FNMFR
« Des Maisons familiales rurales tombent dans le rouge »
S’il juge le réseau des Maisons familiales rurales (MFR) « plutôt en bonne santé », Dominique Ravon, le président de l’Union nationale des Maisons familiales rurales, pointe les difficultés financières de certains établissements. Et d’appeler le ministère de l’Agriculture à un « rééquilibrage » des dotations. Interview.
Que pèsent les MFR dans l’enseignement agricole ?
Dominique Ravon : « 430 Maisons familiales rurales forment chaque année près de 100 000 personnes, de la classe de 4e aux formations supérieures, dans 18 secteurs professionnels. Une partie concerne l’enseignement agricole, avec 43 000 élèves et 12 000 apprentis. Nous formons des chefs d’exploitation, des salariés, jusqu’aux métiers de l’agroéquipement, des entreprises de travaux agricoles, Cuma. Chaque MFR est gérée par une association loi 1901. Les membres sont majoritairement des familles mais aussi des professionnels et responsables locaux qui veulent s’engager dans la formation des personnes et le développement de leur territoire. 80 % de nos établissements sont situés en zone à faible densité de population. »
Quelles sont les spécificités de vos formations ?
D.R : « La pédagogie repose sur l’alternance, 50 % à l’école, 50 % en entreprise. Nos jeunes ont un fort ancrage dans le monde professionnel. Leur taux d’insertion est de 90 % au bout de trois ans. Un autre pilier de la formation est le savoir-vivre ensemble ; 95 % des élèves (jusqu’au Bac) sont en internat. Chez nous, l’enseignant est un moniteur, on ne dit pas professeur. Son rôle va au-delà des cours et englobe l’intercours, la visite aux entreprises, auprès des familles. »
Comment évoluent vos effectifs sur la rentrée 2023 ?
D.R : « Le nombre d’élèves est stable, à 43 000. Côté apprentis, l’effectif grimpe à 12 000, en hausse de 4 % sur la rentrée 2023. D’autres tendances méritent d’être notées. Il y a vingt ou trente ans, 70 % de nos jeunes dans l’enseignement agricole étaient issus du monde paysan. C’est l’inverse aujourd’hui. Dans certaines MFR, la part est de 30 %. De plus en plus de filles viennent dans nos établissements. Elles étaient surtout dans les formations cheval, canin. On les voit maintenant aller vers les exploitations agricoles.
Le député Didier Le Gac (Renaissance, Finistère) a alerté Marc Fesneau le 20 février sur les difficultés budgétaires rencontrées par certaines MFR. Quelle est la situation ?
D.R : « L’état de santé du réseau est plutôt bon. Des MFR développent l’apprentissage. Celles-là tournent bien. D’autres ne le font pas. Elles sont plus en difficulté. Trop d’embauches, une ou deux condamnations aux prud’hommes… et des MFR tombent dans le rouge. L’an dernier, cinq ont fermé. Mais trois supplémentaires vont passer sous contrat. Le nombre d’établissements se maintient autour de 430. Je les considère comme un service public dans des territoires les plus reculés. Voir disparaître des MFR est un crève-cœur. Ça montre que la politique publique n’a pas fait son boulot.
Que revendiquez-vous ?
D.R : « J’appelle l’État à rééquilibrer les financements. Le ministère nous verse 5 000 euros par jeune, contre 8 000 euros à l’enseignement privé catholique, 12 000 euros au public. On est à la traîne. La dotation est de 5 000 euros pour nos stagiaires, 8 500 euros pour nos apprentis. Un alignement est nécessaire. »
Selon le ministre, il y a besoin de 30 % d’apprenants en plus dans les formations agricoles. Les MFR peuvent-elles y répondre ?
D.R : « On peut accueillir plus de jeunes dans les MFR, les lycées publics, privés. 30 % d’apprenants supplémentaires dans l’enseignement agricole, c’est possible. Mais l’Éducation nationale doit lâcher du lest sur l’orientation. Il faut laisser les jeunes sortir de l’enseignement général pour aller dans le technique. Qu’au collège, les professeurs acceptent de parler de l’agriculture. Ne plus dire aux bons élèves : ‘’ Ne va pas dans l’enseignement agricole ’’, ‘’ tu mérites mieux que ça’’. La situation s’améliore. Mais aujourd’hui encore, l’orientation est liée aux notes, aux convictions des professeurs. Quand un jeune au collège s’intéresse à l’agriculture, n’a pas honte de lever le doigt pour le dire, il doit être accompagné. »