POMPIERS VOLONTAIRES
Les agriculteurs, des profils prisés dans les casernes de sapeurs-pompiers

Les sapeurs-pompiers ont tenu leur congrès national dans l’Ain,à Bourg-en-Bresse. Une manifestation qui vise à promouvoir l’engagement et le travail de la profession la « plus populaire de France ». L’occasion d’attirer l’oreille des décideurs pour évoquer les grands enjeux du moment. Parmi les plus cruciaux : celui de l’engagement volontaire et de la couverture des territoires ruraux. Un service public indispensable, dans lequel les agriculteurs s’investissent largement.
Les agriculteurs, des profils prisés   dans les casernes de sapeurs-pompiers

Ils sont 194 000 en France. 194 000 volontaires formés et entraînés à secourir gratuitement et sans condition ceux qui en ont besoin. Eux, ce sont les sapeurs-pompiers volontaires (SPV), qui constituent 79 % des effectifs totaux. Davantage encore dans les campagnes, puisqu'une large part des « pros » est cantonnée dans les villes. C'est dire l'importance de cet engagement pour les milieux ruraux où les pompiers incarnent souvent le dernier service public. Une grande majorité d'hommes et, de plus en plus, de femmes, animés par un esprit d'entraide et de philanthropie.

Des volontaires investis pour leur territoire

En milieu rural, agriculteurs et sapeurs-pompiers volontaires ne font souvent qu’un.« Les agriculteurs sont parmi ceux qui ont la plus fine connaissance du terrain », explique Dominique Turc, vice président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.

 

Il existe différents profils de sapeurs-pompiers volontaires et autant de motivations pour s'engager dans le volontariat. « Une des spécificités des zones rurales, c'est qu'on retrouve des gens très attachés à leur territoire. Ce sont généralement des personnes investies dans la vie communale : dans les conseils municipaux, les associations... D'une façon générale, ces SPV s'investissent dans une approche d'autodéfense de leur territoire et des gens qui y habitent et qu'ils connaissent souvent », analyse le lieutenant-colonel Dominique Turc, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Parmi ces pompiers volontaires, bon nombre d'agriculteurs.Des profils prisés dans les casernes. « Parce qu'un agriculteur, par définition, c'est un homme de terrain, toujours présent sur son territoire. Ce sont aussi parmi ceux qui ont la plus fine connaissance du terrain. Dans mon département (du Sud), souvent frappé par les incendies, on est bien content d'en avoir avec nous quand on part en intervention. Je tiens aussi à souligner que parmi les agriculteurs engagés, on recense beaucoup de jeunes. » Des engagés qui savent aussi manier des engins, tronçonner un arbre, manipuler un animal... Autant de savoir-faire utiles.

Quand les autres n'y sont pas, heureusement, l'agriculteur est là !

Bien sûr, ce n'est pas toujours évident de concilier impératifs professionnels et urgence. « Les laitiers, par exemple, on ne va pas leur demander d'intervenir pendant la traite », note Dominique Turc. Mais au final, la disponibilité des agriculteurs pour intervenir est supérieure à la moyenne. Plus que quelqu'un qui travaillerait à 40 km et ne serait disponible que les soirs et week-ends. C'est d'ailleurs en semaine, aux horaires de travail, qu'il s'avère le plus difficile de mobiliser des bras. « Les agriculteurs arrivent à se rendre disponibles quand beaucoup d'autres ne le sont pas », confirme la capitaine Dominique Lordey, chef du service gestion et développement de la ressource en volontariat au SDIS de l'Ain. En revanche, pas simple pour ce « public » de suivre formations et recyclages. « Ce n'est pas facile pour eux. Un artisan peut fermer la boutique une journée. Mais un éleveur, tous les jours, il faut qu'il s'occupe de ses bêtes. » Des dispositifs d'accompagnement, via des conventions qui permettent le remplacement sur les fermes se généralisent (voir par ailleurs). Des initiatives locales émergent aussi pour faciliter le départ en intervention. Les pompiers travaillent aussi au renouvellement des générations, en sensibilisant les jeunes en formation agricole aux vertus de la citoyenneté, de l'engagement et en multipliant les formations aux gestes de secourisme.

