Session plénière
Défis économiques et sanitaires : la chambre d’agriculture mobilisée
Retour sur la session plénière de la chambre d’agriculture du 27 septembre, avec en point d’orgue l’actualité sanitaire, le contexte politique teinté d’incertitudes, la prédation, l’élevage fragilisé, l’installation…
Michel Joux, président de la chambre d’agriculture, débutait la session de rentrée par LE sujet d’actualité : la situation sanitaire préoccupante des troupeaux. Le secteur de l’élevage est aujourd’hui durement touché. « FCO8, FCO3, MHE * et peut-être demain influenza aviaire et fièvre porcine africaine qui sont à nos portes, soumettent nos éleveurs à d’extrêmes difficultés. Les pertes économiques directes – mortalité – et indirectes – pertes de production- s’annoncent considérables. Les besoins d’aide sont importants pour aider nos élevages à passer le cap, préparer l’avenir et ainsi préserver notre tissu économique agroalimentaire lié à nos activités d’élevage », s’inquiète le président qui en appelle à : la prise en charge financière des vaccins, l’approvisionnement en quantité suffisante, l’indemnisation des pertes via le fonds FMSE ** et l’aide à la reconstitution des troupeaux. Et Jonathan Janichon, président de la FDSEA d’alerter : « Sur le sujet de la vaccination, l’Etat ne paiera que le sérotype 3 et la MHE. Que ce soit pour les brebis ou les bovins on pousse pour que la vaccination soit prégnante. Il y a également un problème commercial. Certains opérateurs font aujourd’hui pression sur le marché pour faire baisser le prix des petits veaux. On retourne dans les vieux travers d’essayer de capter de la valeur aux agriculteurs. Je veux ici dénoncer un comportement destructeur pour nos filières. »
Multiplication des attaques de loup
Autre fléau pour l’élevage : les attaques de prédateurs, encore en hausse cette année : 78 animaux contre 42 en 2023. Tout en remerciant la préfète pour sa réactivité au printemps ayant permis le prélèvement d’un loup, Michel Joux martèle haut et fort : « Tout doit être mis en œuvre pour arriver à l’objectif zéro attaque, zéro victime. Et je reste persuadé que maîtriser la prolifération de l’espèce est la meilleure des solutions ! » Et Lionel Manos, président du comité agricole de territoire montagne, d’enfoncer le clou : « Certes il y a eu un animal prélevé, mais ça n’est pas suffisant. Le loup circule, il n’y a aucune demande de tir de défense simple… ; on court à la catastrophe. La FCO fait beaucoup de mal sur les troupeaux ovins. J’ai bien peur que l’élevage soit une fois de plus mis à mal dans le département. » Vincent Patriarca, directeur départemental des territoires, de préciser : « En 2024, on dénombre seize attaques de loups dans l’Ain, concernant neuf exploitations : 78 animaux morts et 18 blessés », tout en annonçant « un assouplissement du règlement européen qui débouchera sur des facilités de tir ».
Un immobilisme politique source d’instabilité
Après la nomination du nouveau gouvernement, la profession attend des actes. « Tout le travail de ce printemps, et notamment le projet de loi d’orientation agricole est à l’arrêt ! Les réformes n’avances pas. Nos agriculteurs sont pénalisés et le moral en prend un coup », rappelle Michel Joux, tout en saluant « l’initiative de la FNSEA d’avoir finalisé et mis sur la table un projet de loi dont j’espère le nouveau gouvernement saura s’inspirer des propositions faites pour enfin légiférer. Je ne manquerai pas d’interpeler la nouvelle ministre de l’agriculture au Sommet de l’élevage. »
Une vacance de pouvoir qui, toujours selon le président de la chambre d’agriculture, « génère des inepties » : « je veux dénoncer ici la méthode employée pour cartographier les zones humides à intégrer dans la mesure Pac BCAE2 au 1er janvier 2024. Après trois – quatre mois d’attente, une carte est proposée dans l’urgence, issue d’un croisement hasardeux entre différents zonages et douze jours sont donnés aux agriculteurs pour réagir ! Est-ce bien sérieux ? On est loin des promesses de concertation du président de la République. »
* Maladie hémorragique épizootique.
** Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale.
Patricia Flochon
Ils ont dit…
Jonathan Janichon, président de la FDSEA
Actualité politique : « on espère que le travail engagé va être repris, avec de grands objectifs : concrétiser et renforcer la loi EGalim sur le terrain, et maintenir les objectifs de production. » Zones vulnérables : « les manifestations de ce début d’année ont montré que chaque fois que les agriculteurs veulent travailler, il faut qu’ils demandent une autorisation à l’Etat. On nous avait promis qu’on allait changer de logiciel, or on constate que ce n’est pas le cas ! »
Julien Quinard, viticulteur, secrétaire général de la chambre d’agriculture
« Les vendanges dans le Bugey se sont terminées il y a quelques jours. La situation n’est pas très glorieuse. Avec le changement climatique, cela devient de plus en plus délicat, avec des hivers de plus en plus chauds et des débourrements au printemps de plus en plus tôt. Il faudra s’adapter, cela ne va pas être facile. Certains viticulteurs ne récoltent pas certaines parcelles et font une récolte tous les trois ans. Point positif, nous avons cette année de bons arômes, des vins qui sont sur le fruit. Concernant les rendements, nos estimations ont été les bonnes. Un sondage auprès de nos adhérents il y a quelques jours montre que sur 24 exploitations touchées par le gel, au moins 50 % sont dans des difficultés assez importantes. Dix enregistrent entre 80 et 100 % de perte ; onze le sont entre 60 et 75 %. La Chambre d’agriculture sera aux côtés du syndicat des vins du Bugey pour monter les dossiers. »
Justin Chatard, président des Jeunes Agriculteurs de l’Ain
La profession en détresse : « On a eu des mobilisations historiques de la profession agricole en début d’année. Suite à cela nous avons vécu un printemps et un été particulièrement pluvieux, avec des récoltes qui ont péché en qualité ainsi qu’au niveau prix. On prend aujourd’hui de plein fouet une crise sanitaire. Il va falloir que les élus réagissent très vite. Les trésoreries sont plus que tendues. Les agriculteurs se lèvent le matin avec la boule au ventre de ne pas savoir comment il vont trouver leurs troupeaux. Un réelle prise de conscience de l’Etat est nécessaire, car sinon nous allons perdre notre souveraineté alimentaire. » Et d’ajouter : « Un message un peu plus positif, avec l’augmentation des installations aidées dans le département, marquée par une soixantaine d’installations aidées. Ce qui veut dire que les jeunes sont encore motivés par le métier. Mais il faut leur donner une réelle vision d’avenir. Avec les charges qui ont explosé, les jeunes sont courageux de vouloir s’installer. La double peine : nous avons appris il y a un mois et demi que le prix du fermage prend 5 %. La pilule a du mal à passer dans les exploitations. Cela montre que l’Etat n’a pas pris conscience de la réalité de l’enjeu et de l’impact sur les exploitations agricoles. On reste actif, et s’il faut remontrer les dents pour sauver notre métier et sauver nos agriculteurs, je vous garantis qu’on le refera. »
Gilles Brenon, vice-président de la chambre d’agriculture
Filière porcine : « Le prix du porc a baissé de 60 cts, et les coûts de production en ont pris 40 ; ça n’est pas anodin. Lorsque l’on permet au blé ukrainien de rentrer sur le territoire à 120 €/t, sans contraintes, cela ne peut que tirer les prix vers le bas. Aujourd’hui on est importateur net en porcs. La Chine est devenue le plus gros producteur mondial de porcs. » Zones humides : « Nous avons essayé de répondre le plus rapidement aux services de la DDT. On avait douze jours pour trouver des réponses, bouger les curseurs. C’est complètement inacceptable. On nous impose des choses qui vont forcément impacter l’activité agricole. »
Didier Farfouillon, président du comité agricole de territoire Bresse – Revermont – Val de Saône
« Il est important de maintenir et renforcer le lien avec les élus pour des opportunités économiques, climatiques… les communautés de communes pour certaines ont compris les enjeux, ont bien compris la démarche et de nombreuses conventions de partenariat, prestations de service, ont déjà été signées. »
Alexis Morand, conseiller départemental du canton de Bourg-en-Bresse
« Les collectivités sont pressurisées de plus en plus par l’Etat. Un chiffre : 60 M€ sur lesquels on va s’assoir l’an prochain (droits de mutation à titre onéreux – frais de notaire). Mais nous répondrons présent comme nous l’avons toujours fait. La conférence agricole aura lieu cette année le 8 novembre à Lagnieu : 3,7 M€ qui seront à répartir. Cette année un accent majeur a été donné sur l’investissement : un peu plus d’1,5 M€ fléchés sur les investissements agricoles. »
Eric Kerourio, directeur de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations)
Traitement des cadavres d’animaux : « on enregistre dans l’Ain 100 % de mortalité en supplément sur la même période que l’année dernière. » Vaccination FCO3 : « la Région Aura a été intégrée dès fin août pour avoir des vaccins FCO 3 disponibles. Soit, pour les ovins : plus de 26 000 doses reçues par les vétérinaires de l’Ain ; et pour les bovins, près de 50 000 doses (en deux injections pour les bovins, une seule pour les ovins). » Influenza aviaire : la vaccination concerne près de 22 000 canards dans l’Ain.
Vincent Patriarca, directeur départemental des territoires
Paiements des acomptes Pac 2024 : « l’instruction a été très complexe, tendue. Les premiers acomptes seront versés les 16, 17 et 18 octobre : 70 % pour toutes les aides et 85 % pour l’ICHN (Indemnité compensatoire de handicaps naturels). Un peu plus de 68 M€ d’aides Pac ont été versés dans l’Ain en 2023. Le solde sera versé au 10 décembre ». Autres dossiers : « Nous avons renforcé la pression de contrôle dans les GMS, notamment sur l’étiquetage et les prix. C’est grâce aux échanges avec la profession agricole que ce travail a été mis en place. Concernant les calamités, nous allons notamment nous rapprocher du syndicat des vins du Bugey. »
P.F.