ADVENTICES
Recourir au désherbage mécanique sur les semis d’automne

Margaux Balfin
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Si l’on a peut-être plus spontanément recours au désherbage mécanique pour la lutte contre les adventices sur cultures de printemps, la houe rotative, la herse étrille et la bineuse peuvent aussi être utilisées pour le désherbage des cultures d’automne. Jean Ray, céréalier et producteur de cardons à Civrieux, a accueilli une matinée d’échanges. Retours d’expériences et conseils d’experts. 

Recourir au désherbage mécanique sur les semis d’automne
Herse étrille à ressorts Treffler de 12 m. Photo/MB

Ils étaient pas moins d’une centaine à s’être massés dans la cour de ferme de Jean Ray le 24 novembre dernier. Des agriculteurs, venu de tout le département, mais aussi plusieurs classes d’élèves de première et terminale des lycées agricoles de Cibeins, des Sardières et de la MFR de Bâgé-le-Châtel. Jean Ray cultive maïs, blé, colza, tournesol, soja et quelques hectares de chanvre, pois chiches et cardons sur 110 ha. Son exploitation n’a pas été choisie au hasard par les organisateurs1 de la matinée. Elle est située au-dessus du point de captage d’eau potable de Civrieux-Massieux. Une source potentiellement exposée aux produits phytosanitaires. L’idée avec cette matinée, « c’est de montrer comment limiter les intrants pour préserver l’eau » en adoptant le désherbage mécanique comme une des solutions de substitution, explique Élisabeth Guillot, du syndicat d’eau potable Bresse Dombes Saône. 
 
Anticiper son désherbage mécanique
 
Margaux Thirard, de l’Adabio, rappelle que d’autres leviers existent pour lutter contre les adventices. À commencer par la rotation des cultures en alternant les périodes de semis (cultures d’automne et d’hiver, couverts) et les cultures étouffantes avec des espèces à grand écartement, plus sensibles au salissement. La gestion de l’interculture et la préparation des sols est aussi importante (déchaumage, faux-semis, couvert végétal). Le désherbage mécanique vient en dernier recours et joue un rôle davantage curatif. Néanmoins, pour être optimal, sur cultures d’automne comme sur cultures de printemps, il est impératif de l’intégrer à son itinéraire technique bien avant le semis, mais aussi de bien connaître ses sols pour adapter son matériel à ses pratiques. 
 
La herse étrille à ressorts : un outil adaptable à tout sol  
 
Jean Ray a présenté la herse étrille Treffler de 12 mètres de la Cuma de Parcieux-Massieux, avec réglage hydraulique, quatre roues avant et deux roues arrière. Une acquisition d’occasion à 21 000 € (prix neuf : 35 000 €). L’outil vient « peigner » le sol et arracher à la racine les végétaux indésirables. Il l’utilisait pour la première fois cette année, en pré-levée et en post levée précoce sur ses cardons. La maîtrise de l’enherbement sur la ligne de semis est toujours délicate. La plante levant relativement tard par rapport aux adventices, ces deux passages de herse étrille ont facilité le désherbage manuel ultérieur sur la ligne de semis tout en délaissant les produits phytosanitaires. La plante lève relativement tard par rapport aux adventices, ce qui lui a permis de réaliser des tests sans risquer d’abîmer les pieds tout en délaissant les produits phytosanitaires. 
Les terrains de Jean Ray oscillent entre le limoneux, le limon-argileux et le caillouteux, parfois sur les mêmes parcelles. Le réglage en temps réel est inévitable, et le matériel choisi adaptable. C’est pourquoi l’agriculteur a préféré la herse à ressorts à la herse à plateaux, plus efficace sur terrains hétérogènes. Grâce à un système de ressorts disposés sur chacune des dents de l’outil et reliés à un enrouleur commandé hydrauliquement, il est possible de régler en continu l’agressivité via la pression au sol de chaque dent. « L’avantage, c’est que la pression reste la même, même si le sol n’est pas très plat, c’est génial », se réjouit Jean Ray. Un caractère qui lui confère un autre avantage : celui de plus facilement combiner désherbage mécanique et désherbage conventionnel, selon Franck Loriot. La pression des dents au sol étant réglable, les ornières creusées par le passage des roues du pulvérisateur n’entraveront pas l’homogénéité du travail. 
Outre l’agressivité et la tension des ressorts, la vitesse doit aussi être prise en compte pour une efficacité optimale. Jean Ray a réalisé un premier passage à l’aveugle sur 1,5 cm de profondeur pour détruire les jeunes adventices. Ce passage en pré-levée se fait en règle générale quatre à cinq jours après le semis. Une fenêtre d’ouverture relativement courte et donc à étudier, en particulier en cas d’achat collectif, souligne Franck Loriot, de la FDCuma. Jean Ray a ensuite réalisé un second passage à deux feuilles, un stade évidemment plus délicat. Attention aux variations de vitesse selon l’étape du chantier, alerte Franck Loriot. 
 « En pré-levée il est possible de monter jusqu’à 10 km/h, mais après ce n’est plus le cas. En général, on dit 1 km/h par feuille. Il faut faire attention au discours commercial qui avance une vitesse moyenne de 10 km/h. Sachant que la herse doit être passée aux heures les plus chaudes afin que les plants grillent une fois arrachés, c’est-à-dire avant 17 heures, on passe alors rapidement d’une journée pour faire 60 ha à cinq jours de travail lorsque les premières feuilles apparaissent pour la même surface. » 
En matière de coûts, la FDCuma 01 a comparé un itinéraire technique classique (avec herbicides) à un itinéraire tout mécanique sur un essai maïs en 2023. Il en ressort un coût semblable à l’hectare en tenant compte de la main d’œuvre, des outils et des produits. Les rendements étaient équivalents sur les deux essais. 
 
