TERRITOIRES
Pour Sébastien Martin, l’intercommunalité est le pilier de la décentralisation
Le président des Intercommunalités de France, Sébastien Martin, est venu en Dombes ce lundi 13 novembre. Après s’être rendu sur la plateforme Agro’Dombes de Valeins, il a longuement échangé avec les élus locaux sur le rôle de l’association.
Depuis son élection en novembre 2020 et le début de son tour de France, c’est la première fois que Sébastien Martin, par ailleurs président de la communauté d’agglomération du Grand Chalon et premier vice-président du Conseil départemental de Saône-et-Loire, se rendait dans l’Ain pour une visite officielle. Reconduit il y a tout juste un mois à la tête des Intercommunalités de France, le Chalonnais s’est rendu sur la plateforme expérimentale Agro’Dombes de Valeins. Propriété de la communauté de communes de Dombes, le site accueille des agriculteurs-pilotes, et des partenaires dont la Chambre d’agriculture, les Cuma ou encore le lycée agricole de Cibeins, pour réfléchir à de nouvelles façons de cultiver. Pour Sébastien Martin, le rôle de l’intercommunalité prend tout son sens dans le cadre de ce projet, avec la mise à disposition du foncier et la mise en relation des différents acteurs.
Le soir à l’espace Bel-Air de Châtillon-sur-Chalaronne, le président a rappelé le rôle de l’association devant un parterre d’élus de la Dombes et du Val de Saône, une quarantaine dont six présidents d’intercommunalités. L’association regroupe un millier d’intercommunalités adhérentes sur les 1 254 de France, dont toutes celles de l’Ain, à l’exception d’une seule. « L’association n’est pas seulement là pour faire du lobbying mais être porteuse d’un message, a-t-il souligné. En France, nous avons un rapport très particulier avec la décentralisation parce que nous sommes très attachés à notre égalitarisme républicain. Il faut l’avoir en tête au moment des débats. »
Eau : le président se dit favorable au transfert de compétence
Fervent défenseur d’une décentralisation plus marquée, Sébastien Martin accueille plutôt favorablement la territorialisation récente de certaines politiques, le contrat de relance et de la transition énergétique (CRTE)* en tête. « Je ne suis pas pour jeter le bébé avec l’eau du bain. C’est la première fois que l’ensemble du territoire national est couvert par un contrat entre l’État et les territoires. » Directions régionales des affaires culturelles (Drac), agences de l’eau, agences de la transition écologique (Ademe), « tout ça a ses propres crédits, ses propres contrats … j’en ai marre de ce système à la française marqué par le biberonnage qui est aussi un bon moyen de placer des gens. Je préfère un système avec de la solidarité à l’échelle d’un territoire, et je ne vois pas d’autre alternative que l’intercommunalité pour ramener de l’ingénierie », a-t-il martelé.
Le président s’est dit ainsi très favorable au transfert de compétence de la commune à l’intercommunalité en matière d’eau et d’assainissement, prévue à partir du 1er janvier 2026. Et d’insister : « On en parle depuis 2015. Le gouvernement parle d’assouplissement mais pas de revenir sur les échéances donc nous devrons être prêts ». Sébastien Martin n’exclut pas de redéléguer la compétence par la suite à des syndicats des eaux, la prise de décision en conseils communautaires étant selon lui plus simple qu’en conseils syndicaux où les membres sont en règle générale bien plus nombreux. « Il nous manque entre un et deux milliards d’euros d’investissement par an sur l’eau, mais il ne suffit pas d’arroser à coup de milliards si on ne change pas notre organisation. Il y a 1 254 intercommunalités en France et plus de 11 000 services publics de l’eau, 30 000 si vous rajoutez l’assainissement …», ajoute-t-il. Le président est notamment revenu sur la carte des 170 communes prioritaires dans la lutte contre les fuites sur les réseaux de distribution. « C’est troublant, à deux trois choses près, cette carte colle avec les communes les plus isolées en matière de gestion. »
ZAN : pour une généralisation des PLUi