L'ultime service public de la grande ruralité

Un défi d'autant plus capital que les espaces sont enclavés et faiblement peuplés. « Plus le bassin de vie est petit, sur le plan démographique, plus c'est difficile de recruter. Quand vous vivez dans un village de 200 habitants, éloigné de tout, forcément, vous disposez d'un vivier plus réduit que dans un secteur peuplé et dynamique », résume le lieutenant-colonel Turc. C'est dans ces espaces que les délais d'intervention sont les plus difficiles à respecter. Et que les SPV sont les plus sollicités, pour du secours à personne notamment. « L'enjeu du recrutement est très important pour assurer la sécurité des habitants de ces secteurs. Les SPV y effectuent des missions d'ambulance ou « d'assistanat » qu'ils n'auraient pas à faire ailleurs, mais comme il ne reste plus qu'eux, on les appelle. » Le maintien et le développement de l'engagement volontaire reste la clé de la qualité reconnue à l'international du miracle français : ce pays où vous avez 8 chances sur 10 que le pompier qui vous sauvera la vie soit un « non-professionnel » rattaché à la caserne locale.

Etienne Grosjean

 

Témoignages

Jean-François Claire : “ Aider les autres c’est naturel,  ça va de soi ! ”

 

C’est en 1982 que Jean-François Claire, éleveur laitier en Gaec avec son épouse et son fils à Chavannes-sur-Reyssouze, dans l’Ain, intègre l’équipe des sapeurs-pompiers volontaires du centre de première intervention non intégré (CPINI) de sa commune. Dans la famille, on est pompier de père en fils : avant lui son père et son grand-père et aujourd’hui son fils et sa fille… tous motivés par les mêmes valeurs de solidarité, de courage et dévouement. Chef de corps depuis 2010, Jean-François encadre une équipe de treize sapeurs-pompiers sur la commune, dont trois femmes et deux agriculteurs. « Ma responsabilité est de représenter la compagnie lors des réunions au Sdis et d’être présent lors des recrutements avec le maire. Nous organisons une manœuvre une fois par mois qui consiste en des exercices de simulations d’interventions en cas d’incendie, d’accident, de malaise… Nous avons mis en place des tours de garde pour les nuits et les journées. Je suis souvent amené à intervenir dans la journée en semaine car mon exploitation est située au cœur du village, je suis bien placé pour intervenir », explique-t-il. Sur la commune, une cinquantaine d’interventions ont lieu en moyenne chaque année : « pour ce qui est des incendies, nous avons quelques feux de cheminée, mais cela reste rare. Le plus gros des interventions reste le secours à la personne et les accidents de la route (35) et de dix à quinze destructions de nids de frelons et guêpes car le maire accepte encore que nous les prenions en charge ». Quant à la formation, les pompiers expérimentés comme Jean-François participent chaque année à une journée « de recyclage » pour les secours à la personne. Les jeunes qui intègrent la caserne suivent onze jours de formation. Un engagement de tous les instants que l’agriculteur estime naturel : « ça va de soi. On le fait pour prêter main-forte aux gens qui nous entourent. On est volontaires, mais on est aussi bénévoles et les gens nous en sont reconnaissants ».

P F

Coraline Vincent : “ Nous sommes pompiers au même titre que les hommes ”

 

Quelle est votre situation professionnelle actuellement ?
Coraline Vincent : « Mon activité principale est celle d’agricultrice. Je travaille au sein d’un Gaec, sur une exploitation que je partage au quotidien avec un ami associé à La Pesse, dans le haut-Jura. Ensemble, nous élevons environ une quarantaine de vaches laitières. Nous sommes en ce moment-même en pleine transition vers le bio, une certification que l’on espère pouvoir obtenir dès octobre-novembre prochain. J’exerce en parallèle de mon métier l’activité de sapeur-pompier volontaire, depuis 2005. »

Comment parvenez-vous à concilier votre métier et l’activité de sapeur-pompier volontaire ?
C.V : « Je suis rentrée chez les sapeurs-pompiers lorsque j’étais encore au lycée, j’avais alors environ 17-18 ans. Mon père étant lui-même pompier, j’ai baigné dans ce milieu depuis toute petite et cet engagement est apparu pour moi comme une évidence. J’ai donc d’abord appris à gérer le métier de sapeur-pompier et ses contraintes avant de devenir agricultrice. Aujourd’hui, notre ferme est située à 200 m de la caserne ce qui me permet d’être de garde pratiquement tous les jours. Mon associé est lui aussi sapeur-pompier volontaire, on peut donc gérer en alternance l’exploitation quand l’autre est appelé en mission. »

