MOBILISATION FDSEA-JA
Crise agricole : « Certains dossiers n’avancent pas assez vite »

Margaux Balfin
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Au lendemain de la rencontre entre Emmanuel Macron et les syndicats agricoles, plus d’une centaine d’agriculteurs et une vingtaine de tracteurs se sont mobilisés vendredi 3 mai devant la Maison de l’agriculture à Bourg-en-Bresse avant de prendre la direction de la préfecture. Dans le département, deux sujets ont motivé le rassemblement : la loi EGAlim et le zonage des zones humides. 

 Crise agricole : « Certains dossiers n’avancent pas assez vite »
Vendredi 3 mai devant les grilles de la préfecture, les agriculteurs mobilisés ont exprimé leur colère en suspendant des bottes aux grilles. Photo/MB

Dans l’Ain, le réseau FDSEA – JA était l’un des premiers de France et le premier de la région à s’être mobilisé au lendemain de la rencontre entre Emmanuel Macron et les syndicats agricoles. Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, n’avait d’ailleurs pas exclu un retour aux mobilisations si les « choses ne se transformaient pas concrètement ». Chose promise, chose due ; du côté des syndicats en tout cas. 

Tout d’abord quelques dizaines – des habitués des manifestations de la première heure – ils ont rapidement été rejoints par d’autres agriculteurs. En fin de matinée vendredi dernier, ils étaient finalement plus d’une centaine, attroupés devant la Maison de l’agriculture, leurs rangs achalandés de jeunes recrues. À peine les ont-ils enfilées que ces jeunes agriculteurs en ont eux aussi déjà plein les bottes. Si certains ont du mal à expliquer avec précision les raisons de leur participation, plusieurs expriment leur ras-le-bol face à la lourdeur des démarches administratives quotidiennes, le poids de la réglementation, ou encore le manque de rémunération. 

La « flamme agricole » éteinte symboliquement devant la DDT

Aux alentours de 11 h 30, le convoi, mené par une vingtaine de tracteurs, s’est mû en direction de la préfecture de l’Ain, après avoir marqué un arrêt devant le parvis de la DDT de l’Ain. Une escale symbolique 23 rue Bourgmayer où les syndicats ont éteint la « flamme agricole » en pleine période pré Jeux olympiques et condamné l’entrée principale du bâtiment avec des pancartes interpellant sur l’application réelle de la simplification administrative. 

La colonne a par la suite repris la route et remonté l’avenue Alsace Lorraine. Après les panneaux retournés, ce sont cette fois-ci des dizaines de paires de bottes que les agriculteurs ont suspendues aux grilles de la préfecture. Une marquante allégorie de leur slogan de ralliement « On en a plein les bottes ». « Nous sommes ici pour faire valoir nos revendications qui ont du mal à avancer », rappelait Jérôme Martin, secrétaire général de la FDSEA. 

Ces revendications, dont avaient découlé 114 propositions du gouvernement pour répondre à la crise agricole à la suite des mobilisations de ce début d’année, avaient en local donné lieu à la mise en place d’un agenda agricole et des rencontres mensuelles avec la préfète du département. « Quelques dossiers avancent, il ne faut pas l’oublier, reconnaissait Justin Chatard, notamment sur le GNR mais sur d’autres les choses n’avancent pas assez vite. » Le président des Jeunes agriculteurs de l’Ain a entre autres pointé du doigt un « gros retour en arrière vis-à-vis de la loi EGAlim et des zones humides. » 

Loi EGAlim : les syndicats dénoncent un « retour en arrière »

Ce sont les deux principaux sujets de discorde entre la profession et l’administration départementales. Depuis ses premières moutures en 2018, la loi EGAlim reste l’un des chevaux de bataille du réseau FDSEA-JA et cristallise l’ensemble de ses attentes en faveur d’une meilleure rémunération. Et Jonathan Janichon, président de la FDSEA d’insister : « Si l’on n’a pas ça, on aura de sécurisation de la rémunération ». Pourtant, alors que le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé le 21 février dernier la sortie d’un projet de loi pour une quatrième EGAlim avant l’été, plusieurs échos remontés au sein du réseau syndical laisseraient entendre que le projet serait remis à novembre. « Je n’ai aucune confiance en quelqu’un qui revient sur les propos de son Premier ministre », lâchait Jonathan Janichon devant le parvis de la préfecture. Le fragile dialogue qui avait germé des dernières mobilisations aurait-il pris fin ? Loin s’en faut mais les deux syndicats majoritaires veulent marquer le coup et maintenir la pression. D’ailleurs, si la « bonne volonté » des services de l’État dans le département a été soulignée, aucun échange n’a été sollicité auprès de Chantal Mauchet, préfète de l’Ain.

Cartographie des zones humides, le dossier qui embourbe le débat 

Le président de la FDSEA a lui aussi fait mention des dernières annonces en matière de zonage des zones humides. La cartographie des zones humides, dont la préservation fait l’objet de la conditionnalité Pac au titre de la BCAE 2 crispe du côté agricole. L’application de la BCAE a déjà été repoussée d’un an, soit au 1er janvier 2025, par décret du 29 décembre 2023 mais les syndicats dénoncent aujourd’hui un projet de zonage calqué sur celui des zones labellisées Ramsar. Or, trois sites ont obtenu le label dans l’Ain dont la totalité de la Dombes. Alors que le territoire abrite un grand nombre d’exploitants agricoles, FDSEA et Jeunes agriculteurs de l’Ain craignent que plusieurs contraintes s’appliquent à eux. Entre autres, des interdictions de drainage, retournement des sols ou réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires. « Nous avons rencontré jeudi dernier la préfète de Région, les services de la Draaf, la Dreal et de la Dreets. Nous sommes tombés d’accord pour mener une « expérimentation » en Auvergne-Rhône-Alpes, qui soit déclinée dans chaque département, précisait Michel Joux, président de la FRSEA. Il ne faut pas se leurrer. Pour l’instant, le gouvernement dit qu’il n’y a pas de contrainte associée à ce zonage, mais ce n’est pas vrai il y en aura demain. On l’a vu avec les zones Natura 2000. » 

Sujets connexes

Dans leurs allocutions au cours de l’après-midi, les élus syndicaux ont fait mention d’autres dossiers connexes. Entre autres, la trop peu concrète mise en place de la simplification administrative. Après l’abattage d’un loup quelques jours plus tôt (voir page 4), le cas de la prédation, « en recrudescence dans le département » a également été mentionnée. À ce titre, Gilles Brenon, vice-président de la FDSEA, n’a pas manqué de se targuer de l’investissement du syndicat pour obtenir des tirs de défense simple de la part de la préfecture. En marge de la mobilisation, Justin Chatard décriait également les nouvelles obligations des jeunes agriculteurs en matière d’installation : « Aujourd’hui lorsqu’un jeune s’installe, il a l’obligation de fournir une autorisation d’exploitation qu’il doit demander à l’ensemble de ses propriétaires, même si le Gaec dans lequel il s’engage les a déjà. Dans l’Ain, nous avons une agricultrice qui a 40 propriétaires et qui doit obtenir une autorisation pour chacun d’entre eux… »

Margaux Balfin