En matière d’habitat et du logement, Sébastien Martin est là aussi, sans surprise, favorable au transfert de compétence par la mise en place de PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal). Et le président a un argument de taille à l’appui : « Sur le zéro artificialisation nette, demain le préfet va juger le respect de la loi, soit de 50 % en 2031 et total en 2050. Il va juger à partir de nos documents d’urbanisme. S’il est communal alors une commune qui aura un fort développement et qui a besoin de continuer à se développer va vite avoir un problème, tandis que si celle-ci réfléchit dans un périmètre plus large, elle va trouver des zones de respiration. » D’ailleurs, selon une étude réalisée par Intercommunalités de France, les documents d’urbanisme réalisés à l’échelle des intercommunalités ont atteint des objectifs 20 % de sobriété foncière supplémentaire par rapport aux documents d’urbanisme communaux. Sujet crispant néanmoins, la signature des permis de construire ayant toujours été l’apanage des maires, mais Sébastien Martin se veut rassurant : « N’en n’ayez pas peur, cela ne change strictement rien et partout où cela s’est fait c’est passé. Le maire garde son pouvoir ! » Des propos corroborés par ceux de Jean-Claude Deschizeaux, président de la CC Val de Saône centre et maire de Montceaux, lui-même concerné sur son territoire. Le maire de Châtillon-sur-Chalaronne, Patrick Mathias, alerte toutefois sur le risque de systématiser les PLUi : « Il faut être vigilant sur le transfert de compétence. Le danger avec les intercommunalités, c’est que certains élus se désintéressent des sujets et in fine c’est le technicien qui se retrouve à devoir tout faire. » Christophe Greffet, président de la CC du canton de Pont-de-Veyle et maire de Saint-Genis-sur-Menthon, a quant à lui souligné l’aspect informationnel et pédagogique des conseils communautaires.
Pour une réforme totale de la fiscalité
Le président des intercommunalités a fait mouche. Toutes couleurs politiques confondues, les élus semblent avoir globalement souscrit à ses propos. La volonté de transférer plus de compétences aux intercommunalités pourrait toutefois vite se heurter à l’épineuse question de la fiscalité qui repose fortement sur les propriétaires de bâti et du manque de moyens. « Il faut travailler sur l’enjeu numéro un : l’économie », a souligné Patrick Mathias. « Le compte n’y est pas, a par ailleurs renchérit Jean-Claude Deschizeaux. L’État ne nous accompagne pas assez avec une compensation financière qui diminue chaque année alors que nous devons embaucher de plus en plus de personnels. Il se crée un effet ciseau. » À ce sujet, Sébastien Martin ne mâche pas ses mots : « notre système fiscal est complètement désuet. Il a été bâti sur le développement avec l’idée que plus vous avez de développement plus vous avez du foncier bâti, or aujourd’hui on appelle à la sobriété. » Inquiet pour la contribution financière aux communes et intercommunalités, largement lardée par la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises), le président appelle à une réforme complète du système fiscal. Pour l’élu, il doit reposer sur une plus importante contribution locale d’accès aux services publics, une participation à la transition écologique dans une logique de prime/pénalité, et le maintien d’une fiscalité des entreprises.
La gouvernance, un véritable enjeu
À l’heure où l’on pointe de plus en plus du doigt la crise d’engagement des élus, le président des intercommunalités de France est aussi revenu sur l’enjeu de la gouvernance. « On a longtemps pensé que l’on pouvait fonctionner comme dans les mairies avec des commissions, mais cela s’étiole, surtout que l’on ne crée pas de franc esprit de camaraderie dans les intercommunalités comme il en serait à l’échelle d’une commune après des élections », concède-t-il. Pour créer du collectif, rien de mieux que les projets de territoire pour le poil idéaliste Sébastien Martin. Ludovic Loreau, maire de Saint-André-de-Corcy, s’est quant à lui interrogé sur la légitimité de transferts de compétences des mairies aux intercommunalités dont les membres n’ont pas été élus directement par les citoyens. « C’est un vrai sujet », note Sébastien Martin. Toutefois, seul le président de la République est élu au suffrage universel direct en France, la question de la légitimité démocratique ne se pose pas pour un président de conseil départemental, rappelle-t-il. Le président a également annoncé vouloir en finir avec le double système d’élection aux municipales – le panachage et la parité – appliqué selon le nombre d’habitants des communes : « Je considère que c’est une anomalie. Nous devrions avoir la parité dans toutes les communes. »
* Ce contrat, plus global et transversal, vient remplacer une logique plus ponctuelle et descendante, comme les contrats ruralité, au gré d’appels d’offres.