La bineuse : maîtriser la protection du rang avec les bons équipements 
 
Jérémy Thete, de l’EARL de Fournieux à Chaleins, et son associé ont quant à eux utilisé une vieille bineuse frontale pendant plusieurs années pour leurs cultures d’été et d’hiver après un passage de rotoétrille. Ils ont toutefois récemment fait le choix d’acheter un outil neuf, 90 ha des 170 ha de leur SAU devant être labellisés AB à partir de l’année prochaine. « Nous avons une petite expérience avec la vieille bineuse, mais son utilisation n’est pas pratique parce qu’elle n’est pas équipée de système de guidage », admet Jérémy Thete. L’agriculteur a donc présenté leur nouvelle acquisition : une Einböck huit rangs. Système de guidage compris, le prix du matériel s’est élevé à 94 000 € dont 20 000 € ont été subventionnés dans le cadre de la labellisation AB et de la DJA de l’associé de Jérémy Thete.  
Tous deux cultivent blé, maïs, colza, soja, méteils, luzerne, orge, triticale et tournesol et sèment leurs cultures d’été à 80 cm d’écartement, avec un semoir équipé d’un système RTK, également utilisé avec la bineuse. De quoi simplifier le travail. Contrairement à la herse étrille, la bineuse n’est pas un outil de travail en plein et travaille uniquement l’inter-rang. Toute la difficulté réside dans le fait de s’approcher le plus près possible des pieds, en contrôlant le recouvrement de terre. L’écartement des dents est réglé en général à 15 cm. « Nous sommes descendus jusqu’à 9 cm pour un premier passage sur les maïs ou sur sojas, en prenant soin de bien descendre les disques portège-plants pour ne pas projeter de terre sur la culture qui était encore peu développée », témoigne Jérémy Thete. Choisir les bons protège-plants est primordial, constate David Stéphany d’Alter Agro Conseil : « les marques proposent des équipements qui peuvent se relever ou se baisser mais il est préférable de choisir un relevage progressif. Cela permet, par exemple, de protéger le rang des projections de terre pour un maïs stade petit, puis de le relever au fur et à mesure que le maïs grandit pour projeter progressivement de plus en plus de terre au pied du rang. » 
À noter qu’une approche aussi près du rang (seulement 4,5 cm de chaque côté du rang), n’est possible que grâce au guidage caméra, souligne David Stéphany. Sans cet équipement, les risques de casse, en particulier sur les maïs, moins résistants que les sojas, seraient trop importants. Et Jérémy Thete d’ajouter : « L’avantage du GPS, c’est qu’on le paramètre et puis on laisse faire le tracteur, il nous suffit de regarder à l’arrière et de suivre le rang ». Sur conseil du concessionnaire, des lames Lelièvre ont également été intégrées à l’arrière de la machine afin de limiter le binage et le butage à l’abord du rang. 
Comme pour tous les matériels de désherbage mécanique, la vitesse est un levier majeur pour contrôler l’impact de l’outil sur les cultures. Dans le cas du binage, elle permet de limiter les risques de casse et de maîtriser la projection de terre sur le rang.  
Avec du recul et une première utilisation de l’outil cette année, Jérémy Thete estime que la bineuse pourrait être passée plus tôt, avant la rotoétrille et après un premier passage de herse sur les sojas, et deux passages de herse sur maïs. « Nous avons fait une petite erreur de débutant cette année. Nous avons préparé le sol avec deux passages de vibro, nous avons tout de suite semé mais nous avons passé la herse étrille trop tôt après le semis. Nous aurions dû attendre la présence de filaments blancs d’adventices pour la passer, ce qui nous aurait permis de donner à ce moment-là une longueur d’avance au maïs par rapport aux adventices. Au final les adventices se sont développées en même temps que les maïs, derrière nous avons eu des jours de pluie et nous étions bloqué pour le passage de la bineuse », explique Jérémy Thete. Anticiper les jours agronomiquement disponibles est en effet essentiel en désherbage mécanique. L’année prochaine, lui et son associé tenteront le binage de leurs blés si la herse ne suffit pas à éliminer les raygrass.   
Quant aux coûts de chantier, ils s’avèrent similaires à ceux d’un désherbage chimique en tenant compte du coût de la main-d’œuvre qui est plus important pour l’itinéraire mécanique. 
 

1 Chambre d’agriculture de l’Ain, FDCuma, Adabio, Alter Agro Conseil, avec le soutien financier de l’État, l’OFB, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, Écophyto, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le Département de l’Ain, le Syndicat d’eau potable Bresse Dombes Saône et l’EPTB Saône & Doubs.