RENCONTRE
La reconnaissance du métier au menu

Ludivine Degenève
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Jeudi 15 septembre, la FDSEA et les JA de l’Ain ont organisé les traditionnels Jeudis de l’agriculture. Ce mois-ci, la rencontre a eu lieu chez Romain Michon, un agriculteur en grande culture à Joyeux. Parmi les problématiques mises en avant, la question de la reconnaissance du métier et les dégâts du gibier observés sur les parcelles.

La reconnaissance du métier au menu
Les agriculteurs du canton de la commune de Joyeux ont pu échanger avec les élus syndicats sur différentes thématiques. Photo/LD

Faire une réunion sur le terrain avec les agriculteurs pour mettre tout le monde en relation et parler de tous les sujets qui les préoccupent, tel est l’objectif des Jeudis de l’agriculture, dont le dernier était organisé le 15 septembre sur l’exploitation de Romain Michon à Joyeux. Le manque de reconnaissance du métier d’agriculteur et la réglementation toujours plus contraignante étaient les premiers points mis en avant. « La difficulté que je vois, c’est la réglementation des produits phytosanitaires qui évolue sans cesse par rapport à l’ANSES* qui change les dosages et les cibles par rapport aux cultures, explique Romain Michon, céréalier en soja, blé, colza et tournesol. Ce sont des choses qui sont de plus en plus difficiles à vivre au quotidien ». D’une année à l’autre, les produits subissent des modifications d’utilisation, de quantité à l’hectare par rapport à une cible précise sans que les céréaliers n’en soient informés. « Quand on arrive devant notre écran pour enregistrer toutes les interventions, l’outil dans lequel on saisit nous met une alerte comme quoi le dosage est faux alors que l’année dernière, c’était bon », se désole Romain Michon. Cet été, les restrictions d’eau sont venues s’ajouter à toutes celles déjà en vigueur. « Il y a toujours quelqu’un derrière pour surveiller en permanence. C’est pesant », ajoute l’agriculteur.

De gauche à droite : Guillaume Joux, secrétaire général des JA 01, Jonathan Janichon, secrétaire général de la FDSEA, Adrien Bourlez, président du syndicat et Romain Michon, céréalier, hôte de la journée. Tous ont pu échanger avec les agriculteurs présents. Photo/LD

« On est la bête noire de la société »
 
Quand il s’agit de faire remonter les problèmes, les organismes compétents ont souvent du mal à comprendre la gravité de la situation. « Ce sont des gens qui sont loin du terrain, souvent idéologues, précise le céréalier. Il y a des contraintes administratives, environnementales, économiques et fiscales qui arrivent. Il faut avoir les épaules assez larges pour continuer le travail sereinement », termine Romain Michon.
Vient s’ajouter à ça le manque de reconnaissance auquel les agriculteurs doivent faire face. « On est la bête noire de la société et ça pèse un peu. On ne peut pas regarder un JT sans qu’on évoque un problème agricole, de pollution, d’utilisation de pesticides et d’abus d’irrigation pour les maïs notamment, remarque le céréalier. La seule chose qu’on dit, c’est qu’on fait mal les choses, pour moi c’est un peu difficile à vivre ».
Jonathan Janichon, secrétaire général de la FDSEA 01, compare quant à lui la pression subit par les agriculteurs à la tension qu’un automobiliste peut ressentir. « Lors d’un contrôle routier, le coup de pression dure deux minutes. L’agriculture aujourd’hui est constamment sous cette pression. C’est ce qui fait qu’on commence à dégouter nos jeunes. Ils préfèrent être salariés, parce qu’au moins ils n’ont pas cette pression au quotidien », ajoute l’élu syndical.
 
70 % de pertes de récolte
 
Autre problème revenu sur la table : les dégâts causés par le gibier. Manon Durand, installée en EARL à Le Montellier s’efforce d’alerter les administrations sur les ravages causés par la faune sauvage. En effet, l’année dernière, c’est 70 % des rendements partis en fumée à cause des sangliers. Entre l’achat des semences mangées et les plantes qu’elle n’a pas pu récolter, l’exploitation estime à environ 15 000 € le coût des pertes. « On a voulu discuter avec les chasseurs pour trouver une solution, notamment d’intervenir plus tôt que d’habitude. Au lieu d’aller dans notre sens, ils se sont clairement foutus de nous, se désole la jeune femme. J’ai décidé d’interpeler la préfète en lui écrivant des courriers. Ça a fonctionné à force de bassiner tout le monde et on a réussi à avoir des battues administratives ».
L’intervention de Manon a même permis d’obtenir un nouvel arrêté préfectoral, valable sur tout le département jusqu’à juin 2023, expliquant que tous les agriculteurs peuvent faire intervenir les lieutenants de louvèterie sur une zone concernée par les dégâts de sangliers.
Pour Adrien Bourlez, président de la FDSEA 01, le problème de la chasse et des dégâts de gibier ne concernent pas uniquement le milieu agricole. « Que ce soit l’accidentologie sur les routes, les problèmes dans les exploitations et les problèmes sanitaires que ça peut engendrer, les dégâts de sangliers est un problème de santé publique, d’écosystème et de société ».
En fin de réunion, les deux gendarmes présents ont simplement insisté sur l’aide apportée par l’État aux agriculteurs en cas de sinistre.
Quels que soient les problèmes évoqués lors de cet après-midi, l’avis est unanime : en raison du changement climatique et de l’évolution de la faune sauvage, l’agriculture d’hier n’est pas du tout la même qu’aujourd’hui et ce ne sera pas encore l’agriculture de demain.

*Agence Nationale de Sécurité Sanitaire

L’utilisation de l’eau, source de débats.

La question de l’eau a également été évoquée lors de la réunion. À l’image de Jérôme Martin, président de la section des irrigants de la FDSEA, certains ne comprennent pas les consignes de l’État. « Il n’y a jamais eu de restrictions sur la Saône. Cette année, elle n’est guère plus basse que d’habitude et on est en crise, explique Jérôme Martin. On aurait arrosé une semaine de plus sur la partie Val de Saône, ça sauvait les agriculteurs ». Pour lui, les prises de mesure dans la Saône ne sont pas bonnes. « Celle de l’Ain est à Mâcon. Mais il y a une dérivation de la Saône. […] Par calcul, on refait un débit estimé qui est plutôt faux », estime le président de la section des irrigants. L’État ayant pris conscience de l’importance de l’agriculture en France, les choses pourront être renégociées dès cet automne.