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Les Jeudis de l’agriculture s’invitent dans le Bugey-Sud

C’est en montagne, à Saint-Germain-les-Paroisses, que se sont déroulés ce mois-ci les Jeudis de l’agriculture. Ces rencontres mensuelles décentralisées, organisés par la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs, visent à donner la parole à tous, qu’il s’agisse d’agriculteurs, d’élus, ou d’acteurs du territoire. 

Les Jeudis de l’agriculture s’invitent dans le Bugey-Sud
Débat entre agriculteurs, élus et partenaires agricoles du secteur. ©PF

Jeudi 23 mai, rendez-vous était donné en matinée sur l’exploitation du Gaec Tétaz, à Saint-Germain-les-Paroisses pour débattre des problématiques et dossiers d’actualité agricoles. Et Jérôme Martin, secrétaire général de la FDSEA, de revenir en préambule sur les enjeux majeurs relatifs à la construction d’un prix rémunérateur (répartition des marges, prise en compte des coûts de production…), l’application de la loi sur l’étiquetage sur l’origine des produits, etc. « Il y a un gros travail à faire pour continuer d’installer. C’est parfois difficile aujourd’hui pour un jeune de pouvoir se projeter à plus ou moins long terme lorsque l’on a de gros investissements. FDSEA, JA et Chambre d’agriculture portent fortement les revendications. C’est aussi le travail de nos élus, départementaux et régionaux, de faire remonter nos revendications. On sait que l’on n’aura jamais tout dans l’inscription d’une loi, mais on attend une vraie prise de conscience suivie d’effets. »

Pour Théo Morin, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs, la lente remontée du nombre d’installations dans le département est un bon signal : « Depuis le début de l’année, nous avons 27 installations, contre 23 l’an dernier à la même période. On est en train de rattraper le retard. Mais de nombreuses fermes sont à renouveler… »

Lourdeurs administratives : « On ne voit pas le bout du tunnel »

Autre sujet récurrent, la simplification administrative, attendue depuis longtemps déjà et qui tarde à s’appliquer malgré les mobilisations de ces derniers mois. Un sujet qui agace fortement Julien Quinard, viticulteur, élu à la Chambre d’agriculture : « Cela fait déjà longtemps que l’on parle de cette surcharge administrative qui pèse sur nos exploitations. On reste un peu sur notre faim quant à l’application des promesses de l’Etat. Ça pose beaucoup de questions pour pouvoir installer des jeunes dans nos filières, notamment viticole. Malgré quelques petites avancées, on ne voit pas le bout du tunnel. L’appareil d’Etat reste assez lourd, et sans une grosse réforme, on aura beaucoup de mal à avancer sur ces sujets ! » La viticulture, un secteur fragilisé par le gel d’avril qui, toujours selon Julien Quinard, a occasionné environ 20 % de dégâts sur le secteur de Belley et environ 60 % sur l’ensemble du vignoble, l’appellation Cerdon ayant été particulièrement impactée. L’occasion pour Eric Angelot, chef d’exploitation viticole lui aussi, de préciser prenant sa casquette de vice-président du Crédit Agricole Centre-Est : « Concernant l’assurance récolte, si l’on ne parvient pas à réintégrer les sinistres dans les moyennes olympiques, on n’arrivera pas à couvrir les risques. C’est un sujet syndical fondamental, que nous portons aussi au Crédit Agricole. »

Attaques de loup : l’avenir de l’élevage menacé

Florian Berne, président du syndicat local FDSEA du canton de Champagne-en-Valromey, ainsi que Théo Morin, sont intervenus d’une même voix sur les attaques de loup subies sur le secteur, tout en soulignant la réactivité de la préfète de l’Ain, Chantal Mauchet, et l’intervention des louvetiers ; déplorant dans le même temps « des lettres de menaces envoyées aux agriculteurs par des écologistes » et en appelant « à un retour au calme dans ce contexte tendu ». Et Jérôme Martin de rappeler que les indemnisations ne couvrent qu’une partie de la perte économique résultant des attaques de loups : ne sont pas pris en compte le stress subi par les animaux, et ses conséquences sur la reproduction, « les animaux blessés qui ne peuvent pas être déclarés, la colère et la détresse des éleveurs lors de la découverte d’animaux éventrés, parfois encore vivants ». Et de préciser : « Nous participons à tous les comités Loup sur le département. Nous avons aussi investi dans du matériel de détection pour prouver la présence et les mouvements du loup. Les attaques sont proches des maisons, ce qui entraînera certainement d’autres problématiques à l’avenir… Certains éleveurs ne montent plus en alpages dans les Hautes-Alpes. Il y a là aussi un enjeu de maintien de paysages ouverts. Il faut faire prendre conscience à la population et au gouvernement que si ça continue l’élevage va disparaître. »

En parallèle, la FDSEA de l’Ain travaille à la mise en place d’une application visant à simplifier les déclarations de dégâts de gibiers. Objectif : « apporter de la simplification, de la rapidité et de l’efficacité. » Concernant le sanglier, Jérôme Martin déplore : « malheureusement les solutions sont assez faibles. Cela fait partie du rôle de la fédération nationale de la chasse, en lien avec les syndicats agricoles, de redonner de l’attractivité à la chasse. »

Questions de sécurité et inquiétudes sur le prix de l’eau

Autres sujets évoqués ce jeudi : les vols et le vandalisme, qui se sont multipliés ces dernières semaines dans certains secteurs du département. Thomas Didier, commandant de la compagnie de gendarmerie de Belley, rappelle alors qu’en 2023, sur les 4 023 crimes et délits enregistrés sur l’arrondissement de Belley, 50 % concernaient des attaques aux biens : « Il nous faut des renseignements pour agir. Sur le secteur de Belley on a assez peu de plaintes relatives au vol de GPS dans les exploitations, ce sont souvent des vols de carburant et parfois des dégradations. Il est important de déclarer les vols. Nous pouvons nous déplacer pour venir prendre la plainte sur le lieu de l’exploitation. »

Solène Tétaz a quant à elle alerté sur « l’inquiétude des agriculteurs relative au prix de l’eau ». Michel-Charles Riera, vice-président de la Communauté de communes Bugey-Sud, en charge de l’agriculture, s’est voulu rassurant, précisant que la ComCom mettra en place une tarification adaptée au monde agricole ; Régis Castin, son homologue (au tourisme, patrimoine, culture et sport) a lui annoncé la volonté de la communauté de communes d’accompagner et d’inscrire l’agriculture noir sur blanc dans les statuts lors de leur réécriture en fin de mandature. 

Enfin, la profession agricole se félicite de la mise en place du guichet unique visant à simplifier les formalités des entreprises. « La compétence a été remise à la Chambre d’agriculture, un peu sur le même principe que France Services, avec l’ensemble des Organisations professionnelles agricoles. Cela ne résoudra pas tous les problèmes, mais cela permettra d’avoir un interlocuteur assez rapidement », rappelle Jérôme Martin. 

Patricia Flochon