LOI SUR LE FONCIER
Les propositions sur la table

Depuis le début de l’année, les auditions de la mission parlementaire sur le foncier agricole sont menées et doivent s’achever à la rentrée. Sur ce sujet, une grande diversité de propositions d’évolutions législatives est discutée. Des notaires aux syndicats agricoles, en passant par les établissements publics fonciers locaux (EPFL), les Safer ou les universitaires, c’est le grand écart. L’examen du projet de loi est attendu pour début 2019.
Les propositions sur la table

Le cœur du projet de loi sur le foncier agricole, qui sera débattu en 2019, s'inspirera pour une part des propositions portées par le député socialiste Dominique Potier, nommé co-rapporteur de la mission parlementaire sur le foncier agricole avec une députée LREM, Anne-Laurence Petel. Durant le précédent quinquennat, le député de Meurthe-et-Moselle avait porté, à deux reprises, des propositions sur le droit de préemption renforcé pour les Safer et la lutte contre l'accaparement des terres, qui furent retoquées par le Conseil constitutionnel.

Investissements étrangers  demandes de veto

Sur le sujet de l'accaparement des terres, les syndicats agricoles sont unanimes. Après les récents achats d'exploitations par des investisseurs chinois, la FNSEA et les JA demandent que l'agriculture fasse l'objet d'un contrôle public des investissements – l'État pouvant prononcer l'interdiction de certains achats étrangers. Cela est déjà rendu possible pour certains secteurs stratégiques par le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit décret Montebourg. Les deux syndicats proposent d'étendre ce décret au foncier agricole. Sur le sujet du contrôle du foncier, l'ensemble des organisations agricoles s'accordent pour que le droit de préemption des Safer soit étendu dans le cas des sociétés. La FNSafer propose un cadre réglementaire équivalent quelle que soit la façon dont le foncier est porté (personne physique, personne morale). La FNSafer et les EPFL proposent ainsi de retrouver la transparence totale du marché foncier.

Les avis divergent sur l'autorisation d'exploiter

Hubert Bosse-Platière, professeur de droit à l’Université de Bourgogne.

 

Au sujet des autorisations d'exploiter délivrées par les préfectures après avis de la Commission départementale d'orientation de l'agriculture (CDOA), les notaires de France proposent « la suppression du contrôle des structures et son remplacement par un permis d'exploiter ». Les autres parties prenantes proposent le maintien des autorisations d'exploiter (avec avis de la CDOA), mais proposent de faire évoluer le dispositif. La FNSEA souhaite que le contrôle des structures s'applique aux transferts entre exploitations de forme sociétaire. Dans un souci de simplification, elle propose d'exclure les plus petits transferts du périmètre pour se concentrer sur « le contrôle des grands rapprochements ». La fondation Terre de liens propose un rapprochement des critères utilisés par les CDOA et de ceux utilisés par la Safer pour rendre cohérent le dispositif d'autorisation d'exploiter et celui d'attribution de foncier. Certains syndicats minoritaires demandent leur intégration aux CDOA.

Consensus sur la protection des terres agricoles

« Les lois d'urbanisme sont les premières protections du foncier agricole », rappelle Henri Bies-Péré, élu en charge du foncier à la FNSEA. Le syndicat privilégie d'ailleurs les Scot et les PLU inter-communaux pour éviter la multiplication des zones artisanales, et demande un renforcement des Commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF), qui rendent des avis sur ces documents. Les JA souhaitent que l'urbanisation soit repensée afin d'utiliser l'existant. Pour l'universitaire Hubert Bosse-Platière, professeur de droit à l'Université de Bourgogne, « il faut densifier la ville et sanctuariser les terres agricoles ». D'autres solutions sont envisagées. Pour la FNSafer, « il faut mettre une zone de protection des terres agricoles sur l'ensemble de la SAU ».

