SYNDICALISME
Jérôme Martin : « La zone agricole est le terrain de jeu des citadins »

Ludivine Degenève
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À l’occasion de dernier rendez-vous des Jeudis de l’agriculture, le 22 juin à l’EARL de La Paroche à Saint-Maurice-de-Beynost, plusieurs exploitants ont évoqué la pression sociétale dirigée contre l’agriculture conventionnelle. Le territoire est particulièrement confronté aux pressions sociale et gouvernementale envers les exploitants en agriculture conventionnelle. L’urbanisation augmente les restrictions, et cela en motive plus d’un à passer en agriculture biologique. 

Jérôme Martin : « La zone agricole est le terrain de jeu des citadins »
De nombreux élus et exploitants se sont retrouvés sur l’exploitation de Sandrine Juffet à Saint-Maurice-de-Beynost pour une nouvelle rencontre des Jeudis de l’agriculture. PHOTO/ LD

« Avoir une ferme support pour évoquer certaines problématiques et amener l’agriculture aux élus », tels sont les objectifs des Jeudis de l’agriculture, d’après Jérôme Martin, fraîchement nommé secrétaire général de la FDSEA. La rencontre a eu lieu le 22 avril à Saint-Maurice-de-Beynost à l’EARL de La Paroche. L’événement est organisé par la FDSEA et les Jeunes agriculteurs. Plusieurs représentants du Crédit agricole, de Cerfrance, et de la Chambre d’agriculture étaient également présents. « Nous avons choisi cette exploitation parce qu’elle est représentative des problématiques actuelles », continue Jérôme Martin. En effet, l’exploitation fait face à la construction d’habitations aux portes de la ferme. C’est d’ailleurs le sujet principal abordé lors de cette rencontre : la pression de l’urbanisation sur l’agriculture. 
 
La difficile cohabitation en zone urbaine 
 
« On se demande si on ne va pas tous être contraints de se convertir en agriculture biologique », craint le secrétaire général de la FDSEA. Et pourtant, « il est essentiel d’avoir de l’agriculture aux portes des villes », d’après lui. Aujourd’hui, une zone de non-traitement a été établie autour des maisons : les agriculteurs n’ont donc pas le droit d’utiliser des produits phytosanitaires à moins de cinq mètres des habitations. Cette réglementation est d’ailleurs une victoire pour les syndicats agricoles majoritaires, puisqu’initialement la ZNT devait mesurer cent mètres. Malgré tout, « c’est une perte sèche. On a le droit de cultiver, mais sans traitement », s’indigne Jérôme Martin. Par ailleurs, la réglementation n’empêche pas les habitations mitoyennes d’utiliser cette partie pour leur usage personnel : installation de trampolines, passages d’engins de construction, etc. « Il n’y a plus de respect de la zone agricole, c’est le terrain de jeu des citadins, constate le secrétaire général du syndicat. La communication avec le monde hors agriculture devient compliquée. »  
 
Agriculture biologique : un choix sous pression
 
Cette pression sociétale devient difficile à gérer pour certains exploitants qui réfléchissent à se convertir en agriculture biologique. « Aujourd’hui, si tu ne veux pas te faire engueuler avec ton pulvérisateur, tu cherches une autre solution », poursuit Jérôme Martin. Sandrine Juffet, l’hôte de la matinée, en est le parfait exemple. « J’ai fait le choix de passer une partie de la production en agriculture biologique. On a eu pas mal de pression des communes, et de la Métropole de Lyon », explique-t-elle. Aujourd’hui, 80 ha de la production céréalière de la ferme est en biologique, tandis que 120 ha sont en conventionnel, dont une partie se situe autour du grand parc de Miribel. « En 2025, nous aurons l’obligation de passer les 60 ha en agriculture biologique », précise l’exploitante.
 
Une communication plus importante auprès du grand public 
 
Pour beaucoup d’agriculteurs, la relation entre la profession et le grand public est coupée, ce qui entraine une méconnaissance du métier. « Je pense qu’il y a un gros problème de communication du monde agricole. C’est dommage qu’on ne nous laisse pas une petite place pour expliquer ce que nous faisons », regrette Christian Juffet, ancien exploitant à l’EARL de La Paroche et père de Sandrine Juffet. Pour y remédier, beaucoup d’exploitants présents insistent sur la nécessité de s’investir dans la vie des communes. « Pour ceux qui ont la volonté et l’opportunité, il faut s’investir dans les conseils communaux, souligne Jérôme Martin. Si on n’est pas là pour représenter l’agriculture, il y en a qui le feront pour nous, et pas forcément de la bonne manière. » Et Jean-Pierre Gaitet, maire de Miribel, d’ajouter : « Étant donné le nombre de réunions portant sur le domaine agricole, s’il y a un agriculteur, il saura pertinemment de quoi il parle. »
Pour les agriculteurs et élus syndicaux présents, la communication autour du métier d’agriculteur reste une priorité. Et Jérôme Martin de conclure : « L’agriculture, c’est la base de l’assiette. »