PORTRAIT
« De notre temps c’était le boulot alors que maintenant c’est de la gestion »

Margaux Legras-Maillet
-

Monique et Guy Manos étaient agriculteurs au hameau d’Indrieux sur la commune d’Arandas.

« De notre temps c’était le boulot  alors que maintenant c’est de la gestion »
Guy Manos, ancien agriculteur à Indrieux, était un associé du Gaec Les Perce neige. Photo/Yolande Carron

La première fois que Guy est descendu de son Bugey, c’était pour voir le jour, « je suis né en février 1940, c’était le curé du village à l’époque qui avait une voiture et qui emmenait les femmes accoucher à Bourg-en-Bresse. » raconte-t-il en riant. Il se souvient aussi de ces deux kilomètres parcourus chaque jour pour aller à l’école du village, « impossible de rentrer le midi à la maison, pas le temps alors nous emmenions notre musette et l’instituteur nous faisait manger à la cave, même par les grands froids, il n’aimait pas que l’on mange dans la classe. » Des souvenirs, Guy Manos a de quoi en écrire des pages, de la petite enfance jusqu’à maintenant, il a connu la guerre enfant alors forcément ces moments il ne les a jamais oubliés. Les bombardements, les maquisards qui occupaient les bâtiments de ferme de ses parents agriculteurs à qui il allait rendre visite pour revenir avec quelques morceaux de sucre, « vous savez c’était compliqué de se nourrir, autant vous dire que du fromage de chèvre j’en ai mangé, à tel point que j’en ai le dégoût aujourd’hui », s’esclaffe-t-il.

Fils d’agriculteurs

Né dans une famille d’agriculteurs, le grand-père s’occupait de la ferme des moines à l’abbaye de Portes, avant d’acheter la ferme en 1927 au hameau de Indrieux, « c’était un maigre cheptel ». À 12 ans Guy Manos était inscrit à l’école des bergers. Plus tard, à 14 ans il obtiendra son certificat d’études avec mention bien, « j’avais décroché le premier prix en maths ». Par la suite il suivra des cours agricoles par correspondance et intégrera une école d’agriculture à Condamine-la-Doye en 1957. Puis ses parents l’envoient en stage durant 6 mois au CFPA des Vennes à Bourg-en-Bresse pour apprendre la menuiserie, « j’aurais préféré la maçonnerie, mais à cette époque ce n’était pas les enfants qui décidaient, ajoute Guy, mon père me disait fais menuisier pour construire une brouette pour sortir le fumier. » Puis arrive les années 60, Guy part au service militaire, après 27 mois d’absence, il revient au village avec un chemin tracé, il restera à la ferme et sera agriculteur.

Changement de décor

Monique et Guy se marient en 1964 et auront trois enfants et comme il fallait bien faire vivre le ménage, le père de Guy lui propose de lui donner six vaches et de se débrouiller. Guy accepte de travailler avec son père mais à la condition d’avoir une indemnité mensuelle, « nous sommes tombés d’accord pour 30 000 anciens francs par mois, pour ceux qui peuvent se rendre compte ce n’était pas beaucoup ».
En 1973, son frère Gilles les rejoint sur l’exploitation avec son épouse, puis le père prend sa retraite en 1975 et le décor change avec la création du Gaec « Les Perce neige » qui avait pour parrain Gabriel Thénoz, technicien agricole du secteur. Le Gaec, depuis cette date est resté familial avec l’entrée des fils et des neveux et il s’est modernisé. En 1987, c’est l’arrivée des vaches charollaises pour monter un troupeau de 25 reproductrices alimentées en auto- consommation. En 1994, c’est la construction d’une stabulation pour accueillir 78 génisses du sevrage à l’insémination. Les tâches au sein du Gaec sont alors bien réparties, « je me chargeais des foins et de tout ce qui avait rapport à la culture de céréales, mon frère du troupeau et la traite c’était l’affaire des dames les soirs d’été, Monique assurait la gestion et la comptabilité. »
Comme si les journées n’étaient pas assez occupées, les Manos décident d’une activité pain pétri à la main deux fois par mois, une quinzaine de pains et des galettes au sucre cuites au feu de bois pour toute la famille, ils sont 5 enfants dans le village avec leur descendance. C’est la grand-mère qui débutera cette activité avec Guy. Lionel, le neveu de Guy reprendra le flambeau mais arrêtera par manque de temps et de place.
Le Gaec possédait aussi des vignes sur les communes d’Argis et Conand. « Nous avons arrêté la vigne en 1993 c’était trop harassant se souvient Guy et cela malgré un vin blanc de très bonne qualité à Argis. »

