TERRITOIRES
À Valserhône, les élus locaux prennent le pouls de l’agriculture
Pour ses traditionnelles rencontres « Les élus à la ferme », la Chambre d’agriculture a donné rendez-vous au Gaec du Bois joli à Valserhône samedi 4 novembre. Une vingtaine d’élus locaux et agriculteurs étaient présents. Circuits courts, projet d’abattoir, cohabitation avec les riverains, circulation des engins agricoles, maintien des paysages … les discussions ont été riches.
Malgré la fraîcheur matinale, maires et présidents de communautés de communes étaient nombreux samedi dernier pour échanger avec les exploitants agricoles sur leur quotidien, à l’instar de Anne-Laure Olliet, conseillère départementale du canton. Danielle Balu, sous-préfète de l’arrondissement de Nantua, était également présente avec sa famille. « L’État est au côté des agriculteurs et le partenariat entre la DDT et la Chambre d’agriculture fonctionne bien. Ce que je trouve intéressant avec les agriculteurs, c’est que vous innovez tout le temps et nous devons vous accompagner pour limiter votre sentiment d’isolement », a-t-elle épilogué.
En prélude, Delphine Gudin, chargée de mission à la Chambre d’agriculture, a de son côté rappelé quelques tendances démographiques du pays bellegardien : perte d’une quinzaine d’exploitations entre 2010 et 2020, soit près d’un quart des fermes du territoire. Onze personnes ont également cessé leur activité, pour retraite ou reconversion, et n’ont pas été remplacées, soit plus du tiers des exploitants. La surface agricole est restée stable (4 100 ha) selon le dernier recensement agricole, mais le nombre d’entreprises individuelles a diminué au profit de Gaec ou EARL. En d’autres termes, la taille des exploitations a augmenté. Onze fermes sont labellisées AB. Ce chiffre a doublé en une décennie, de même que la main-d’œuvre salariale. Côté productions, le territoire est essentiellement porté par l’élevage de bovins. Des dispositions géographiques qui limitent parfois l’essor de nouvelles productions.
L’intégration des circuits courts a ses limites
À ce sujet, certains élus se sont interrogés sur le potentiel du territoire pour approvisionner les cantines locales. La question du développement du maraîchage a notamment été soulevée. Sans céder au pessimisme, Lionel Manos, agriculteur élu à la Chambre d’agriculture et maire d’Arandas, fait montre de pragmatisme en la matière : « Pour ce qui est de l’alimentation dans les cantines, je dirai que les élus ont laissé les meilleures terres arables à l’urbanisme. On peut cultiver des choux et des patates dans les pentes, mais on en aura vite fait le tour. En tant qu’élu, nous avons des outils comme les PLU pour nous adapter, mais nous manquerons toujours de fruits et légumes sur ce territoire… » Patrick Perreard, président de la communauté de communes Pays bellegardien a toutefois finement contrebalancé en évoquant la pression que subissent parfois les élus en termes de construction.
Plusieurs agriculteurs ont également appelé les élus locaux à penser les circuits courts à l’échelle d’un territoire, plutôt que d’une commune, non seulement pour des prédispositions géographiques, mais aussi de filières.
Abattoir de Bellegarde : des craintes pour son avenir
Dans le sillon des circuits courts, les échanges ont ensuite glissé sur l’abattoir de Bellegarde. Le bruit court depuis quelques semaines qu’un nouvel abattoir devrait en effet voir le jour en Haute-Savoie. Alors que la grande majorité des volumes alimentant l’abattoir de Bellegarde proviennent d’éleveurs haut-savoyards, d’aucuns craignent que ce projet ne vienne mettre en péril l’avenir de l’atelier aindinois. Un secret de Polichinelle dont les tenants et aboutissants sont encore bien gardés. À l’origine, le projet serait né d’une demande d’éleveurs ovins en mal de solutions optimales pour l’abattage de leurs bétails, explique un agriculteur présent. L’abattoir de Bellegarde serait-il en sursis ? À lire prochainement dans nos colonnes.
L’agriculture pour entretenir les paysages
De son côté, Régis Petit, maire de Valserhône et candidat au côté de Laurent Wauquiez aux dernières élections régionales, souligne l’urgence « d’avoir une politique européenne » pour limiter la concurrence de denrées étrangères sur les marchés français, et par extension pour conserver l’agriculture locale. « Ce que je retiens, c’est la fermeture des paysages, c’est une vrai problématique », s’est-il inquiété. Tandis que Lionel Manos rappelait la multifonctionnalité de l’activité agricole, Jean-Claude Laurent, agriculteur à Izernore et membre associé à la Chambre d’agriculture, a quant à lui mis en garde les agriculteurs en matière d’entretien des paysages : « Pour ce qui est des haies, il ne faut pas les tailler entre le 16 mars et le 15 août ». Une fenêtre de tir restreinte en altitude, aussi Gaëtan Richard, agriculteur à Champagne-en-Valromey et également élu à la Chambre d’agriculture, a mentionné la Sema comme alternative pour mutualiser les travaux d’entretiens et obtenir des soutiens financiers à l’activité pastorale.
Sensibiliser le grand-public à l’agriculture
Dernier sujet évoqué, la cohabitation avec les riverains. Déjections de chiens dans les parcs, agribashing, violation de la propriété privée … la colère monte chez certains exploitants. Jean-Claude Laurent temporise toutefois : « Je pense que la plupart des gens ne pensent pas à mal mais sont dans l’ignorance de ce qu’ils font. » Aux grands maux les grands remèdes. Tous misent sur la vulgarisation auprès du grand-public, et ce dès l’école. Lionel Manos a participé à Un berger dans mon école récemment et il s’est dit agréablement surpris de l’intérêt manifeste des élèves pour comprendre le métier d’agriculteur. La Sema, dont il est le nouveau président, travaille également avec les offices de tourisme pour sensibiliser les touristes à la vie en alpages et sur différents usages de la campagne. Lionel Manos a également attiré l’attention de Danielle Balu sur le manque de moyens de l’OFB pour faire respecter les arrêtés préfectoraux et la disparition du métier de garde-champêtre. Quant à la difficulté de circuler dans les villages pour les engins agricoles, les élus de la Chambre d’agriculture ont rappelé la mise en place d’une charte de bonnes pratiques cosignées le 13 octobre dernier par la Chambre, la FDCuma, les Jeunes agriculteurs, la FDSEA et l’AMF de l’Ain.