IRRIGATION
Canicule : la question brûlante de l’irrigation

Le secteur agricole est très touché par les sécheresses, qui vont se multiplier avec le réchauffement climatique. Un arrêté préfectoral en date du 12 juillet, limitant l’irrigation, pénalise fortement les cultures. Réunion de terrain, jeudi dernier pour faire le point.

 Canicule : la question brûlante de l’irrigation
Une cinquantaine d’agriculteurs concernés par l’irrigation étaient présents pour trouver des solutions ensemble sur le bon déroulé de la saison cultural. Photo/Yolande Carron

C’est l’histoire d’un arrêté préfectoral définissant des heures d’arrosage suivant les secteurs, qui fait cauchemarder les agriculteurs et pose bien des questions autour de la gestion de l’eau sur le département de l’Ain, qui a été le premier à poser un arrêté pénalisant les agriculteurs en matière d’arrosage. Afin d’y répondre au mieux, de faire un point avec les agriculteurs qui n’ont pas d’autres choix que de subir, la FDSEA, les JA et la Chambre d’agriculture, ont organisé jeudi dernier en fin d’après-midi une réunion de terrain à Pérouges sur la parcelle de Rémy Bernin. Une cinquantaine d’exploitants agricoles avaient fait le déplacement, ainsi que Sébastien Vienot, directeur adjoint de la DDT, et Myriam Crouzier, du service protection et gestion de l’eau et de l’environnement de la DDT. L’objectif était de trouver des solutions ensemble, car comme le rappelait Adrien Bourlez, président de la FDSEA, « nous nous en sortirons tous collectivement si nous arrivons à faire comprendre qu’irriguer c’est préserver nos exploitations, garantir la nutrition pour tous, et pour cela il nous faut terminer notre saison culturale avec le meilleur rendement possible qui passe forcément par l’irrigation. »
 
Une situation complexe
 
Pour Adrien Bourlez, « le contexte n’est pas facile à vivre et pas facile à comprendre aussi, cet arrêté est bien pénalisant. Comment allons-nous appréhender la stratégie pour l’irrigation ? La situation ne va pas s’arranger, on pleure déjà les fourrages un peu partout. L’eau est un sujet clivant. » Alors que les épisodes de sécheresse sont de plus en plus sévères, l’usage accru de l’irrigation est pointé du doigt. Les agriculteurs assurent ne pas avoir le choix d’irriguer, pour préserver un modèle économique. « Si on arrête l’irrigation trop tôt l’année prochaine nous serons encore moins nombreux à faire des cultures, déplorait Jérôme Martin, céréalier à Loyettes, cet arrêté sécheresse nous impose deux nuits sans irrigation (du samedi 11 h au lundi 7 h) c’est trop, quand on n’apporte pas l’eau nécessaire on n’arrive pas à rattraper le temps perdu c’est du manque à gagner sur les cultures. Une restriction de 50% c’est compliqué, la pénalité sera très importante surtout pour les éleveurs qui consomment leurs cultures pour leur bétail. »
Dans les faits, les cultures sont en avance mais souffrent terriblement. Les agriculteurs ont moissonné de bonne heure, avec quasiment un mois d’avance, mais les rendements risquent d’être faibles, les volumes ne seront pas au rendez-vous. Grégory Cressan, témoignait : « Cette année il va en manquer, ceux qui ont semé précocement ça va aller mais pour les autres le rendement ne sera pas là, un maïs coûte environ 2 000 ¤ l’hectare en comptant tout ce qu’il faut pour le faire pousser, et il y a de l’argent d’engagé, personne n’a envie de travailler pour rien et surtout pas à perte. »

Une cinquantaine d’agriculteurs concernés par l’irrigation étaient présents et ont exprimé leur inquiétude, parfois leur incompréhension vis-à-vis de certaines restrictions. Photo/Yolande Carron

« Sur le plateau-côtière où la production de légumes est importante cela va être catastrophique, nos productions sont une source nourricière, ne l’oublions pas », rappelait un producteur. 
Fabien Thomazet, conseiller irrigation à la Chambre d’agriculture, face à cette situation compliquée sur les eaux superficielles, ne cachait pas son incompréhension : « des mesures sévères sont demandées, on fait tout pour limiter les arrosages ; sur la Dombes, la nappe n’a pas bougé elle est au même niveau qu’il y a deux ans, alors pourquoi un tel arrêté ? »
C’est une évidence que la sécheresse du mois de juin s’est forcément répercutée sur les sols, qui n’abondent pas les sous-sols, et les nappes continuent à se vider doucement. Cependant, ce phénomène est habituel en cette période, la sécheresse météorologique n’a que peu d’influence en période estivale sur les niveaux des nappes, les précipitations estivales génèrent rarement des pluies efficaces. Le déséquilibre entre la recharge hivernale et les besoins estivaux a toujours existé alors pourquoi réduire l’irrigation ? La réunion aura permis à chacun de s’exprimer, les représentants de la DDT ont été à l’écoute des agriculteurs présents. Michel Joux, président de la Chambre d’agriculture, a tenu à les remercier en précisant qu’une réunion avait lieu chaque jeudi impliquant tous les représentants économiques, afin de faire le point sur la situation, mais une chose est sûre, ça ne règle pas le problème de tous ceux qui ne peuvent activer leurs systèmes d’arrosage.

Yolande Carron
 

Sébastien Vienot, directeur adjoint de la DDT

La position de la préfecture

L’hypothèse de puiser dans les barrages a été soulevée, mais vite écartée par Sébastien Vienot : « ils ne sont pas construits pour stocker de l’eau qu’on pourrait pomper, mais pour produire de l’électricité. Nous sommes conscients qu’il y a une sacrée accélération en matière de changement climatique, il est à l’heure, il faudra qu’on s’adapte et trouver des solutions. Sur le Pays de Gex l’eau potable vient de Suisse on ne l’a pas en France. »
Les infrastructures de stockage d’eau, vieilles comme le monde, pourraient être une solution intéressante. À propos des points de référence, Sébastien Vienot expliquait : « historiquement nous avons retenu des points qui ne sont pas influencés par des points de pompage, on en a relativement peu de points dans la plaine de l’Ain. » Il clôturait cette rencontre par une note plutôt positive, « la situation n’est pas en train de s’aggraver dans l’Ain, on constate qu’elle est meilleure qu’en 2011 et 2003 tout laisse à penser que dans les semaines à venir on pourrait rester en situation d’alerte pour de nombreux endroits, il n’y a pas beaucoup de départements ou ont peu avoir ce discours rassurant. Nous allons regarder ce que nous pouvons faire pour que vous puissiez finir la saison avec le moins de restriction possible. » 

Un arrêté pour tous

Myriam Crouzier soulignait que : « la sécheresse est généralisée, rien ne tombe pour alimenter les barrages. Celui de Vouglans est au plus bas depuis 2003. Lorsqu’on pose des arrêtés, nous avons tous les représentants économiques autour de la table, les 4 niveaux de l’arrêté sont définis pour le particulier, l’industriel et l’agriculteur. On fait le constat que le particulier ne le respecte pas toujours, la question est, comment obtenir de chacun qu’il le fasse ? » Pour Fabien Thomazet, « tant que les gens n’auront pas soif ou faim ils ne prendront pas conscience que sans eau rien ne pousse. » Myriam Crouzier terminait par une précision importante : « Si nous avons une situation de crise fin août, l’irrigation pour le maraîchage restera autorisée. » 

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