ALIMENTATION
Des éleveurs français partent à l’assaut du sorgho

Margaux Legras-Maillet
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En quête d’alternatives face au changement climatique, une délégation d’éleveurs de porcs s’est rendue en Hongrie fin novembre dernier pour observer le potentiel de la culture de sorgho dont le pays est un important producteur. Gilles Brenon nous livre son retour d’expérience. 

Des éleveurs français partent à l’assaut du sorgho
Une quinzaine d'éleveurs français ont découvert le sorgho, hongrois, tout d'abord à Budapest, puis à Szeged. PHOTO/GB

Éleveur de porcs à Saint-Martin-du-Mont (Ain), Gilles Brenon cherche depuis plusieurs années à atteindre l’autonomie sur sa ferme. Aujourd’hui, il brigue la production de sorgho, potentielle alternative au maïs en cas de sécheresse. C’est pourquoi, du 21 au 24 novembre derniers, lui et d’autres éleveurs de porcs du réseau Airfaf Sud-Est* se sont rendus en Hongrie, l’un des principaux producteurs européens de sorgho. Ils y ont rencontré des sélectionneurs et multiplicateurs de semences. « Ces obtenteurs travaillent avec du sorgho blanc, roux et noir, qui sont des variétés adaptées à l’alimentation humaine et animale. Ils ont beaucoup d’années de recherche derrière eux, avec plus de 600 variétés en sélection multiplication, du sorgho grain au sorgho fourrage », explique Gilles Brenon.
 
Une culture aux mille potentiels 
 
La liste des avantages associée à cette graminée pourrait finir de convaincre les plus réticents et inciter les semenciers à se tourner vers cette culture en phase de progrès. Plus résistant au stress hydrique et à la chaleur, le sorgho est doublement valorisable en grain ou fourrage et peut être ensilé et utilisé comme couvert avec une vraie valeur fourragère. Seule ombre au tableau, le stockage. En effet, le sorgho nécessite un silo pour lui seul, les grains étant trop petits pour être broyés mélangés avec d’autres céréales comme le maïs. Le sorgho convient aux élevages de volailles, de porcs, mais aussi aux ruminants avec une faible teneur en tanins et une valorisation énergétique protéiques équivalente, voire supérieure au maïs. Sensible à la concurrence des adventices, le sorgho est en revanche peu exposé à la pression des parasites et ravageurs. « Les corbeaux et sangliers n’y touchent pas. C’est une graminée donc il ne faut pas rater le désherbage, mais il reste la possibilité de faire une culture binable et de sarcler. Peut-être que nous ferons moins de rendement, mais si le sorgo coûte moins cher à produire parce qu’il permet de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires et d’intrants, elle peut être intéressante », estime l’éleveur. 
 
La Hongrie met les bouchées doubles sur le sorgho 
 
La Hongrie en a fait le choix. L’an dernier, le pays a été particulièrement frappé par la sécheresse et les exploitants se sont retrouvés confrontés à des interdictions d’utiliser l’eau du fleuve Danube, principale ressource pour l’irrigation. À certains endroits et pendant deux mois, les cultures n’ont pu être arrosées que par les rares précipitations. Depuis, le pays a mis un coup d’accélérateur pour développer la culture de sorgho, plus résistant au stress hydrique et à la chaleur que le maïs. « En 2022, la surface hongroise en sorgho était de 45 000 ha, d’après ce qu’ils nous ont dit. C’est déjà pas mal pour un pays bien plus petit que le nôtre. Ils en prévoient 100 000 ha en 2023. Ils sont sûrs d’eux. Ils ont une terre très riche et très profonde avec une bonne capacité de production », poursuit Gilles Brenon.
 
À quand une filière française ?
 
Une idée qui séduit également l’éleveur de porcs du Revermont. Problème, en France, l’engouement pour le sorgho fait face aux réalités du marché. Si la France se place au quatrième rang des producteurs européens de sorgho, derrière la Russie, l’Ukraine et l’Italie, selon Sorghum ID**, la filière française peine à voir le jour. Faute de débouchés, des exploitants renoncent à se lancer. Gilles Brenon et d’autres exploitants ayant pris part au voyage espèrent participer à remédier à cette situation. Et l’éleveur d’ajouter : « J’ai pour projet de produire 50 ha de sorgho cette année. Je vais en semer une partie au mois d’avril, une autre après la récolte d’orge. Quand on va chercher l’information à 15 éleveurs, ça me conforte dans l’idée que je ne suis pas le seul à vouloir lancer une production que nous, éleveurs, pouvons valoriser en direct, avec pourquoi pas, derrière l’idée de créer une filière.  On est en réflexion avec le Ceta Bressan, note également Gilles Brenon. Des gens sont intéressés, mais tout le monde n’est pas prêt à passer le pas pour l’instant. » Advienne que pourra, l’éleveur de porcs, bien connu pour son opiniâtreté, n’en démord pas, la filière sorgho germera.

*Association regroupant des éleveurs, principalement de porcs, fabricants d’aliments à la ferme. Le siège régional est à Bourg-en-Bresse. 
** Association interprofessionnelle européenne du sorgho créée en 2017 au siège de la Copa-Cogeca à Bruxelles. 
D'autres placent même la France deuxième producteur européen.