La FDSEA est mobilisée pour que le département soit reconnu en calamité agricole. Le 8 septembre, Yannick Simonin, chef du service Agriculture et Forêt de la DDT s’est rendu sur le terrain pour prendre le pouls de la situation et constater les importants déficits en fourrages.
Calamité agricole : la DDT prend le pouls du terrain

C'est à un tour complet du département qu'était invité la semaine dernière le nouveau chef du service Agriculture et Forêt, Yannick Simonin (qui prend le relai de Michèle Dannacher suite à son départ en retraite), orchestré par la FDSEA de l'Ain. Au programme, la visite de quatre exploitations situées en Dombes, en montagne et en Bresse, échanges à l'appui avec les agriculteurs des cantons concernés sur les conséquences catastrophiques de la sécheresse. « Cela fait trois ans que l'on est confronté à un manque de fourrage. L'état des prairies et les stocks de fourrage des exploitations sont au plus bas. La semaine dernière nous avons remis en main propre à madame la Préfète une demande de reconnaissance en calamité agricole pour tous les territoires du département. Il va falloir s'adapter, mais l'adaptation demande aussi du temps et des soutiens. Nous allons réaliser des bilans fourragers afin d'avoir des données précises », expliquait en préambule Adrien Bourlez, le président de la FDSEA.

Une sécheresse qui coûte cher, très cher !

Au Gaec Ferme Thuillier, à Chalamont, le moral n'est pas au beau fixe. Et pour cause. Romain, associé avec sa mère Lorette (123 ha, 170 animaux, 700 000 litres de lait livrés à la coopérative Sodiaal) témoigne : « En mai nous avons eu 100 mm d'eau, heureusement pour les cultures dérobées. Mais la dernière fois qu'il a plu, c'était fin août avec 28 mm. Cette année nous avons ensilé 30 ha de maïs, soit dix de plus qu'en 2019 ; coût supplémentaire d'ensileuse : 1 500 €. L'ensilage d'herbe, c'était 20 ha en 2019 ; cette année 52 ha de semés pour faire le même volume. La luzerne, c'est – 80 % de production : 10 t/ha en 2019 contre 2,5 t/ha en 2020. Et le foin, - 30 % ». Conséquence : des coûts supplémentaires importants pour les exploitants : près de 10 000 € d'impact sur leur trésorerie (achat de luzerne, foin, paille, coûts d'ensilage supplémentaires...), sans compter un gros coup au moral et un impact sur les animaux (reproduction, production laitière) qui ne sera réellement connu que dans quelques mois. Deuxième visite de la matinée, l'exploitation laitière de Philippe Mellet, en Gaec avec son frère Brice, sur la commune de Briord (170 ha, 45 vaches et 19 000 volailles). Ici, l'irrigation a sauvé les meubles. Du moins en partie. « Nous irriguons une soixantaine d'hectares. Mais toutes les prairies naturelles ont souffert, et il n'y a pratiquement pas eu de deuxième coupe. Certaines prairies ont tellement grillé que l'on ne sait même pas si ça va redémarrer », explique Philippe, avant d'ajouter : « pour la paille, heureusement qu'on avait du stock, ça nous a sauvé pour cette année ». Les exploitants du secteur présents déplorent des pertes de rendements en moyenne de 60 à 70 % en moins en maïs non irrigué, des rendements qui vont de 25 à 40 quintaux. Pratiquement tous ont dû acheter de la paille, de l'orge ou encore de la luzerne.

Foin de montagne : « on a vidé les granges et on ne les a pas re-remplies ! »

C'est sur l'exploitation du président de la FDSEA, Adrien Bourlez, en Gaec avec son frère à Outriaz (élevage allaitant, 80 mères, 130 ha et pâturage en alpages) que se poursuivait la visite en début d'après-midi. Ici aussi le constat est déprimant. « L'an passé on avait déjà eu une mauvaise récolte de foin. On a vidé les granges et on ne les a pas re-remplies. Nous avons déjà acheté 50 tonnes et on est en prospect pour acheter de l'enrubannage car c'est zéro repousse d'herbe pour l'instant. Nous avons aussi dû vendre quelques vaches. Sans compter que le marché des broutards n'a jamais été aussi bas que maintenant », soulignent les deux frères. Et il faudra aussi nourrir les 30 génisses qui vont redescendre du plateau de Retord, sur la Haute-Chaîne, qui manque cruellement d'herbe elle aussi. Sur le canton de Champagne-en-Valromey, plus de 70 % des agriculteurs ont déjà acheté foin et paille. Un coup dur pour ceux qui sont en reconversion et qui produiront pour la future fruitière à Comté, opérationnelle début 2021. D'autres agriculteurs témoignent : « sur le plateau d'Hauteville les prairies sont tellement dégradées au bout de trois sécheresses qu'on va surement envisager de resemer » ; un autre explique : « De grosses pertes de production, plus un surcoût de l'alimentation, la baisse de lait liée à la sécheresse, les achats...au final ça nous coûte environ 25 000 € ! ».

Prochaine étape, les bilans fourragers avant le verdict de l'administration

Dernière visite du jour : le Gaec SN2A, au cœur de la Bresse, à Foissiat, chez les frères André (80 mères allaitantes, 300 veaux Bressou par an). « Habituellement on relâche les premiers veaux au pré, mais là, avec quoi ? Les bêtes n'ont pas d'herbe à pâturer. Le gros souci c'est de savoir s'adapter. On passe nos journées à amener du foin et de l'eau. Sans oublier les avortements liés à la chaleur. Nous avons dû acheter 60 tonnes de foin, on change de variétés de maïs pour s'adapter à la sécheresse, on a semé des couverts mais ça souffre trop », explique Nicolas André. Morgan Merle, président des Jeunes Agriculteurs et éleveur de volailles de Bresse, alertera également sur une autre conséquence du sec : des retards de croissance de la volaille d'environ deux semaines, et un impact important sur les volailles fines, « ce qui peut poser un gros souci financier aux éleveurs ». Yannick Simonin, de la DDT, très à l'écoute tout au long de la journée de la détresse des producteurs, précisant
« qu'il faudra attendre fin septembre – début octobre pour réaliser la trentaine de bilans fourragers nécessaires à l'évaluation des taux de perte en fonction des secteurs. La perte en fourrage devant représenter au moins 13 % du produit brut théorique de l'exploitation ». Un enjeu de taille pour le département que d'être reconnu en calamité agricole (6,5 millions alloués par l'Etat en 2018). La FDSEA a également demandé une aide au conseil régional, du même montant perçu il y a deux ans, de 16 millions d'euros.

Patricia Flochon