CONJONCTURE
Pourquoi le prix du lait pratiqué par Bressor a-t-il chuté ?

Margaux Legras-Maillet
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Depuis janvier, la laiterie Bressor affiche une baisse de 120 € les 1 000 litres de lait. Une décision jugée injuste par certains adhérents, inévitable par la coopérative. Explications. 
 

Pourquoi le prix du lait pratiqué par Bressor a-t-il chuté ?
Photo/MLM

C’est la question que beaucoup d’éleveurs se posent face à la récente et importante baisse du prix du lait pratiqué par la coopérative laitière. Alors que le prix du lait Bressor était payé en moyenne 472 €/t toutes qualités confondues sur l’ensemble de l’année 2022, il affiche aujourd’hui une baisse de 120 €/t. La faute à la saisonnalité, la Chine … ? Nous avons posé la question à Bressor lors du Salon de l’agriculture. Selon son directeur, Jérémie Vandenbroucke, « deux choses font que le prix a baissé en janvier : la saisonnalité et le fait qu’on s’attend à une baisse du cours du lait. »
 
La saisonnalité, cause première ? 
 
Pour ce qui est de la saisonnalité, la coopérative l’a historiquement toujours pratiquée, comme le rappelle son président Norbert Jaravel. Elle permet d’« inciter les producteurs à faire du lait en été et en automne pour assurer les besoins des fromageries alors qu’historiquement, on produit plus de lait au printemps. Ça demande aux éleveurs une modification de la conduite du troupeau mais c’est la seule façon que l’on a trouvée pour rapporter de la valeur sur les exploitations. » De janvier à mai, Bressor applique en règle générale une baisse de 75 % en moyenne sur son prix d’achat du lait par rapport à la période estivale. En d’autres termes, il est donc normal que le prix du lait payé par la coopérative diminue à cette période. En réalité, « aujourd’hui on paye le même prix que l’année passée à la même période », souligne Jérémie Vandenbroucke. Néanmoins, cela n’explique qu’une petite partie de la réduction du prix du lait actuelle. 
 
40 % du prix du lait Bressor est indexé sur les cours 
 
Pour comprendre l’autre raison, il faut intégrer le montage financier de l’entreprise dont dépend le prix du lait. Aujourd’hui, Bressor pèse 120 millions de litres de lait (Ml) par an pour 200 exploitations et 390 producteurs adhérents. Environ 80 % de ce volume est transformé sur les sites de Grièges et de Servas (le reste est considéré comme de l’excédent valorisé au prix spot). Sur ces 96 Ml de lait, 60 % du prix est contractualisé dans le cadre de la loi Egalim 2. Les 40 % restants sont indexés sur les cours du marché (20 % sur le marché du « beurre/poudre » et 20 % sur le marché international). Ce sont précisément ces derniers qui font chuter un peu plus le prix du lait. « En juin 2022, le cours du « beurre/poudre » s’élevait à 590 €/t contre 320 €/t en février 2023. On a perdu 40 % du prix « beurre/poudre », donc 20 % de notre prix a baissé de 40 % », précise Jérémie Vandenbroucke. Qui plus est, la marque Bresse bleu est détenue aujourd’hui à 66 % par Savencia. Et le directeur d’ajouter : « Le prix du lait dépend aussi de ce que touche la coopérative avec Savencia. »
 
Cet été, le lait sera acheté moins cher qu’en 2022
 
Le cours des ingrédients fait donc baisser celui du lait, et cette situation devrait s’accentuer au cours de l’année 2023. Les cours sur le marché international ont en effet tendance, à six mois de décalage, à se rapprocher de ceux du « beurre/poudre ». « On en voit déjà les prémisses sur le marché mondial », ajoute le directeur de la coopérative. Quelle sera donc la tendance dans les prochains mois ? 
Comme prévu par la saisonnalité, le prix du lait pratiqué par Bressor remontera à partir de la fin du semestre, mais la coopérative annonce déjà qu’il sera cette année moins élevé qu’en été 2022. En cause, le cours du lait sur le marché international dont les prévisions annoncent une baisse dans les prochains mois.
Mais alors, pourquoi la coopérative n’attend pas de subir en temps réel cette baisse pour la répercuter sur son prix d’achat aux producteurs ? Bressor justifie ce choix par soucis d’anticipation et d’harmonisation du prix sur l’année afin de réduire les deltas entre les saisons. « Les cours sont à la baisse donc on a la certitude que notre prix du lait va encore baisser. Sur les six premiers mois, on va conserver le même que l’année dernière avec un second semestre un peu plus bas qu’en 2022 pour éviter un effondrement du prix sur la période hivernale », explique Jérémie Vandenbroucke. Pas sûr que cela calme les esprits échauffés, mais face aux éventuelles détractions le directeur ne peut que concéder : « Les impacts régionaux comme la sécheresse ou les dynamiques de reprise ou de perte d’exploitation jouent peu sur un marché international. » Celui-ci se veut malgré tout rassurant. Selon les estimations de Bressor, les cours du « beurre/poudre » devraient se stabiliser à l’avenir et enrayer la baisse du cours du lait.