TERRITOIRE
Mineurs non accompagnés : « c’est dramatique sur le plan humain, catastrophique sur le plan financier »

Margaux Balfin
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Lors de sa traditionnelle conférence de presse de rentrée, le président du Conseil départemental Jean Deguerry ne s'est pas attardé sur l'actualité agricole. Après avoir rappelé les chiffres réconfortants de la saison estivale touristique il a revanche fait part de son inquiétude vis-à-vis de l’accompagnement des mineurs non accompagnés pour cette rentrée. 

 Mineurs non accompagnés : « c’est dramatique sur le plan humain, catastrophique sur le plan financier »
Le président du Conseil départemental, Jean Deguerry, tire la sonnette d’alarme face à l’incapacité du Département à prendre en charge financièrement et humainement le flux croissant de MNA. Pho-to/MB

Cinq à six nouveaux jeunes mineurs non accompagnés sont pris en charge chaque jour par le Conseil départemental. Depuis 2013, leur accueil, évaluation, scolarisation et hébergement incombe au Département dans le cadre de sa mission de protection de l’enfance. 
Actuellement, le Département prend en charge 329 mineurs non accompagnés dont pas moins de 232 sont arrivés dans l’Ain depuis le 1er janvier 2023. Les services départementaux estiment que ce nombre pourrait atteindre 300 d’ici la fin de l’année. La majorité de ces mineurs sont arrivés directement sur le territoire par le biais de trafics humains de filières criminelles ou de l’immigration ; les autres ont été réorientés vers les services départementaux par la cellule nationale* de prise en charge. L’arrivée de quelque 6 000 migrants sur l’île de Lampedusa a intensifié l’afflux de ces mineurs. 
« Un contexte de rentrée difficile», déplore Jean Deguerry. Le président du Conseil départemental souligne par ailleurs deux évolutions récentes : « Ces mineurs sont de plus en plus jeunes et il y a aussi beaucoup plus de filles, ce qui rend d’autant plus difficile leur hébergement. Certaines jeunes filles sont enceintes et/ou ont subi des agressions donc nous sommes devant des drames humains. »
 
Les capacités d’hébergement saturées 
 
En conséquence, les capacités d’hébergement du département arrivent à saturation.  « Nous avons une soixantaine de mineurs aindinois dont nous n’arrivons plus à nous occuper », ajoute Jean Deguerry. Un grand nombre de jeunes ont été mis à l’abri à l’hôtel. Avec la loi Taquet, ce recours ne sera toutefois plus possible à partir d’avril prochain. Le Département a d’ores et déjà réquisitionné l’un de ses bâtiments, le Chalet et Loges aux Grand Abergement, normalement dédié à l’accueil de vacances des agents départementaux. Cinquante jeunes y sont pour l’instant logés, mais leur nombre dépasse la capacité maximale d’accueil du site de 24 personnes. Vingt-cinq autres mineurs devaient être redirigés vers le centre de loisirs de Jasseron cette semaine. Le Département et l’association Alfa3a travaillent également de concert pour hébergés plusieurs jeunes dans l’ancien Ehpad de Valserhône à partir de novembre. Des solutions prises dans l’urgence qui mettent du temps pour se concrétiser. Le Département étudie également la possibilité de créer des places de logements pérennes sur le site de l’ancienne gare routière d’Ambérieu-en-Bugey. 
 
« L’État doit compenser à l’euro près » 
 
Financièrement, la prise en charge des mineurs non accompagnés devrait atteindre 7,7 millions d’euros (M€) pour 2023, et s’élever à 8,6 M€ pour l’année prochaine selon le budget prévisionnel 2024. « C’est dramatique sur le plan humain, catastrophique sur le plan financier », s’inquiète Jean Deguerry. Il appelle l’État à prendre ses responsabilités. « La gestion du flux migratoire est de l’ordre du régalien et n’est pas une compétence départementale. La gestion doit rester aux Départements car nous savons faire, mais il faut que l’État nous en donne les moyens et compense à l’euro près », adjure-t-il. Un courrier doit être rédigé en ce sens par l’Assemblée des Départements de France prochainement promet celui qui en est également le vice-président. 
Jean Deguerry demande également à l’État de revenir sur la loi Taquet et d’autoriser les tests osseux. Décriés par la gauche, ces tests permettent de déterminer l’âge de la personne et de savoir si elle rentre dans le cadre de la prise en charge des MNA. 
« La seule solution pour l’instant, c’est de demander à Madame la Préfète de réquisitionner un bâtiment », en conclut Jean Deguerry. Une rencontre était prévue vendredi dernier avec les services de l’État jusque-là restés sourds aux appels du Département selon son président. Et de conclure : « l’État ne répond pas pour l’instant parce qu’il n’y a pas de vraie majorité au gouvernement qui ne veut pas faire de vague avant son projet de loi sur l’immigration… »


*Depuis la circulaire Taubira du 31 mai 2013, le ministère de la Justice publie, tous les ans, un arrêté qui fixe une clé de répartition des MNA sur le territoire national, pour éviter les disparités entre les Départements. Chaque Conseil départemental se voit attribuer un pourcentage qui correspond à sa quote-part d’accueil et de prise en charge des MNA. En 2023, le taux de l’Ain est de 1,02 %.