ECONOMIE
La mécanique agricole manque de bras... et d’image

La filière dynamique n’attire pas. Elle propose pourtant des métiers passionnants, en perpétuelle évolution. Zoom sur un métier en déficit d’image.
La mécanique agricole manque de bras... et d’image

Un rapide coup d'œil sur les offres d'emplois et dans les concessions agricoles suffit à mesurer la pénurie de main-d'œuvre en mécanique agricole. Un sérieux problème pour les concessionnaires et les Cuma, pour qui les difficultés de recrutement peuvent constituer un frein au développement.
Un métier pourtant intéressant et relativement rémunérateur. « Un boulot qui suppose d'évoluer en permanence, de toucher à des domaines super pointus, comme l'électronique, l'hydraulique... », résument, en substance, Jérôme Girard, concessionnaire à Villars-les-Dombes, Roch Wolville, PDG d'Agripro et Jean-Christophe Vanier, patron, entre autres, de chez Gauthier, à Saint-Trivier-de-Courtes.

L'image tronquée d'un métier de pointe

Un problème d'image et de promotion de la filière analyse Marie-Pierre Nauche, proviseure du lycée Charpak, à Châtillon-sur-Chlaronne, où 20 jeunes préparent leur bac pro mécanique agricole chaque année (et 3 leur CAP). « On maintient le nombre de places, mais le recrutement n'est pas toujours aisé... Plusieurs facteurs expliquent cela. L'image que les jeunes se font de la mécanique agricole n'est pas toujours positive et le travail de maintenance pas toujours connu. C'est dommage, car ce sont des formations qui permettent des débouchés et vont au delà de la mécanique. Aujourd'hui, par exemple, un mécanicien agricole peut avoir à travailler sur des drones, des systèmes cartographiques... »
Beaucoup s'orientent d'emblée vers la mécanique des engins de travaux publics ou poids lourds, a priori plus prestigieuse.
Pour pallier ces difficultés, chaque concessionnaire y va de sa méthode.
« Ce n'est pas facile. Notre stratégie est de publier des annonces en permanence et de miser sur l'apprentissage. Sur quatre apprentis, on espère pouvoir en garder un », détaille Jean-Christophe Vanier. Les méthodes managériales sont similaires à n'importe quelle boîte.
« Avec les entretiens individuels, la possibilité d'accéder à des formations, des temps de récupération, des salaires motivants... » Un travail quotidien indispensable « parce que si on se contente de déposer une annonce sur le Bon Coin, cela ne suffira pas. »

« Laissez les mecs intelligents en apprentissage ! »

Son collègue Jérôme Girard déplore l'insuffisance de gamins bien formés.
« Cela fait 10 ans qu'on peine à recruter des gens compétents. Cette filière est parfois considérée comme une voie de garage pour des jeunes en grande difficulté scolaire. Mais on n'a pas besoin de gars qui savent juste dévisser un boulon ! Il nous faut des jeunes intelligents, capables d'apprendre, de s'intéresser et de retenir. Ce n'est pas qu'un problème agricole, c'est un problème général de dénigrement de l'apprentissage des métiers manuels. Si j'avais une chose à suggérer, c'est « laissez les mecs intelligents en apprentissage ! »
Et Roch Wolville de venter les attraits du métier « qui permet d'avoir du boulot, d'être bien payé, de travailler en intérieur et en extérieur, sur des machines plus perfectionnées que des Ferrari. Des tracteurs, mais aussi des robots de traite, de contention... »

Etienne Grosjean

« J’apprends en permanence »

« L’informatique est devenue indispensable pour pratiquer la mécanique sur des engins « plus perfectionnés qu’une Ferrari. »

La mécanique agricole, Franck Paquelet, c’est son dada. A trente ans, il compte plus d’heures à réparer ces foutues machines que les compteurs des antiques tracteurs. « Depuis que j’ai dix ans, j’ai les mains dans les boulons », se rappelle ce mécano du garage Agripro de Cras-sur-Reyssouze. Un goût pour la mécanique assorti d’une réelle passion pour le matériel agricole. « On bosse quand même sur des sacrées machines, aujourd’hui hypersophistiquées ».
Le métier suppose d’actualiser les connaissances en permanence. « On suit souvent des formations... J’ai aussi dû me mettre un peu à l’anglais pour lire les notices ».
Les grandes marques mettent des logiciels dédiés en ligne pour aider au travail des mécanos. Des techniciens dont le profil se rapproche plus de celui d’un ingénieur que d’un monteur de pneus.
Plus de technique dans un tracteur que dans une Ferrari
« On touche à l’électronique, à l’hydraulique... Par exemple, un GPS de tracteur doit être précis à 2 cm, quand celui de nos voitures n'a qu'une précision de 25m. » Franck a depuis longtemps intégré les spécificités du monde agricole.
« Pour les agriculteurs, il faut que ça marche. Ils font des heures et ils ont tendance à en demander beaucoup aux autres. En plus, c’est le seul métier à ce point-là dépendant de la météo. Ça veut dire qu’il faut gérer les imprévus. »
Le matériel vaut cher et les enjeux financiers en cas de panne en plein chantier peuvent être désastreux. Une pression stimulante selon notre trentenaire. « Moi, j’aime bien intervenir dans les champs en urgence. On a des montées d’adrénaline, parce qu’il faut être capable de poser très vite le bon diagnostic et quoiqu’il arrive, que la machine remarche quand on s’en va. »
Des astreintes aujourd’hui limitées « à quelques week-end dans l’année », grâce à la mise en place d’un turnover et compensées, soit en récupération, soit en heures supp’. Le salaire est jugé correct. « Un bon mécano trouvera du travail. Il y a une certaine rareté qui fait qu’aujourd’hui, les salaires sont meilleurs qu’avant. »
Comptez de 1800 euros bruts pour un débutant à 3000 pour un chef d’atelier.