Que représente le fait d’être une femme dans un milieu masculin comme les sapeurs-pompiers ?
corlai : « Dans ma caserne, nous sommes quatre femmes sur quatorze pompiers, c’est déjà pas mal. C’est une petite caserne, alors on se sert les coudes et il n’y a pas vraiment de différence entre les hommes et les femmes. Je ne me suis encore jamais sentie à l’écart du fait que je sois une femme, nous sommes pompiers au même titre que les hommes. J’ai démarré dans un autre centre, à l’époque il y avait déjà des femmes et je sais qu’il y en a de plus en plus aujourd’hui, c’est plutôt une bonne nouvelle. Les hommes ? Leur réaction est plutôt positive, ça leur fait surtout plaisir d’avoir un peu de diversité dans la caserne. »

 

 

SPV / Ils sont étudiants, salariés ou encore agriculteurs... mais également sapeurs-pompiers volontaires. Un véritable engagement civique de plus en plus courant de nos jours, mais qui implique aussi de pouvoir mener de front activité professionnelle et volontariat.

Sapeurs-pompiers volontaires : mode d’emploi

Pour beaucoup, devenir sapeur-pompier est plus qu’un choix, c’est une véritable vocation. Ainsi, dès seize ans, de nombreux jeunes s’engagent aujourd’hui comme volontaires au sein d’une unité de sapeurs-pompiers. Une profession exigeante sur le terrain mais qui se veut ouverte au plus grand nombre. Pour s’engager, le volontaire ne doit justifier de papiers en règle et d’un casier judiciaire compatible avec l’exercice de ses fonctions. Mais, le véritable ticket d’entrée chez les sapeurs-pompiers, c’est le test d’aptitude médicale et physique qui, une fois validé, ouvre la voie à la formation initiale.

Une formation sur le terrain dans les conditions du réel

Dans l’optique de devenir sapeur-pompier volontaire, l’engagé doit au préalable valider une formation initiale d’une trentaine de jours étalés sur un à trois ans. Une formation qui se veut professionnalisante, plaçant l’apprenti directement en condition d’intervention pour lui permettre d’acquérir de l’expérience.
Dans l’attente de valider cette formation, il peut être engagé avec le statut d’apprenant, à la seule condition d’avoir au préalable reçu une initiation aux règles de sécurité individuelle et collective sur intervention. Il pourra ainsi être appelé pour diverses opérations qui correspondent à son niveau d’avancement dans les unités de formation. Celle-ci est pensée pour le néo sapeur-pompier comme une période probatoire et, une fois titularisé, il pourra ensuite monter en grade selon son niveau d’ancienneté.
Être sapeur-pompier volontaire relève souvent d’une véritable vocation.

Concilier vie professionnelle et volontariat

L’engagement comme sapeur-pompier volontaire n’est pas anodin. Il se fait en principe pour une durée d’au moins cinq ans, étant par la suite renouvelable de manière tacite. Il s’agit pour le  volontaire de pouvoir garantir sa présence en mission au minimum six fois par mois. Il pourra être mobilisé pour diverses missions de sécurité civile, des actions de prévention et de formation ou encore des opérations de secours pour la sauvegarde des personnes, des biens et de l’environnement. À savoir que l’engagement comme sapeur-pompier volontaire s’impose à l’employeur, qui sauf nécessité absolue pour le service se doit d’autoriser toute absence justifiée par un appel en mission. Si l’absence n’est pas rémunérée par l’employeur, les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient tout de même d’une indemnité qui s’élève à 7,66 €/h, une compensation qui sera plus importante pour les plus haut gradés.
 
La problématique du maillage territorial des casernes

Dans les campagnes aussi, certains font le choix de servir comme sapeurs-pompiers volontaires. C’est le cas de Daniel Imbert, aviculteur et céréalier de profession mais aussi capitaine et chef des sapeurs-pompiers d’Étoile-sur-Rhône dans la Drôme. À quelques mois de la retraite et à l’heure du bilan de ses 39 années de service, il s’estime chanceux. Dans sa caserne flambant neuve, 45 sapeurs-pompiers volontaires effectuent chaque année quelque 400 interventions. Mais en milieu rural, ce sont les petites casernes qui souffrent le plus. « Cela fait plusieurs années qu’on constate un regroupement des plus petites casernes qui font peu d’interventions, afin d’en constituer de plus grandes » explique-t-il. Une donnée purement économique qu’il comprend, même si, selon lui, le quotidien de ses collègues s’en trouve d’autant plus dégradé : « Certains se trouvent à plus de 10 km de leur caserne, cela rallonge considérablement les temps d’intervention et crée une certaine démotivation ». La gestion des sapeurs-pompiers en milieu rural s’annonce bel et bien comme l’un des futurs grands défis de la profession. Surtout quand on sait que la plupart des casernes en milieu rural sont composées quasi exclusivement de sapeurs-pompiers volontaires.
P G