SESSION PLÉNIÈRE
La Chambre d’agriculture soutient les manifestants suite aux réactions de certains maires

Patricia Flochon
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Souveraineté alimentaire et légitimité à manifester ont alimenté les débats lors de la session plénière de la Chambre d’agriculture. Si l’action menée a suscité quelques remous lors de la dernière opération « retournement de panneaux », elle trouve tous son sens au regard des dérives constatées dans les GMS et un durcissement des contrôles qui s’en suivra. Explications.

La Chambre d’agriculture soutient les manifestants suite aux réactions de certains maires
Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, entouré de Vincent Patriarca, directeur des territoires de l’Ain, Jean-Yves Flochon, vice-président du Département, Gilles Brenon, vice-président de la Chambre d’agriculture et Valéry Saramito, chargé de mission DGFIP (Direction générale des finances publiques). Photo/PF

Trois jours après la manifestation et visites d’enseignes de la grande distribution, organisée par la FDSEA et les JA visant à dénoncer les importations françaises et fraudes dans les rayons des GMS, le sujet de la souveraineté alimentaire était au centre des débats lors de la session plénière de la Chambre d’agriculture. Vendredi 24 novembre, son président, Michel Joux, a félicité les agricultrices et agriculteurs pour leur forte mobilisation : « Notre société marche sur la tête mais les agriculteurs eux, conservent les pieds sur terre et le bon sens paysan. Cette opération visait à mettre en avant les dérives du système de distribution alimentaire dans ses pratiques d’information du consommateur. La société doit nous faire confiance ! ». Une manifestation réussie donc, ternie cependant par les commentaires d’un Jean-Pascal Thomasset, maire de Nantua1, dont la commune faisait partie lundi 20 en soirée de la centaine d’agglomérations dont les panneaux ont été retournés tête en bas, pour symboliser le slogan : « On marche sur la tête ». Et Julien Quinard, élu à la Chambre et viticulteur à Massignieu-de-Rive, de s’insurger : « J’ai été déçu par rapport à la réaction d’un élu qui qualifie de voyous les agriculteurs qui ont retourné les panneaux. Quand on est responsable politique, on se doit de garder mesure. Ces propos sont inadmissibles. C’est une honte. Chacun devrait retrouver raison. Quand nos syndicalistes ne pourront plus manifester, c’est le peuple qui manifestera et là ça sera pire ! ». Et Gaëtan Richard, trésorier de la Chambre d’agriculture et éleveur à Champagne-en-Valromey, de témoigner que son associé avait été convoqué au commissariat pour avoir démonté des panneaux… Quant à Jonathan Janichon, président de la FDSEA, il ajoutera : « La population nous a écouté et les maires globalement sont contents de notre action. À ces quelques maires qui pourraient nous reprocher l’action, je leur dirais : le jour où vous n’aurez plus de services agricoles dans vos campagnes, ça va vous coûter beaucoup plus cher que le fait de remettre deux panneaux à l’endroit. L’ordre était clair de remettre tous les panneaux qui ont été empruntés et ça a été fait. Des maires qui s’inquiètent de l’avenir de la ruralité, ça c’est la vraie victoire de cette manifestation ».
 
« Nous traiter de délinquants, c’est inadmissible ! »
 
Tous s’accordent à dire que l’opération a démontré une fois de plus que la capacité du réseau FDSEA-JA à se mobiliser. Des actions qui trouvent tous leur sens au regard des dérives constatées, ainsi que le rappelait Justin Chatard, président des Jeunes Agriculteurs : « Nous traiter de délinquants, c’est inadmissible. D’autant que nous avons trouvé en grandes surfaces de la viande importée massivement. Nous avons relevé des erreurs flagrantes, hors-la-loi et aucun contrôle n’a été fait, aucune sanction. Il faut que des contrôles soient mis en place dans ces magasins. C’est facile d’aller contrôler les fermes, de rajouter des normes, mais ça doit être fait à toutes les échelles. On n’est pas des délinquants. On travaille, on paie nos cotisations. Ma question aux services de l’État est : doit-on encore installer des jeunes demain dans ces conditions ?! ». Une colère entendue par le directeur de la DDPP2, Rabah Bellahsene, qui annonçait mettre en place dans les jours à venir les contrôles nécessaires et augmenter la pression dès 2024 auprès de la grande distribution pour faire respecter la loi. Jean-Yves Flochon, vice-président du Département et président de l’association départementale des maires et des présidents d’intercommunalité de l’Ain, s’est fait fort quant à lui de rappeler que « tous les maires avaient été largement informés en amont et que d’une façon générale, les élus du département sont sensibles à l’avenir de l’agriculture ». 
 
Stockage de l’eau : des projets dans les tuyaux
 
Autres sujets abordés lors de cette session plénière : l’incontournable maîtrise de la gestion de l’eau, le loup, l’installation, les énergies renouvelables… En réponse à l’urgence de développer des solutions de stockage de l’eau, l’une des priorités 2024 pour la Chambre d’agriculture sera de conduire des expérimentations sur des sujets innovants. Et Michel Joux d’annoncer qu’un premier projet de ré-infiltration dans la nappe de la Dombes a été proposé et que le travail se poursuit sur des projets de stockage : « Au vu de notre budget, un soutien financier sera le bienvenu pour conduire vite et efficacement ces actions. Une demande a été portée lors de la Conférence agricole auprès du Département et la mobilisation du fond de compensation collective agricole sera sollicitée. La préfète est en attente de propositions concrètes sur ces sujets de l’eau. J’ai senti une vraie volonté de sa part ». Pour rappel, la Chambre d’agriculture est engagée aux côtés de l’Etat et du Département sur le projet « Eau de l’Ain ». À ce sujet, Gilles Brenon, vice-président de la Chambre d’agriculture, n’a pas masqué un certain agacement, soulignant : « Une réunion est prévue le 22 mars 2024. Je veux bien que l’on organise des journées, mais on n’a pas encore bougé un curseur. Il faut que l’on se pose les bonnes questions », ajoutant que « dans le programme de l’Agence de l’eau, il n’y a absolument rien sur le stockage. On ne nous annonce encore que des restrictions. C’est un sujet trop grave pour qu’on le banalise ». Autre sujet de mécontentement, les difficultés liées au guichet unique qui remplace depuis le 1er janvier les CFE3. « Il n’y a pas de transmission entre la MSA et le Guichet unique. Nos services sont en train de s’arracher la tête pour faire passer les dossiers. C’est toujours coincé dans les tuyaux », s’impatiente Gilles Brenon, alors que Jonathan Janichon soulève la question des délais : « On refacture des heures de travail que normalement nous n’avons pas à effectuer. Et que va-t-il se passer pour les agriculteurs qui ne vont pas toucher leur retraite ou qui devront payer une année de cotisations MSA supplémentaire ? Il faut donc impérativement que ça se débloque et il reste moins de quatre semaines ! ».
 

1 Le maire de Nantua, Jean-Pascal Thomasset, twittait lundi 20 novembre, peu après 23 h : « Il y a d’autres moyens de défendre l’agriculture que ces gestes de délinquants qui polluent la vie municipale […] ».
2 Direction départementale de la protection des populations.
3 Centres de formalités des entreprises.