Les Français se sont massivement rendus aux urnes pour le second tour des élections législatives. Pas moins de 501 sièges étaient encore à pourvoir le 7 juillet, après la validation de 76 députés dès le premier tour le 30 juin. Parmi eux, quelques agriculteurs et figures du monde agricole
Ils seront en tout six agriculteurs et une salariée agricole à siéger à partir du 18 juillet prochain en séance plénière pour la 17e législature. Ils étaient une douzaine dans la législature précédente. Jamais la représentation des agriculteurs au sein du Palais Bourbon n’avait été aussi faible. Une situation pour le moins inédite. Certains sont toutefois parvenus à tirer leur épingle du jeu. Avec presque 68 % des suffrages exprimés, le viticulteur Christophe Barthès (Rassemblement National-RN) s’est facilement défait de son médiatique adversaire, Philippe Poutou qui avait été parachuté dans la première circonscription de l’Aude. Son collègue Benoît Biteau du Nouveau Front populaire (NFP), après avoir perdu son siège de député européen le 9 juin dernier1, il retrouve un strapontin au Palais Bourbon. Il l’a emporté par 53,39 % des voix contre 46,61 % à sa concurrente Karen Bertholom (RN) dans la deuxième circonscription de la Charente-Maritime. À l’image de Christophe Barthès, Sandrine Le Feur et Nicole Le Peih, toutes deux estampillées de la majorité présidentielle (Ensemble) retrouvent leur siège à l’Assemblée. La première, éleveuse dans le Finistère a été réélue dans la 4e circonscription du Morbihan où elle affrontait, dans une triangulaire, deux autres candidats. Elle a obtenu 39,45 % des suffrages exprimés, contre 33,57 % pour Sylvaine Vulpiani (Nouveau Front populaire) et 27,02 % pour Tony Bihouée (RN). Nicole Le Peih a bénéficié d’un bon report de voix des autres candidats pour l’emporter avec 37 776 voix (57,76 %) devant son concurrent du RN Antoine Oliviero (27 854 voix - 42,44 %). Au premier tour, celui-ci avait viré en tête avec 35,85 % contre 26,57 % pour Nicole Le Peih. C’est de justesse que l’arboriculteur sarthois Éric Martineau ((MoDem-Ensemble) est parvenu à conserver son siège. Il a battu, avec 51,44 % des suffrages, le candidat du Rassemblement national, Romain Lemoigne, pourtant largement en tête au premier tour avec 42 % des voix. La situation était identique pour Nicolas Turquois, agriculteur dans la Vienne, député sortant. Il pointait à la deuxième place le 30 juin au soir avec 32,11 % des voix, assez loin derrière Hager Jacquemin arrivé en tête avec 41,04 %. Comme beaucoup de candidats, il a bénéficié du front républicain et a pu arriver en tête au second tour avec 53,95 % des suffrages, retrouvant son siège dans la 4e circonscription de la Vienne où il est élu depuis 2017. À noter la réélection de Mathilde Hignet, salariée agricole, dans la 4e circonscription d’Ille-et-Vilaine avec un score de 57,57 % face à Jacques François (43,43 %), candidat du RN derrière lequel elle était au coude à coude au premier tour.
D’autres voies
Parmi les personnalités du monde agricole, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a été largement réélu dans la première circonscription du Loir-et-Cher. Député depuis 2017, il a rassemblé 60,20 % des voix exprimées, devant la candidate du Rassemblement national, Marine Bardet (39,80 %). Beaucoup plus compliquée était la tâche de sa collègue Agnès Pannier-Runacher, parachutée dans la deuxième circonscription du Pas-de-Calais. Partie pour le second tour avec près de 10 000 voix à remonter, elle en a gagné 18 804. Elle a été portée par le front républicain et la discipline de vote des électeurs pour finalement l’emporter avec 55,84 % des voix devant son adversaire RN, Alban Heusèle (44,16 %). Les anciens ministres, Guillaume Garot2 et Stéphane Travert3 ont aussi été réélus. Le premier, parti sous les couleurs NFP, a très largement défait, avec 21 008 votes (67,56 %), la candidate du Rassemblement national, Paule Veyre de Soras (10 995 votes -32,44 %) dans la 1re circonscription de la Mayenne. Estampillé « Ensemble », Stéphane Travert conserve son siège dans la 3e conscription de la Manche avec 58,67 % des voix (43 784 voix), face à Pierre Giry, candidat LR-RN, qui récolte 41,33 % des voix (30 843 voix). Proches du monde agricole, les députés André Chassaigne (PCF-NFP), Dominique Potier (PS-NFP) et Julien Dive (LR) ont également conservé leur mandat. Seulement 542 voix séparaient au premier tour Brigitte Carletto (RN) et le vétéran communiste élu du Puy-de-Dôme sans discontinuer depuis 2002. André Chassaigne a finalement gagné en recueillant 55,27 % des voix, bénéficiant lui aussi d’un bon report des voix du front républicain. Dans la 5ᵉ circonscription de Meurthe-et-Moselle, Dominique Potier (NFP) supplante largement avec 54,73 % des voix son opposant du RN, Louis-Joseph Pecher (45,27 %). Ce n’est qu’avec seulement 520 voix d’avance que Julien Dive (Les Républicains – 50,57 %) conserve son mandat dans la deuxième circonscription de l’Aisne, face à Philippe Torre (RN - 49,43 %). À souligner l’élection dans le Doubs de l’ancienne ministre de l’Environnement Dominique Voynet sous les couleurs du NFP et la défaite de l’ancienne secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, Bérangère Abba, assez sèchement battue (46,10 %) face au candidat du RN, Christophe Bentz (53,90 %).
Gérer les affaires courantes
Dans une Assemblée nationale aussi fragmentée que morcelée, dans un Palais Bourbon sans majorité dominante, à la merci des stratégies opportunistes, quels vont être le sort et l’avenir de l’agriculture ? Il est fort à parier que faute de majorité le prochain gouvernement se contentera de gérer les affaires courantes sans pouvoir entreprendre de projet d’envergure. Ainsi l’élan qu’avaient pu donner les manifestations de l’automne et de l’hiver devrait se trouver amoindri. À l’image du projet de loi d’orientation agricole qui est en attente de discussion au Sénat. Une fois examiné et sans doute remanié, il restera à l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée. À ce stade, il ne semble pas que ce soit une priorité. Or les attentes sont nombreuses dans le monde agricole et rural. Pour sortir d’une impasse prévisible et maintenir la pression sur la représentation nationale, la voix des agriculteurs devra sans doute se faire entendre… par d’autres voies.
(1) Avec 5 % des voix, seuls les cinq premiers sur la liste des Écologistes avaient été élus. Il était le sixième.
(2) Ministre délégué à l’Agroalimentaire (2012-2014)
(3) Ministre de l’Agriculture (2017-2018)
Christophe Soulard