PISCICULTURE
Poissons de Dombes : une filière solidaire et résiliente

La filière poissons de Dombes a subi en 2023 une baisse historique de production. En cause : des chaînes d’étangs globalement très mal remplies en sortie de printemps, un été particulièrement chaud et le nombre d’étangs en « assec forcé ». Une filière qui peut heureusement compter sur le soutien du Département et de la Région pour se maintenir à flot. Explications.

Poissons de Dombes : une filière solidaire et résiliente
Au centre, Stéphane Mérieux et Pierre La Rocca, respectivement présidents du Syndicat des étangs de la Dombes et de l’Apped, entourés de Fabrice Pannekoucke, vice-président de la Région Auvergne Rhône-Alpes délégué à l’agriculture et aux espaces valléens (au micro), Jean-Yves Flochon, vice-président du Département de l’Ain, Isabelle Dubois, présidente de la Communauté de communes de la Dombes, les députés Jérôme Buisson et Romain Daubié ainsi que le sénateur Patrick Chaize. ©PF

Le syndicat des étangs de la Dombes et l’Apped (Association de promotion du poisson des étangs de la Dombes) tiennent historiquement leurs assemblées générales le même jour. Samedi 1er juin les acteurs de la filière, élus et pisciculteurs étaient rassemblés à Chalamont pour le bilan de la campagne de pêche 2023 et débat sur les enjeux liés au maintien la filière. Une année morose marquée par le manque de pluies hivernales, la pression des prédateurs et les chaleurs estivales avec pour conséquence une perte d’environ 70 % de la production. « Les collecteurs, qui, a charges équivalentes aux années précédentes, ont subi une perte de revenus substantielle, mais également les transformateurs qui ont eu moins de matière première. Tout le monde a énormément souffert. Toutefois ces défis n’ont pas eu raison de notre détermination et nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à la Région et au Conseil départemental pour leur soutien indéfectible. Grâce à leurs aides financières et leurs conseils avisés, nous avons pu maintenir nos activités et envisager l’avenir avec plus de sérénité », rappelle Pierre La Rocca, président de l’Apped. 

Au lieu des quelque 1 000 tonnes collectées en année « normale », ce sont 324 tonnes qui étaient pêchées l’an dernier, dont 75 % de carpes (soit 243 tonnes). Des poissons valorisés à 59 % sur le marché de la consommation humaine et 41 % sur le marché du repeuplement. 

Un signe fort des collectivités

Région et Département ont ainsi mobilisé une aide exceptionnelle à hauteur de 266 000 € chacun, visant à soutenir aussi bien les pisciculteurs que les collecteurs. Et Fabrice Pannekoucke, vice-président de la Région Auvergne Rhône-Alpes, délégué à l’agriculture et aux espaces valléens, de rappeler samedi : « L’écosystème des étangs est hyper précieux. Du côté de la Région, c’est d’abord un soutien au long court. Le Plan aquaculture, signé il y a un an, a été pour nous la première marque de soutien que nous souhaitions vous apporter. Il est le résultat d’une co-construction, opérationnel, qui vient en réponses aux questions que vous avez. Ce que l’on a vécu en 2023 est sans doute une situation amenée à se répéter et l’on ne va pas la traiter avec un dispositif exceptionnel à chaque fois. Il nous faut donc travailler à l’investissement sur des mesures de protection contre la grêle, le gel, et ici sur la question de l’eau ». Stéphane Mérieux, président du syndicat des étangs de la Dombes s’est fait fort de souligner une autre vertu, moins visible celle-ci, de ce soutien financier : « Ces aides certes ont sauvé des entreprises, mais aussi c’est que psychologiquement cela a eu un véritable effet. C’est difficile à quantifier mais c’est loin d’être négligeable. »

La pêche en pleine eau : une méthode à perfectionner

Dans ce contexte de réchauffement climatique, les acteurs de la filière se sont penchés sur la possibilité de pouvoir pêcher les étangs sans les vider entièrement. En 2022, l’Adapra (Association pour le développement de l’aquaculture et de la pêche professionnelle en Auvergne Rhône-Alpes) a lancé avec l’Apped et le syndicat des étangs une expérimentation la pêche en pleine eau. Ce programme de recherche, nommé FullFish, qui fait partie du programme Pepit financé par la Région Auvergne Rhône-Alpes, a déjà permis de réaliser sept pêches en pleine eau en Dombes et une dans le Forez. A la clé : des résultats très hétérogènes et le constat que la méthode reste à perfectionner. La filière réfléchit notamment à des moyens de mécaniser les traits de filets, les besoins en main d’œuvre pour ces pêches restant très importants. Et Stéphane Mérieux de préciser : « Dans de bonnes conditions on arrive à des taux de capture de 80 %. Mais attention aux problèmes de voisinage et de droits de l’eau (respect des us et coutumes de la gestion de l’eau en Dombes, NDLR). Sachant que l’on sera sur un nombre d’exploitations limité, qui seront sur leur propre chaîne d’étangs, ou une partie du moins. »

Cormorans : un système de détection par intelligence artificielle prometteur

Autre sujet d’actualité, l’expansion du cormoran qui impacte fortement l’activité piscicole. Le conseil d’administration du syndicat des étangs de la Dombes a investi dans quatre appareils d’un tout nouveau système de détection conçu par une startup : Anémos, faisant appel à l’intelligence artificielle. Une solution automatisée de détection permettant d’agir au plus vite pour effaroucher le grand cormoran en temps réel. Baptisée Pest Watch Tower, l’unité de reconnaissance, disposée sur un pylône d’un mètre, est un dispositif embarqué de caméra zoom alimentée par un panneau solaire. Grâce à sa rotation automatique à 360° et à son puissant zoom, la caméra prend des prises de vues toutes les 20 secondes. Celles-ci sont instantanément envoyées sur un serveur via la 4G, où les images sont analysées automatiquement par intelligence artificielle développée pour reconnaitre le grand cormoran parmi toutes les espèces ou éléments naturels qui pourraient lui ressembler. L’exploitant est alors prévenu immédiatement sur son smartphone, images à l’appui, en cas de détection d’un grand cormoran sur son étang ou bassin et peut déclencher à distance un système d’effarouchement. Un dispositif prometteur, même si le frein majeur reste son coût : 15 000 € pour quatre appareils (coût bien évidemment amené à baisser en fonction du nombre d’exploitants d’étangs qui s’en équiperont à l’avenir). Selon Stéphane Mérieux, « c’est quelque chose aussi que l’on pourra faire évoluer, pour faire du comptage d’oiseaux en automatique par exemple. A terme, l’effarouchage en automatique pourrait également être une solution. Nous n’en sommes encore qu’au début. Nous envisageons un partenariat Anémos pour des propositions aux pisciculteurs durant l’été. »

Patricia Flochon