Après les mouvements de colère de l’hiver dernier, le monde agricole engage l’acte II des mobilisations. Bâchage de panneaux de communes, feux de la colère sur les ronds-points, les premières actions ont mobilisé près de 250 agriculteurs dans l’Ain.

Dès dimanche soir, ils étaient nombreux à se retrouver à l’entrée des communes pour une action de bâchage de panneaux. Après le « On marche sur la tête » scandé comme un étendard durant des mois et des panneaux de communes symboliquement retournés, le slogan a évolué en un « On ne sait toujours pas où l’on va ! ». Cette fois-ci, les panneaux s’habillent de messages forts tels : « Fiers de vous nourrir », « Dans le flou », « Pas de pays sans paysans », « Mangeons français », « Moins de normes », « Egalim ??? », ou encore « Vers la mort de l’agriculture »…
Le lendemain soir, place cette fois-ci aux « feux de la colère ». Dans l’Ain, quelque 150 agriculteurs avaient répondu à l’appel de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs pour rallier sept ronds-points du département : Saint-Denis-en-Bugey, Replonges, Péronnas, Cras-sur-Reyssouze, Saint-André-de-Corcy, Bourg-en-Bresse et Meximieux.
« Il est temps de relancer la machine des négociations »
A Bourg-en-Bresse, dès 19 h, les palettes crépitaient sur le rond-point situé près du centre Leclerc, tandis que les automobilistes manifestaient leur solidarité au monde paysan au son des klaxons. « Un soutien qui fait chaud au cœur », comme le soulignait le député Xavier Breton, venu avec son homologue, Jérôme Buisson, échanger avec les agriculteurs mobilisés. A l’heure du débrief et de la conférence de presse organisée autour du feu, Gilles Brenon, vice-président de la FDSEA, confiait : « C’est important d’avoir le soutien de nos élus. Ce soir, c’est une action plutôt spontanée. Un mouvement issu de toutes les actions menées l’hiver dernier et en particulier en février. Au Salon International de l’Agriculture, à Paris, on nous avait fait beaucoup de promesses. Au final, sur 120 demandes, une soixantaine avaient été validées et une trentaine seulement ont été mises en place ! »
Et de poursuivre : « On a laissé du temps à ce gouvernement…, et aujourd’hui nous avons une nouvelle Assemblée nationale. Tout a été mis en sommeil mais rien n’a été jeté au panier. Il est temps de relancer la machine des négociations. »
Cri de colère généralisée
D’une même voix, FDSEA et JA s’insurgent : « Le gouvernement tergiverse, prend des mesurettes… C’est insupportable ! C’est d’autant plus insupportable que l’été et l’automne 2024 sont marqués par une grave crise sanitaire et des récoltes catastrophiques du fait des conditions climatiques dramatiques des derniers mois. Enfin, comme si ça ne suffisait pas, la signature du Mercosur revient sur le devant de la scène, les rétorsions chinoises s’accentuent, etc. »
Selon Justin Chatard, président des Jeunes Agriculteurs de l’Ain, le but de l’action est d’avoir vraie une force de frappe : « On s’inscrit dans une mobilisation nationale. Tous les départements sont en train de bouger en même temps. Dans l’Ain, on a sept feux allumés ce soir. Hier on a bâché les panneaux d’entrée de villages avec pour slogan « on ne sait pas où on va ». Le gros point noir reste le Mercosur. On va importer du maïs du Brésil avec plus de 70 molécules. L’autre aberration, c’est la viande, avec des animaux nourris avec des farines animales, et des hormones de croissance. » En résumé, les agriculteurs demandent: une cohérence européenne et mondiale – et non une Europe qui ouvre la voix aux importations massives de produits agricoles et alimentaires qui ne respectent pas les normes françaises –, une simplification administrative drastique, des réponses face à la pression sanitaire, et la pleine application de la loi EGAlim pour avoir une juste rémunération de leurs produits.
Des députés solidaires
Et le député Jérôme Buisson de déplorer : « Malheureusement il faut souvent passer par la mobilisation pour se faire entendre. Ce sujet du Mercosur est une question très compliquée parce que la France n’a pas toutes les cartes en main. L’une des revendications fortes est que pour l’instant il ne convient pas parce qu’il met en danger des pans entiers de l’agriculture française. Quant aux « clauses miroir », pour l’instant c’est plutôt le miroir aux alouettes ! » Pour Xavier Breton, « le projet de loi d’Orientation a été arrêté en plein vol par la dissolution. J’avais voté pour. Le gouvernement commence à apporter des réponses et il ne faut pas ratifier le Mercosur dans les conditions actuelles. Ce projet de loi d’Orientation sera inscrit au Sénat après le vote du budget. Une circulaire sur le contrôle unique dans les exploitations est diffusée auprès des préfets qui doivent coordonner son application en lien avec les chambres d’agriculture. Quant à la loi Egalim, j’espère que le gouvernement prendra une initiative forte sur ce sujet. »
Si le mot d’ordre reste pour l’heure de se mobiliser en bonne intelligence et dans le respect, Gilles Brenon alerte : « J’ai écouté les propos du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, j’ai pris ça comme une menace. On peut entendre le message, mais on ne va pas se laisser marcher dessus. Il est important que l’on maintienne les actions et important d’y aller tous ensemble ! »
Patricia Flochon