Guy Manos et son épouse. Photo/DR

L’heure de la retraite

Guy Manos prendra sa pré-retraite en 1996, ce qui permettra l’installation de son neveu Lionel. Malgré tout, Guy continue de prêter main forte jusqu’à sa retraite. Mais en 2019, la vie de Guy et Monique va basculer, suite à un AVC, Monique perd son autonomie, Guy s’occupe d’elle nuit et jour. Son épouse avait stoppé son activité de monitrice d’enseignement ménager agricole pour faire une carrière de conjointe d’exploitant et par la suite rejoindre le Gaec où elle a été salariée jusqu’en 2003. Monique était une passionnée de jardin et de fleurissement, elle a d’ailleurs récolté de nombreux prix. Elle était également très impliquée dans la vie de la paroisse. Installée maintenant à l’Ehpad de Saint-Rambert, Guy passe beaucoup de temps avec elle ainsi qu’avec ses cinq petits-enfants.
 
Yolande Carron

Guy Manos, l'agriculteur

Avez-vous pris des vacances ?
« Non jamais. Si, une fois trois jours, les gamins étaient petits nous sommes partis l’hôtel en Haute-Savoie, on avait laissé les gamins chez les grands-parents. »

Quels étaient le bruit et l’odeur que vous avez le plus aimés dans votre métier ?
« L’odeur du foin la fenaison, bruit des oiseaux, les vaches au pâturage qui meuglaient quand c’était l’heure de la traite.»

C’était important pour vous d’adhérer au syndicat ?                                                                                                                                                                              « Je dirais que c’est indispensable d’adhérer à la FDSEA, je regrette que les acquis profitent à tous même ceux qui ne cotisent pas ! Chez les jeunes, l’engagement est très différent. » Guy Manos a été, délégué adjoint à la FDSEA, administrateur puis vice-président de la caisse d’assurance l’Est-central, président de la Sica Alpage depuis sa fondation en 1966 jusqu’à sa pré-retraite en 1996, membre du CA de la section laitière, assesseur auprès du tribunal paritaire des baux ruraux depuis 2002, élu municipal et garde-chasse communal. 

Quelle saison aimiez-vous le plus ?
« Le printemps, ça voulait dire que s’en était terminé de la neige. Puis octobre pour la chasse. »

Vos outils vous ont changé la vie ?
« Les tracteurs, c’était quand même mieux que les bœufs, j’ai eu un Sam, puis après un John Deere. La salle de traite et la récolte du fourrage avec le round baller nous ont changé la vie. »

Vos rassemblements agricoles préférés
« Je suis allé un seule fois au salon de l’agriculture, j’aimais bien la fête de la terre à Saint-Rambert-en-Bugey et les expositions de matériels. »

Ce qui a été le plus difficile dans votre carrière ?                                                                                                                                                                                      « Les journées harassantes on allait exploitait sur 7 communes, jusqu’à Bettant avec un tracteur qui ne roulait pas à 40 Km, on se levait à 4h30 pour traire car le laitier passait à 5h30. Les hivers étaient durs. »

Votre plus mauvais souvenir en agriculture ?
« Les années de sécheresse. L’année où les vaches ont pris l’IBR, celles qui étaient positives il a fallu les tuer. »

Votre meilleur souvenir ?
« L’évolution de l’exploitation et le fait qu’elle a perduré. »  

Avez-vous encouragé vos enfants à faire le même métier que vous ?
« Non je ne les ai jamais encouragés, je les ai laissés prendre leur décision. »  

Et si c’était à refaire choisiriez-vous le même métier ? 
« Pas sûr. C’est de plus en plus compliqué on n’a jamais bien été habitué aux gros revenus mais on a des retraites de misère pour le travail fourni. » n