FILIÈRE LAIT
« Danone doit respecter la loi, comme les autres »
Plus d’une centaine d’agriculteurs ont manifesté le jeudi 3 février devant l’usine Danone de Saint-Just-Chaleyssin en Isère. Les producteurs de lait réclament un contrat plus juste et mieux rémunéré, respectant la loi Egalim.
Ils étaient plus une centaine devant l’usine Danone de Saint-Just-Chaleyssin ce jeudi 3 février. Venus d’Isère, mais aussi du Rhône, de la Loire et de l’Ardèche, de nombreux agriculteurs ont répondu présent à l’appel à manifestation de la FRSEA et de JA Auvergne-Rhône-Alpes pour soutenir les négociations entre l’organisation de producteur (OP) Danone Sud-Est et leur collecteur. Car entre la multinationale française et les 270 adhérents de l’OP Sud-Est, le torchon brûle. Une tentative de renégociation de contrat avec Danone est en cours depuis octobre 2021. Actuellement, les producteurs laitiers ne sont pas satisfaits des propositions de la firme. « L’OP Danone n’arrive pas à négocier son contrat pour 2022. L’enseigne refuse d’appliquer la loi Egalim, l’OP a donc fait appel à la FRSEA Aura pour organiser cette mobilisation avec les producteurs. On fait face à une hausse des charges énormes, on parle de 20 % d’augmentation. Danone doit prendre en compte cette augmentation et respecter la loi, comme les autres », a résumé Stéphane Joandel, président de la section régionale laitière de la FRSEA Aura.
Viser un prix plus juste
Actuellement, Danone rémunère les producteurs 350 € les 1 000 litres, pour un coût de production estimé à 403 € au niveau interprofessionnel : c’est ce prix que l’OP voudrait obtenir. Environ 60 % des producteurs de l’OP Danone étaient présents à la manifestation. Leur mobilisation devant l’usine a permis de rouvrir les négociations avec l’entreprise : dans la matinée, une délégation a rencontré plusieurs représentants de Danone, dont le directeur lait France Laurent Schatz et Guillaume Vignon, responsable des achats lait Sud-Est, ainsi que des agents relation culture (ARC) de l’entreprise. « Nous avons détaillé point par point le contrat que nous souhaitons mettre en place. Il n’y a plus beaucoup d’écarts entre leurs idées et nos propositions. On veut un contrat sur le long terme, avec de la visibilité. Notre proposition d’un prix au coût de production à la moyenne est juste, on ne lâchera pas sur cela », a expliqué Jérémy Epalle, président de l’OP Danone Sud-Est, au sortir des négociations avec l’industriel.
De nouvelles exigences pour les producteurs
Outre la prise en compte des coûts de productions dans le nouveau contrat, les producteurs laitiers grincent aussi des dents quant au projet de « lait premium » de Danone. Cette démarche qualité souhaitée par l’entreprise implique notamment que les agriculteurs travaillant avec l’industriel nourrissent leurs vaches avec des aliments certifiés français. Leurs exploitations devront également répondre à des cahiers des charges plus exigeants sur le bien-être animal et l’écologie, avec par exemple une baisse du taux de production de carbone. Les producteurs laitiers ne s’opposent pas à ces nouvelles exigences, mais demandent une rémunération à la hauteur en contrepartie. « À contrainte supplémentaire, prix supplémentaire », a insisté Stéphane Joandel. Si Danone propose bien une rémunération supplémentaire pour sa démarche lait premium, la somme est faible : 15 euros en plus par tonne de lait, soit une augmentation de 0,01 € par litre. Insuffisant pour les producteurs laitiers, d’autant plus dans le contexte actuel d’augmentation des coûts de production. Installé à Larajasse dans les Monts du Lyonnais, Pierre-Yves Jouban est venu manifester. Pour cet éleveur qui vend la totalité de son lait à Danone, la proposition est bien en deçà des réalités du métier : « On estime que cette démarche de lait avec une alimentation 100 % française coûterait 50 € supplémentaires par tonne. Il y a une grosse différence avec la proposition actuelle de Danone, ce n’est pas soutenable. » L’entreprise souhaiterait mettre en place cette démarche de lait français avec l’ensemble des producteurs laitiers d’ici 2024. « Nous ne sommes pas contre ce projet, mais on évoluera avec un coût supplémentaire digne de ce nom. Il faut voir la faisabilité de cette démarche, notamment en termes d’approvisionnement en protéines françaises pour les animaux », a conclu un membre de l’OP Danone à la suite de la matinée de négociations. Affaire à suivre.