Des divisions fortes sur l'avenir des Safer

L'avenir des Safer oppose deux camps . D'un côté, les partisans d'un rapprochement des Safer et des EPFL et plus généralement de la transformation des Safer en établissement public. Et de l'autre, la FNSafer, les EPFL et la FNSEA qui y sont opposés. Hubert Bosse-Platière ne mâche pas ses mots  « Les Safer sont omniprésentes et impuissantes ». Il ajoute  « Elles sont incapables de lutter contre la concentration des terres ou contre l'artificialisation des sols. » Les notaires de France proposent la « création d'un guichet unique » en fusionnant les EPFL et les Safer au sein d'une « agence foncière régionale ayant en charge le foncier quelle que soit sa destination ». À l'inverse des autres syndicats agricoles, la FNSEA n'est pas favorable au rapprochement des Safer et des EPF, associée à la création d'une taxe dédiée, craignant une place trop importante de l'État dans la gestion. Les EPFL et la FNSafer sont totalement opposés à la proposition d'une administration qui regrouperait Safer, EPFL, EPF d'État.

Photovoltaïque et compensation écologique

Sur le photovoltaïque au sol, la FNSEA, qui a rencontré récemment le Syndicat de l'énergie renouvelable, affiche pour l'instant une opposition ferme à tout projet sur des terres agricoles, estimant que les friches industrielles et les bâtiments d'élevages constituent une surface de développement suffisante et craignant des dérives. La FNSafer est aussi opposée au photovoltaïque au sol. La question se pose de manière accrue sur les terres à faibles rendements. Certains syndicats agricoles estiment que sur certaines terres non arables, des panneaux suffisamment hauts, permettant aux animaux de continuer à pâturer, pourraient être acceptés. En ce qui concerne la compensation écologique, pour la FNSafer, « c'est la double peine » pour le foncier agricole, comme le dit également la FNSEA : des terres agricoles retirées ici pour un projet, et d'autres retirées ailleurs pour compenser les effets délétères de ce même projet.

 

DEBAT

L’avenir du statut du fermage divise

HenriBies-Péré

Pour la FNSEA, le principal problème posé actuellement par le statut du fermage, c’est que « de plus en plus de propriétaires hésitent à signer des baux avec les fermiers », explique Henri Bies-Péré chargé des questions foncières au sein du syndicat, notamment parce qu’ils craignent une décote du prix des terres s’ils souhaitent vendre en cours de bail une terre occupée par un fermier.
« La propriété de terres agricoles devient une illusion » en France pour les propriétaires, soumis à des contraintes grandissantes et des évolutions sociétales et économiques contradictoires, a estimé  Bernard Maloiseaux, secrétaire général du SNPR, la section nationale des propriétaires ruraux de la FNSEA.  Les responsables du SNPR souhaitent être auditionnés par la mission d’information parlementaire sur le foncier agricole. « Il y a aujourd’hui parmi les propriétaires une véritable réticence à louer ses terres, car le statut du fermage est devenu une vraie prison pour eux », a souligné la présidente du SNPR, Josiane Beliard. La FNSEA souhaite trouver un nouvel équilibre pour ces différentes situations. Un équilibre permettant aux propriétaires de vendre en cours de bail, de rendre les terres libres et de rembourser les investissements du fermier. Le projet d’évolution est en cours de finalisation, les sections des propriétaires et des fermiers, n’ayant pas trouvé à ce jour de point d’entente. Un statut du fermage protecteur doit être maintenu pour les JA afin de répondre au besoin de visibilité nécessaire aux exploitants. Toutefois, le syndicat fait le constat d’un besoin de rééquilibrage de ce statut en faveur des propriétaires, qui peuvent aujourd’hui être frileux à la mise en location de leurs terres. Ainsi, les JA accepteraient un assouplissement de ce statut sous conditions clairement définies, par exemple pour un défaut de paiement de l’exploitant. Pour la FNSafer, le statut du fermage doit être maintenu. En amont d’une évolution du statut, la FNSafer propose de définir le statut de l’agriculteur actif. Les notaires de France proposent de prendre en compte la nature des biens exploités et la valeur du bien mis à disposition pour calculer le prix du bail. Ils demandent aussi « plus de souplesse » sur les causes de fin du bail, sur les possibilités de sous-location et une amélioration du bail cessible.
Les notaires proposent également que « le statut du fermage prenne plus en compte des considérations environnementales en favorisant notamment l’insertion de toutes clauses pour la protection de l’environnement. » La cessibilité des baux ne fait pas l’unanimité. Plusieurs syndicats minoritaires s’y opposent, tout comme la fondation Terre de liens craignant une marchandisation des terres. La FNSafer se dit favorable à la mise en place de mesures fiscales incitatives pour les propriétaires s’engageant sur un bail à destination des jeunes agriculteurs.