INITIATIVES
« On ne fera pas l'impasse sur les réductions de consommation »

Pour faire face à la flambée des prix de l'énergie, les filières agricoles tentent de trouver des solutions pour consommer moins. Tour d'horizon.

« On ne fera pas l'impasse sur les réductions de consommation »
En élevage laitier, l'installation d'un pré-refroidisseur sur le tank à lait peut faire économiser 30 à 50 % d'énergie. ©Cniel

Aux prises avec les hausses des prix des énergies, les agriculteurs tentent de réduire leurs factures. Certains se tournent ainsi vers les commandes groupées, qui permettent de négocier des tarifs avantageux. Comme en Isère, où le service mis en place par la FDSEA 38 a livré quelque 2 millions de litres de GNR et fioul l'année dernière à un tarif inférieur de 0,15 à 0,20 €/litres, selon son responsable, Richard Duvert. Un contrat d'électricité mutualisé, souscrit il y a quelques années via la Fédération des coopératives laitières, a également permis à la coopérative Vercors lait (Isère) de limiter l'augmentation de ses charges. Avec la construction d'un bâtiment isolé il y a 4 ans et l'installation d'une chaudière à bois déchiqueté, « l'essentiel avait été fait, se félicite le directeur Philippe Guillioud. Malgré cela, on reste impacté : ça représente sur l'année 400 000 à 600 000 € de charge en plus ». En 2023, un projet d'investissement en machines permettra de moderniser les processus de traitement du lait avec, à la clé, des économies d'énergie substantielles.

Des équipements plus modernes

« Avec une énergie chère, on ne peut pas se permettre d'avoir des équipements non performants », estime Jean-Paul Sauzet, conseiller énergie à la chambre d'agriculture de l'Isère. Il coordonne un groupe de travail mutualisé des chambres d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes qui travaille à la mise en place d'initiatives communes. « Cela passe par le développement d'astuces qu'on connaît depuis longtemps, comme le pré-refroidissement du lait d'un côté et la récupération de la chaleur des tanks à lait de l'autre. Le solaire thermique a aussi beaucoup d’intérêt pour alléger la facture. On envisage également de s'associer à des énergéticiens pour accompagner les projets de construction de bâtiments, d'isolation, de mise en œuvre des flux chaud et froid... » « Les leviers d'économie dépendent des types et systèmes d'exploitation », détaille Maxime Moncamp. Chargé de mission agro-écologie, biodiversité et énergie chez Solagro, il a participé à la rédaction de l'étude « Agriculture et efficacité énergétique » de l'Ademe en 2019. « Dans les exploitations laitières, l'installation d'un pré-refroidisseur permet d'économiser 30 à 50 % d'énergie. Dans les élevages bovins, on peut travailler sur l'installation de panneaux solaires qui permettent de faire du séchage en grange des luzernes et autres récoltes. Dans les élevages porcins, la question du couple ventilation-chauffage est primordiale. On peut miser sur l'installation de ventilations double flux, de panneaux photovoltaïques d'autoconsommation et sur l'isolation des bâtiments. »

Écoconduite et réduction des déplacements

Responsables d'une grande part des consommations, les engins agricoles suscitent aussi une réflexion. Les Cuma (Coopératives d'utilisation du matériel agricole) ont ainsi lancé en 2002 un projet de bancs d'essais moteur permettant de faire diagnostiquer son tracteur, afin de réduire sa consommation de carburant et se faire conseiller sur des techniques de conduite plus économes. Se développent ainsi des pratiques d'écoconduites. Certains réfléchissent également à changer de pratiques, tel Richard Duvert, également éleveur bovin à Romagnieu (Isère), qui expérimente cette année la technique du semis direct : « Cela me permet de ne faire qu'un seul passage et ainsi d'économiser du carburant ». Autre poste d'économie : les engrais, dont le prix a augmenté de 300 % en un an. « La consommation d'énergie de l'agriculture est composée pour moitié d'énergie directe (électricité, fioul, gaz...) et pour moitié d'énergie indirecte (production d'engrais, produits phytosanitaires, machines...), rappelle Jean-Paul Sauzet. Pour que les exploitations soient plus économes, il faut agir sur les deux. Pour cela, on peut associer les cultures avec des légumineuses, sources d'azote, ou mieux valoriser les fumiers. La méthanisation a également l'avantage de produire des engrais à partir des résidus. » Encouragés par les pouvoirs publics, des agriculteurs se tournent en effet vers la production d'énergies renouvelables, via la méthanisation ou le photovoltaïque surtout. Que ce soit pour l'autoconsommation ou la revente, ils permettent de faire baisser la facture, comme le relève Yves-Marie Beaudet, président du CNPO (Comité national pour la promotion de l’œuf) : « Sur mon exploitation, cela me permet d'être autonome à hauteur de 30 %. » Toutefois, pour le groupe de travail des chambres d'agriculture, cela ne suffira pas. « Penser que l'on va pouvoir remplacer nos consommations actuelles par des énergies renouvelables est illusoire. On n'en a pas la ressource et ce sont des énergies intermittentes, localisées... L'autoconsommation a un intérêt certain mais on ne fera pas l'impasse sur les réductions de consommation », nuance en t Jean-Paul Sauzet.

Leïla Piazza