POLITIQUE
Les maires confrontés à « une crise généralisée de violence »

Patricia Flochon
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Insécurité et violences, difficultés grandissantes pour les maires de défendre leur pré carré, occupations illicites, ou encore nécessité d’installer des médecins… autant de sujets de préoccupation et « vœux pieux » exprimés lors de l’assemblée générale de l’AMF de l’Ain. Explications.

Les maires confrontés à « une crise généralisée de violence »
L’assemblée générale des maires de l’Ain, le 13 octobre à Bourg-en-Bresse. Photo/PF

C’est sur fond de drame que s’est déroulée vendredi dernier l’assemblée générale de l’AMF 01 (Association départementale des maires et des présidents d’intercommunalité de l’Ain). Un vendredi 13 noirci par l’assassinat du professeur de français Dominique Bernard, au lycée Gambetta d’Arras, qui a obligé Frédéric Leturque, vice-président de l’AMF, mais aussi maire d’Arras, présent vendredi à Bourg-en-Bresse, de regagner en urgence sa ville en fin de matinée. Un crime qui fait écho au sentiment d’insécurité que vivent les élus au quotidien. La violence et l’incivilité, un thème désormais tristement au rang des priorités et donc logiquement abordé lors de la traditionnelle énumération des vœux des élus qui sont l’ADN de cette assemblée générale. Ainsi que le rappelait Christophe Greffet, secrétaire général de l’AMF 01, 32 faits ont déjà été signalés depuis le début de l’année dans l’Ain dont onze pour coups et blessures. Et Jean-Pascal Thomasset, maire de Nantua et référent en matière de violences faites aux élus, de préciser : « En 2021, ce sont 1 241 plaintes qui ont été déposées. En 2022 : 2 265 procédures déclarées, et cette année, plus de 3 000 maires qui ont subi des violences en France, dont 32 dans l’Ain. Le dernier en date était un élu de la Plaine de l’Ain, le 2 octobre, qui a reçu des coups de pied. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise généralisée ». Et de rappeler toute la série de mesures pour tenter d’endiguer ces vagues de violence, avec en toile de fond l’application au niveau local du plan national de prévention et de lutte contre les menaces et violences aux élus (voir notre édition du 12 octobre). Pour Jean-Pascal Thomasset : « la violence envers les élus n’est que le reflet d’une société malade, où les influenceurs et les réseaux sociaux ont plus de pouvoir que les élus locaux », ajoutant : « je veux croire en notre détermination pour inverser cette courbe des violences que nous subissons ! ». 
 
Gens du voyage et cirques : occupations illicites sources d’exaspération
 
À la tribune, les sujets de préoccupations des élus de la république s’enchaînent. Sujet récurrent : l’installation sauvage de gens du voyage, mais aussi des cirques ou fêtes foraines. Ainsi que le rappelait Christophe Greffet : « le maire d’Ambérieu a vu à la mi-juin trois cirques envahir sa commune sans autorisation. Même désagrément à Péronnas et Meximieux… Le président de Haut Bugey Agglomération a écrit à Gérald Darmanin pour une intervention expresse suite à l’installation de gens du voyage ; sans résultat ». L’occasion pour le sénateur, Patrick Chaize d’apporter quelques éclaircissements : « Concernant les gens du voyage, une proposition de loi datant de janvier 2021 porte sur l’amélioration des conditions de déplacements des gens du voyage, la gestion des aires d’accueil, et le renforcement des sanctions en cas de stationnement illicite. Ce texte parcourt son chemin législatif. Il est aujourd’hui à l’assemblée nationale. J’ai également alerté Gérald Darmanin pour obtenir des outils efficaces ». Selon la préfète, Chantal Mauchet, « les professionnels du cirque sont protégés par la loi. En cas d’occupation illicite, le maire doit démontrer le trouble à l’ordre public », tout en précisant que « la loi de 2021 sur le bien-être animal qui interdit les animaux sauvages s’appliquera en 2028 et n’est donc pas pour l’instant un motif d’interdiction ». 
 
Déserts médicaux : le recours aux médecins étrangers, une opportunité ? 
 
La démographie médicale. Vaste sujet, qui sous-entend la nécessité, ou non, de faire appel à des médecins de l’étranger. En France, 16 % des médecins en exercice sont nés à l’étranger. Ainsi que le rappelle Christophe Greffet, « le projet de loi sur l’immigration prévoit une nouvelle carte de séjour destinée à attirer des médecins de l’étranger ». Tout en redisant que « dans l’Ain, on a six médecins généralistes pour 10 000 habitants, dont la moitié ont plus de 55 ans », la sénatrice Sylvie Goy-Chavent, insistera sur le fait que « les maisons médicales sont un atout considérable pour attirer de jeunes médecins et je salue la démarche des collectivités qui vont dans ce sens ». Déployant dans le même temps : « il faut quatre ans pour un internat de médecine générale, or en 2018 sur l’académie de médecine de Lyon, on comptait 138 places ouvertes pour la médecine générale. En 2023, c’est 158 places. C’est dramatique. Des médecins viennent de l’Union européenne, qui souvent n’ont pas de réel statut. Il faut avoir le courage de leur accorder un vrai statut pour leur permettre de s’installer ». 
 
Développement : la zéro artificialisation nette, « une bombe à retardement »
 
Autres sujets majeurs : l’urbanisme, le logement et le développement économique des communes, aux enjeux intimement liés. À propos de la loi sur le « zéro artificialisation nette des sols », adoptée en juillet dernier, Jean-Yves Flochon, président de l’AMF 01, affirme haut et fort : « Le texte actuel ne satisfait personne. Je m’en tiens à la réalité du terrain ! », ajoutant dans la foulée que « la politique du logement est en difficulté dans notre département comme ailleurs ». Pour Jean Deguerry, président du Département, « cette loi est une bombe à retardement. Ce sont les réserves à construire des villages et petites communes qui seront impactées. Il est temps que celles et ceux qui font les lois se reconnectent au réel. Il est temps que la différenciation territoriale s’impose réellement. Nous savons ce qui est le mieux pour nos territoires. Je ne demande pas un retrait de la loi, mais un assouplissement. Un appel que je lance au gouvernement et à nos parlementaires ». À la pique politique à peine dissimulée et sans le citer expressément, lancée par Jean-François Debat, président de la Communauté d’agglomération du bassin de Bourg-en-Bresse, en direction de Laurent Wauquiez, sur la décision de ce dernier de se retirer du processus de zéro artificialisation nette (sujet qui alimente les médias et fait débat depuis le début du mois) : « une logique de refus n’est pas républicain, ce n’est pas dans notre ADN de reculer devant l’obstacle », Stéphanie Pernod-Beaudon, 1ère vice-présidente de la région Aura, répondra du tac au tac : « Nous sommes aujourd’hui dans l’impossibilité de donner les informations nécessaires aux présidents de Scot. Quand on est une Région ou un département, on est garant de l’équité de nos territoires. Laurent Wauquiez demande une suspension en attendant des clarifications du gouvernement ». À bon entendeur…