DÉSHERBAGE
Ecophyto 2030 : les céréaliers priorisent les graminées
Avec l’augmentation des résistances et le retrait progressif des herbicides, la filière céréalière fait face à un défi majeur dans la gestion des graminées, dont elle a fait sa priorité dans le cadre d’Ecophyto 2030.
Mi-décembre, quatorze plans d’action anticipant le retrait de substances actives ont été validés en comité inter-filières dans le cadre d’Ecophyto 2030, parmi lesquels un plan visant à maîtriser les graminées-adventices dans les rotations de grandes cultures. Mais pourquoi avoir choisi de s’attaquer en priorité à la gestion de ces adventices ? « La lutte contre les graminées, aussi bien hivernales qu’estivales, est une problématique majeure à laquelle sont confrontés les agriculteurs », explique Franck Duroueix, expert de la protection intégrée des cultures chez Terres Inovia. Et d’ajouter « que la situation est très tendue », en raison de « l’extension des phénomènes de résistance » mais aussi « du retrait des substances actives les unes après les autres ». En céréales, le retrait de l’isoproturon en 2016-2017, ainsi que la baisse de dose du chlortoluron, ont resserré l’étau autour de trois molécules formant la base du désherbage : le prosulfocarbe, la pendiméthaline et le flufénacet. Or, les processus de réapprobation ou les politiques publiques font « peser des risques de retrait ou de restriction sur les substances actives pivot actuellement disponibles », prévient Franck Duroueix. Parmi ces substances figure notamment le prosulfocarbe, deuxième substance active herbicide la plus utilisée en France, pour lequel l’Anses a annoncé des restrictions d’usage en octobre 2023.
La crainte d’impasses
Depuis plus de vingt ans, les graminées comme le ray-grass ou le vulpin, principales adventices hivernales de la rotation céréalière, ne cessent de croître, rapporte un article rédigé par les instituts techniques Arvalis et Terres Inovia. En cause : « Une implication des systèmes de grandes cultures (agrandissement des exploitations, abandon du labour) accéléré par l’évolution de la Pac, notamment l’étape Agenda 2000 abandonnant le soutien direct aux cultures ». Labour, faux-semis, rotation des cultures… « un grand nombre de solutions parfois qualifiées d’alternatives constituent en fait des mesures prophylactiques et de lutte directe déjà plus ou moins déployées dans les systèmes conventionnels », précise Franck Duroueix. Si ces mesures « contribuent à l’abaissement de la pression des graminées, elles ne constituent pas des solutions suffisantes », prévient toutefois l’expert. D’où la primauté accordée à la gestion des graminées, alors que la filière des grandes cultures s’inquiète du risque d’impasses techniques. Fin décembre, le président de l’AGPM, Franck Laborde, se désolait de n’avoir reçu aucune garantie de la part du gouvernement sur le fait que la France défendrait les molécules tant que des solutions alternatives n’auraient pas été trouvées.