Le Comité des représentants permanents des gouvernements des États membres de l'Union européenne (Coreper) a donné son feu vert, le 25 septembre, pour revoir le statut du loup. Une très bonne nouvelle pour les agriculteurs, alors que les associations de protection des animaux crient au scandale.
Voilà plusieurs années que les agriculteurs alertaient les pouvoirs publics de leurs pays respectifs, mais aussi la Commission européenne, sur la multiplication de la population lupine et surtout des attaques contre les troupeaux. Ils ont remporté une première victoire le 25 septembre. Le Comité des représentants permanents des gouvernements des États membres de l'Union européenne (Coreper) a en effet validé le principe d’une modification du statut de protection du loup dans la Convention de Berne. En clair, le statut du loup pourrait passer du statut de « protection stricte » à celui de « protection simple ». Dans l’hypothèse où ce déclassement serait acté, le loup pourrait être plus facilement éliminé. Il faut dire que les dégâts qu’il cause sont assez nombreux : ils sont responsables de la mort de 65 500 bêtes chaque année en Europe, parmi lesquels 73 % de moutons et chèvres, 19 % de vaches et 6 % de chevaux et d'ânes.
« Mieux réguler ce prédateur »
Le Copa-Cogeca, salue « un pas en avant majeur » et la Fédération européenne des chasseurs (Face) une « victoire ». La FNSEA et Jeunes agriculteurs reconnaissent que « cette annonce vient récompenser le travail sans relâche accompli par notre syndicalisme unitaire, depuis des mois et des mois, à l’échelon national auprès du président de la République, du Premier ministre et des ministres de l’Écologie et de l’Agriculture, des parlementaires ainsi qu’au sein du groupe national loup. » De son côté, l’eurodéputé française, Céline Imart, y voit « une première victoire salutaire » ainsi qu’un « répit » pour les éleveurs « durement touchés » par les attaques de loups. Sur le territoire national, la population du loup a doublé entre 2017 et 2023 et les dommages sont pratiquement stables, autour de 12 000 bêtes par an. Au plan européen, pas moins de 20 000 individus sont présents dans 23 pays, dont environ 2 500 en Espagne et 1 100 en France, 1003 selon un récent décompte d’ONG environnementales1. Ces dernières sont naturellement vent debout contre cette brèche ouverte et dénoncent « une décision scandaleuse et un jour honteux pour l’Union européenne ». Il n’est pas certain que ces ONG trouvent un écho particulier auprès de la nouvelle ministre de l’Agriculture.
Les bovins victimes du loup toujours en hausse
D’après le bilan 2023 publié par la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes, 479 bovins ont été victimes du loup en France l’année passée (+ 15 % par rapport à 2022), pour 335 dossiers d’indemnisation (+ 18 %). Sur l’ensemble des animaux d’élevage, les bovins représentent 7,5 % des attaques en 2023 (contre 82,8 % pour les ovins). « En valeur absolue comme en valeur relative, les dommages du loup sur les bovins augmentent régulièrement depuis 13 ans », relèvent les pouvoirs publics dans leur note. Même si 25 départements sont concernés, les attaques de loups sur bovins sont « surtout localisées dans les départements alpins et dans une moindre mesure en Bourgogne-Franche-Comté ». Ces attaques « peuvent avoir lieu en altitude », mais elles « s’observent davantage en plaine et moyenne montagne ». En particulier, les cas de prédation ont explosé l’année dernière en Saône-et-Loire, important bassin bovin, avec 28 constats imputés à la prédation (+ 833 %), pour 34 victimes (multiplication par dix). Au niveau national, les loups s’attaquent avant tout aux jeunes animaux, qui représentent deux tiers des victimes.
Y. G.
Un processus de plusieurs mois
Lors de la passation de pouvoir le 23 septembre, elle avait affirmé : « Ces agriculteurs que je vois solides, déterminés, je les ai vus tout d’un coup fondre en larmes parce qu’ils aiment leurs bêtes, Je pense qu’il faudra que nous reparlions de ce sujet important. ». Les agriculteurs ne sont toutefois pas anti-loups. « Ce qu’ils veulent c’est zéro attaque », a précisé Christiane Lambert, alors présidente du Copa, satisfaite qu’à terme « on puisse mieux réguler ce prédateur ». Mais le chemin est encore long avant le changement de statut : la proposition du Coreper doit d’abord être examinée début décembre lors d'une réunion de la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage. Il faut ensuite adapter la directive Habitats-Faune-Flore de 1992. Le processus devrait prendre plusieurs mois.
Christophe Soulard
1 : Selon les scientifiques, le seuil de viabilité de l’espèce est estimé à 500 loups.
« Une lueur d’espoir » pour la FNO
« C’est une lueur d’espoir dans toutes les difficultés que notre profession traverse actuellement avec les crises sanitaires », a commenté Michèle Boudoin, présidente de la FNO. « Car à la fièvre catarrhale ovine peut aussi s’ajouter la prédation », a-t-elle précisé. « Le chemin de croix a été long » et « nous avons dû batailler ferme avec Christiane Lambert et le Copa pour faire prendre conscience du problème à Bruxelles ». Pour la FNO, il n’est pas question de supprimer de la biodiversité. « Il s’agit simplement de supprimer le loup fautif et de faire comprendre qu’une coexistence est possible. La faune sauvage doit aussi respecter l’économie de nos territoires », a-t-elle affirmé, rejetant les visions chimériques et « fantasmés » de certains urbains sur les campagnes. « Cette brèche ouverte, dont nous souhaitons qu’elle aille au bout de sa logique, c’est aussi redonner la parole aux ruraux. Cette parole doit aussi exister », a-t-elle conclu.