FONCIER
Le boom du marché foncier rural

Patricia Flochon
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Le 26 janvier, la Safer organisait à Bourg-en-Bresse l’évènement « La terre dans tous ses états » en présence de Gilles Flandin, président de la Safer AuRA. Une matinée dédiée au bilan du marché foncier et de l’action de la Safer dans l’Ain en faveur du renouvellement des générations, des défis climatiques, du développement économique des territoires et la sécurisation du potentiel alimentaire local.

Le boom du marché foncier rural
La Safer accompagne 25 jeunes agriculteurs au niveau régional en prenant en charge une partie des frais de leurs actes notariés. Cinq jeunes de l’Ain en bénéficient. PHOTO/PF

Concernant la dynamique du marché foncier de l’espace rural, les espaces ruraux sont des espaces particulièrement attractifs. Le marché de l’immobilier a été particulièrement dynamique ces dernières années. Sur les espaces ruraux, ce marché a été en augmentation constante depuis une dizaine d’années (excepté un léger phénomène de ralentissement en 2020 dû au confinement). Ce qui s’est traduit par une augmentation des ventes, de 4 700 ha en 2012 à plus de 7 500 ha vendus en 2021. Une dynamique particulièrement importante observée jusque fin décembre 2022. 5067 ventes représentent une hausse de 26 % par rapport à 2020, soit une valeur totale de 643 millions d'euros (M€) ; ce qui n’est qu’une partie du marché foncier immobilier total, les espaces ruraux représentant environ 6 % des transactions régionales. Par rapport au marché immobilier global, c’est environ 10 % des surfaces et des valeurs. « La Safer observe ces 5 000 ventes, intervient concrètement et juridiquement dans une fraction de ce marché pour environ 200 ventes et notre activité a aussi suivi cette évolution et reste particulièrement dynamique », souligne Damien Ardiet, directeur départemental de la Safer. Et Alexis Marze, directeur adjoint Safer Auvergne Rhône-Alpes d’expliquer comment la Safer identifie les marchés : « Nous avons une information exhaustive sur les marchés fonciers ruraux et péri-urbains, puisque dans le cadre légal, à chaque fois qu’il y a un projet de vente enregistré par un notaire, celui-ci informe la Safer au travers d’une déclaration d’intention d’aliéner (DIA). De manière globale, toutes les transactions à partir du moment où elles comportent du terrain situé en zone agricole ou naturelle (zone N) de document d’urbanisme, dès les premiers mètres carrés, doit faire l’objet d’une information à la Safer. Sur les zones urbaines, c’est à partir de 2 500 m² dans la mesure où il y a un usage agricole de ces terrains. »
 
Décryptage du marché foncier de l’espace rural
 
Selon Damien Ardiet, « le marché foncier de l’espace rural est composé de plusieurs sous marchés, que la Safer va classer dans différentes catégories en fonction du caractère dominant de la vente qui lui a été transmise. On va retrouver, d’abord le marché agricole, les ventes pour lesquelles les ventes sont à destination agricole certaine : les biens qui sont vendus à des agriculteurs ou à des gens qui vont louer à des agriculteurs. La plus grande fraction des biens qui sont vendus dans l’espace rural, en surfaces, vont à une destination agricole. Pour autant, on observe qu’une partie significative de ces surfaces, environ 15 %, vont être vendues dans les espaces ruraux à destination résidentielle. Plus une fraction pour les espaces naturels et forestiers et une petite partie à destination de l’urbanisation, et puis une partie également importante pour des espaces de loisirs (environ 5 %) ». Concernant le nombre de ventes, en grande majorité la Safer reçoit des notifications pour des biens qui sont à vocation résidentielle. La Safer travaille en particulier sur ces biens résidentiels qui sont vendus avec des surfaces agricoles. 
 
Zoom sur le marché agricole dans l’Ain
 
Ce marché représente 1 432 ventes en 2021 pour 246 qui sont des ventes avec du bâti ; soit environ 5 000 ha qui se vendent tous les ans à destination agricole, pour une valeur de 109 M€. Quid des prix de vente ? Pour les prix nus (des terres et des prés), des différences relativement fortes existent dans le département de l’Ain, selon les différents secteurs géographiques. Les secteurs les plus péri-urbains sont les plus sous tension, notamment liée au fait de la présence d’agglomérations à proximité. Des secteurs très attractifs, notamment pour des usages de loisirs, donc mécaniquement les prix des terres et des prés montent, avec un impact sur la rentabilité des activités agricoles. « Globalement nous avons des fourchettes de prix comprises entre 500 € jusqu’à 5 500 €/ha. À l’échelle nationale, la valeur moyenne d’un hectare est plutôt autour de 5 000 €. Donc dans l’Ain on est sur des prix de foncier agricole plutôt en dessous de ce que l’on a l’habitude d’observer au national. Sachant que les prix observés chez nos voisins italiens par exemple, ou encore les pays du Nord, sont bien supérieurs », ajoute Alexis Marze. Dans le Pays de Gex les prix vont dépasser parfois les 10 000 €/ha, des prix qui font que la charge du foncier dans les économies agricoles est particulièrement importante. 
 
