CYNÉGÉTIQUE
Les aides aux chasseurs démultipliées

La publication des comptes de la fédération nationale des chasseurs montre un bond des subventions publiques accordées à la chasse suite à la loi de 2019. À noter l’enveloppe de dix millions d’euros destinée à financer des projets sur la biodiversité.

Les aides aux chasseurs démultipliées
Les soutiens publics à la FNC sur la période 2020-2021 se sont élevés à 11,4 millions.©Rodimov Pavel

« Nous avons publié nos comptes : nous sommes transparents », assume-t-on au siège de la Fédération nationa
le des chasseurs (FNC). Des comptes qui révèlent que le soutien de l’État au monde de la chasse n’a jamais été aussi généreux depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017. En comparant le bilan des différents exercices, on y apprend notamment que les soutiens publics à la FNC sont passés de 150 000 euros en moyenne entre 2016 et 2018 à 6,3 millions d’euros (M€) en 2019-2020, puis 11,4 millions en 2020-2021. Principale explication de cette hausse : les nouvelles missions de gestion des associations communales de chasse agréées (Acca) et l’attribution des plans de chasse individuels (PDC), transférés par la loi de 2019 des préfectures aux fédérations de chasse. Des nouvelles compétences qui ont valu des compensations publiques de 4,5 M€  en 2019-2020 et de 9 M€ en 2020-2021. « La FNC joue un simple rôle de boîte aux lettres en redistribuant aux fédérations locales », assure-t-on au siège de la FNC.

L’écocontribution en débat

La hausse des aides publiques est également due à autre apport de la loi chasse : la nouvelle écocontribution. La FNC aurait ainsi reçu 1,8 M€ de ce fonds de 15 M€, abondé à hauteur de 10 M€ par l’État et de 5 M€ de redevances prélevées sur les permis, destiné à financer les projets des fédérations de chasse en matière de biodiversité. « Une confirmation de la capacité des chasseurs de mener des actions de terrain », résume la FNC. Près de cinq-cents projets auraient d’ailleurs déjà été financés grâce à ce fonds, après validation par les services de l’Office français de la biodiversité (OFB). À la Ligue de protection des oiseaux (LPO), on n’a pas oublié que le président de la FNC, Willy Schraen avait déposé en février 2022 une pétition exigeant « la fin des réductions fiscales aux associations qui utilisent des moyens illégaux contre des activités légales ». Et on peine à croire à l’efficacité de financements biodiversité accordés par l’État. « Certaines actions sont loin de contribuer à la biodiversité, comme la création de garennes pour entraîner les chiens de chasse. D’autres servent à contrer les avis scientifiques existants, comme sur le gypaète barbu, et trop peu de données sont transmises à l’État », grince Yves Verilhac, actuel directeur général de l’association. Pire, rappelle-t-il, cette écocontribution a été décrite par Willy Schraen dans son livre comme « une machine de guerre environnementale », visant à concurrencer les associations. « C’était une déclaration de guerre, et Emmanuel Macron a fourni les balles », soupire le naturaliste. La LPO a donc attaqué en janvier l’écocontribution et la convention qui la régit en déposant un référé suspension auprès du tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis). L’association n’a pas eu gain de cause sur le caractère d’urgence, mais la procédure se poursuit sur le fond. Un pourvoi au Conseil d’État devrait par ailleurs être examiné à l’automne, alors que l’aide aux chasseurs n’a pas été notifiée par le gouvernement à la Commission européenne.

La Cour des comptes sur la trace des chasseurs

Mais la LPO n’est pas la seule à critiquer l’écocontribution. Dans une synthèse publiée en novembre 2021, le conseil scientifique de l’OFB estime aussi que « le dispositif mis en place ne permet pas de garantir une qualité suffisante des projets sélectionnés ». Principales critiques de la police de l’environnement : un manque d’information rendant « toute évaluation très difficile », un faible nombre de dossiers déposés au regard du montant total et un financement annuel inadapté aux projets dédiés à la biodiversité. Les experts identifient même « un risque relatif à la réputation de l’OFB », face à des « projets de qualité très faible ». En conséquence, ils recommandent un renforcement des exigences des dossiers, mais également une analyse des coûts et des bénéfices pour l’office, tout en suggérant un éventuel « désengagement de l’OFB du dispositif », faute de résultats plus convaincants. Autant de critiques qui n’échapperont sans doute pas aux auditeurs de la Cour des comptes qui a annoncé, en juillet, le lancement d’une mission de contrôle d’initiative citoyenne sur les aides publiques accordées à la chasse. Ses conclusions sont attendues fin 2023.

I.L.