BRESSE
« La profession fait confiance à l’État, qu’il fasse confiance aux agriculteurs »
RENCONTRE/ Entre deux salves de mobilisations agricoles, la préfète de l’Ain, Chantal Mauchet, s’est rendue sur l’exploitation de Quentin Manigand à Bâgé-Dommartin dimanche 18 février dans la matinée. Sur place, elle a échangé avec la FDSEA et les Jeunes agriculteurs de l’Ain sur les attentes de la profession.
Plus à l’aise à la ferme que derrière un pupitre, c’est le pas assuré que Chantal Mauchet s’est engagée dans la cour de Quentin Manigand dimanche matin. La préfète de l’Ain était accompagnée des services de la DDT et de la DDPP. Telle la correspondante locale du Premier ministre, c’est bien la bonne parole de Gabriel Attal que la haut-magistrate est venue prêcher. « Je veux venir vous rendre visite aussi souvent qu’il est possible pour vous montrer que l’État vous soutient », a-t-elle assuré aux agriculteurs présents. Un bain de foule administratif plutôt apprécié des syndicats agricoles. Alors que peu d’installations ont eu lieu cette année et que les investissements s’appesantissent, « c’était important que cela se passe chez un jeune agriculteur », salue Justin Chatard, le président des JA de l’Ain.
Après les annonces du 1er février par le Premier ministre à la suite des mobilisations, la profession agricole attend des résultats. Sur les bancs des accusés, le non-respect de la loi EGAlim et la simplification des démarches figurent au premier rang. Tout en visitant l’exploitation et sans se défiler, Chantal Mauchet répond à chaque invective.
La grande distribution est particulièrement pointée du doigt dans le cadre de la loi EGAlim que les syndicats entendent bien faire respecter. « Aujourd’hui quatre centrales d’achat font la pluie et le beau temps chez nous, et essayent d’installer une super centrale d’achats en Belgique pour contourner les règles. Si nous ne faisons pas le travail avant, ce sera très dangereux pour la profession », martèle Gilles Brenon, vice-président de la FDSEA. Et Jonathan Janichon de renchérir : « Les agriculteurs doivent décider du prix et ensuite les GMS appliquent leurs marges. Nous voulons aussi que dans la formation du prix soient pris en compte au moins 50 % des coûts de production pour garantir un socle rémunérateur minimum. » « Il faut aussi que les lois qui sont déjà en place soient appliquées, souligne quant à lui Quentin Manigand. Je n’ai aucune visibilité de la façon dont la loi EGAlim s’applique dans mon prix du lait, il faut que ce soit clair. »
Simplification : vers un guichet unique
Entre la hausse des charges et le poids des démarches administratives, l’installation était l’autre sujet tendu de la matinée. Les investissements sont de l’ordre de 700 000 € en moyenne. « Il faut rétablir les prêts bonifiés », interpelle Justin Chatard. Chantal Mauchet a rappelé que des mesures de défiscalisation ont été annoncées par le Premier ministre, et notamment le déblocage de 2 Md€. Une sorte de fonds de garantie pour le cautionnement de l’État dans le cadre de prêts. Une mesure bien accueillie, le manque de caution étant souvent ce qui fait défaut aux jeunes agriculteurs qui veulent emprunter.
Pour faciliter les démarches, la préfète de l’Ain a également évoqué la possibilité de mettre en place un guichet unique en partenariat avec la Chambre d’agriculture, une sorte de France service agricole. Elle a également invité les agriculteurs, en particulier les jeunes qui souhaitaient s’installer, à se tourner vers les sous-préfectures du département pour répondre à leur question et les aiguiller dans leurs démarches.
Pour un partenariat État/agriculteurs
« Jusqu’ici la méthode n’a pas été exceptionnelle, mais il faut vraiment mettre en place un partenariat agriculteurs / État, avec une vraie répartition de la valeur parce que jusqu’ici les variables d’ajustement ce sont les producteurs et les agriculteurs », a résumé Michel Joux, président de la FRSEA. Malgré « l’urgence », les représentants syndicaux ne sont pas dupes et savent que le pas de temps sera long avant que les résultats ne se fassent sentir sur les exploitations. Pas question pour autant de réduire la pression. À l’échelon local, la FDSEA et les Jeunes agriculteurs de l’Ain entendent bien faire respecter le calendrier de suivi instauré avec les services de l’État. Et Justin Chatard de garantir avec ardeur : « Un pacte de confiance doit se mettre en place. Les agriculteurs font confiance à l’État, que l’État leur fasse confiance. Si demain les règles ne sont pas respectées, nous serons les premiers à retourner sur le terrain. »
Serait-ce le début d’un front commun État / agriculteurs contre la grande distribution ? Chantal Mauchet a en tout cas écouté et dit avoir entendu le message. « Produire et protéger. Ce sont vraiment les maître-mots. Les annonces que nous avons eues étaient exceptionnelles. J’en suis persuadée et nous ne vous lâcherons pas, ce n’était pas des effets d’annonce », a-t-elle promis. La préfète a marqué des points ce dimanche, ne reste plus qu’à transformer l’essai.