Profil des acheteurs de foncier agricole 
 
Dans l’Ain, 61 % des transactions, pour 60 % des surfaces environ, ce sont des achats réalisés par des agriculteurs ou par des sociétés maîtrisées par des agriculteurs et personnes morales agricoles. Une partie très significative (environ 40 %) des surfaces sont acquises soit par des personnes physiques soit par des personnes morales non agricoles, toutefois en grande majorité pour le mettre à disposition de l’agriculture. Les surfaces achetées par les collectivités représentent 2 % (4 % des transactions). « C’est intéressant parce que dans les relations que nous avons avec les collectivités territoriales, on observe qu’elles sont de plus en plus soucieuses d’avoir un œil sur ce qui se passe sur le foncier agricole, d’essayer d’avoir des garanties sur maintien de l’usage agricole des terrains, notamment pour garantir le bon usage alimentaire. Ce phénomène reste mesuré, mais je ne serais pas surpris qu’à l’avenir cette proportion d’achat aille en s’accroissant », ajoute Damien Ardiet. 
 
La consommation foncière masquée des espaces ruraux
 
Concrètement, lorsqu’un espace agricole est destiné à l’artificialisation, à l’urbanisation, il disparaît de l’agriculture. Ce phénomène, observé depuis plusieurs années, représente 400 ha par an en moyenne sur les cinq dernières années dans l’Ain. Parallèlement sont réalisées des ventes de terrains agricoles à des gens qui ne sont pas agriculteurs, soit à vocation résidentielle, soit pour un usage de loisirs et de petites parcelles. Selon Damien Ardiet, « on observe que ce phénomène conduit à la perte d’usage agricole du terrain. Quand une maison se vend avec 2 ha, qu’il y avait avant la vente un exploitant agricole et que du fait de la vente il a été obligé de partir, ce terrain disparaît de l’usage agricole. Sa vocation agricole n’est pas toujours définitivement perdue, mais son usage est particulièrement fragilisé. Cela représente une superficie quasiment équivalente à celle de l’artificialisation et c’est un sujet sur lequel dans le département on doit être vigilant et nous y travaillons. » La Safer va chercher à obtenir des garanties d’usage auprès de l’acquéreur pour qu’il garantisse le retour à l’agriculture de la terre le plus rapidement possible. À l’échelle régionale, cela représente environ 4 000 ha par an. Et Gilles Flandin, président de la Safer Auvergne Rhône-Alpes d’insister : « Sans l’intervention des Safer sur ce type de surfaces, on a des terres qui peuvent ne plus comporter d’activité agricole et donc de production de denrées alimentaires. Alors qu’on s’interroge sur la souveraineté alimentaire, c’est à chacun de faire des efforts. Alors, oui de temps en temps on est contesté sur notre intervention. Il faut comprendre qu’on est dans notre mission, avec l’objectif d’observer et de participer à l’aménagement des territoires et on a des garanties à apporter quant à la préservation du potentiel agricole de nos terres. » Une position partagée par le président de la Chambre d’agriculture, Michel Joux, qui rappelait : « Il faut continuer à travailler en bonne intelligence, que cet outil puisse être au service des agriculteurs et du milieu rural. Dans d’autres pays où il n’y a pas d’encadrement, c’est très compliqué. Nous avons une chance extrêmement importante en France d’avoir la Safer pour ne pas faire tout et n’importe quoi, pour continuer à produire des biens alimentaires. Je militerai toujours sur le fait de continuer à avoir de tels outils, de contrôle et surtout d’orientation. »

L’activité de la Safer dans l’Ain

Une équipe de 11 personnes
Environ 200 ventes traitées, qui représentent 218 candidatures
Conventions avec les collectivités territoriales : 40 % des communes du département sont couvertes par la veille foncière. Plus un accompagnement des collectivités sur la maîtrise du foncier  
20 dossiers de convention de mise à disposition (gestion locative par la Safer)
Gestion de 5 253 de notifications de vente en 2021
En 2022 la Safer a accompagné 32 projets d’installation (une cinquantaine de dossiers en comptant la consolidation d’exploitations suivant l’installation) 

Un programme stratégique ambitieux pour 2022-2028

Signé par le préfet de région le 30 juin 2021, le PPAS (Programme pluriannuel d’activités) de la Safer Auvergne Rhône-Alpes comprend trois axes : la préservation de la terre comme étant une ressource (contrainte aujourd’hui par l’évolution climatique et la nécessité d’une transition écologique à accompagner) ; un volet économique (tant agricole que les autres activités du territoire) ; la vitalité des territoires et la médiation (favoriser bonne adéquation entre les agriculteurs et les nouveaux occupants du territoire).

Tous les détails à retrouver sur :

https://www.safer-aura.fr/website/datadev/article/file/1613442160370892018/ppas_2022_2028.pdf