FUTURE PAC
Le projet de la Commission parie sur la flexibilité et la simplification

La Commission européenne présentera les propositions législatives pour la future Pac le 1er juin. Le projet élaboré actuellement par les services agricoles confirme les nouvelles responsabilités qui incomberont aux États membres. Ils seront chargés d’élaborer leurs « plans de soutien », ainsi que la nouvelle architecture « verte » des paiements directs.
Le projet de la Commission parie  sur la flexibilité et la simplification

Flexibilité. C'est le maître mot du projet des services agricoles de Bruxelles pour la future Pac. La nouvelle architecture qu'envisage la Commission européenne pour les paiements directs prévoit un dispositif en plusieurs couches avec lesquelles chacun pourra composer : un paiement de base versé aux agriculteurs en contrepartie du respect de la nouvelle écoconditionnalité (qui intégrera désormais le verdissement), un paiement aux jeunes agriculteurs, un autre pour les premiers hectares et enfin, volontaire celui-ci, un paiement pour les engagements environnementaux allant au-delà des règles de base. Un cadre souple qui doit permettre un meilleur ciblage des soutiens selon les besoins nationaux ou régionaux, en particulier vers les petits et moyens agriculteurs, les jeunes et ceux qui font des efforts en faveur de l'environnement.

Fusion de l'écoconditionnalité et du verdissement

Pour recevoir leur « paiement de base pour la durabilité », les agriculteurs doivent respecter les règles d'écoconditionnalité, c'est-à-dire treize exigences réglementaires – telles les directives nitrates, oiseaux, habitats, bien-être animal... – comme c'est déjà le cas aujourd'hui, ainsi que douze bonnes conditions agroenvironnementales (BCAE) dont cinq nouvelles. Ces nouvelles exigences correspondent aux mesures de verdissement introduites en 2013 qui vont désormais rejoindre la liste des BCAE. Ainsi, le maintien du ratio de prairies permanentes, un minimum de surfaces non productives
(ex SIE), la rotation des cultures (contre la diversification aujourd'hui), mais aussi l'utilisation d'outils de gestion durable des nutriments, l'interdiction de convertir les zones humides, rejoignent les obligations. Cette future Pac permet de nombreuses marges de manœuvre pour tenir compte des situations locales auxquelles devront se conformer les agriculteurs. Un moyen également de simplifier le dispositif de verdissement dont la complexité a été fortement critiquée depuis son entrée en application. Enfin, par dérogation et dans un objectif de simplification, les plus petits producteurs peuvent bénéficier d'un paiement forfaitaire.

Des «éco-programmes » en complément

Les États membres souhaitant aller encore plus loin pourront mettre en place, dans le cadre de leurs plans stratégiques de soutien, des aides directes à l'hectare supplémentaires, appelées
« éco-programmes », pour les agriculteurs qui s'engagent à appliquer des pratiques agricoles bénéfiques pour le climat et l'environnement. Ces pratiques sont déterminées par les États membres et payées sous forme d'une aide directe à l'hectare ou d'une compensation pour tout ou partie des coûts supplémentaires et des pertes de revenus résultant des engagements environnementaux. Dernière mesure supplémentaire : le paiement redistributif, introduit en 2013 pour participer à la dégressivité des niveaux de soutien, deviendrait obligatoire, mais avec là encore des marges sur le montant, le nombre d'hectares concernés... Les premiers hectares de chaque exploitation bénéficieraient d'une majoration et un nombre maximal d'hectares éligibles doit également être déterminé. Le montant de cette aide ne pourra pas dépasser celui du paiement de base.

Paiements couplés et plafonnement

Les soutiens couplés volontaires, sujet de discorde entre les États membres, ne devront pas dépasser 10 % de l'enveloppe de l'État membre, plus un maximum de 3 % dans le cas des cultures protéiques (contre 13 % et + 2 % actuellement). Une liste de production pouvant en bénéficier est prévue. Enfin, le projet de Bruxelles propose un plafonnement des aides important, à 60 000 € par exploitation, avec la possibilité, toutefois, de tenir compte de l'emploi ce qui permet de fortement moduler ce plafond. Enfin, pour réglementer la mise en œuvre de l'ensemble de ces nouvelles dispositions, en particulier leur financement et leur contrôle, un règlement dit horizontal vient préciser les modalités de paiement, de contrôle et si besoin de sanction. La Commission insiste particulièrement sur le recours à des données satellitaires, fournies gratuitement par l'UE, pour le suivi des surfaces agricoles.
Début mai la commission a proposé une baisse de 5 % du budget de la Pac, que la FNSEA recalcule en euros constants à plus de 10 %. Un premier signal jugé très négativement et sévèrement par la FNSEA et le ministre de l'Agriculture français. Par ailleurs, le commissaire européen à l'agriculture, Phil Hogan, a affirmé, quant à lui, que la protection des petits agriculteurs sera sa « première priorité » dans les négociations budgétaires. Ce qui renvoie notamment à la question sensible, et récurrente, du plafonnement des paiements directs. Sans parler de la convergence des aides entre les États membres, sujet hautement politique et financier, et donc dans les mains des chefs d'État et de gouvernement.

 

 

CONTRIBUTION

La FNSEA expose ses priorités

La FNSEA a communiqué le 14 mai sa « contribution à la position française ». En préambule, la FNSEA demande un maintien du budget à 0,4 % du PIB européen et de l’architecture actuelle à deux piliers. Dans le détail, la FNSEA affiche quatre priorités : d’abord les « soutiens directs », au sein desquels elle demande le maintien des dispositifs actuels du 1er pilier (DPB, aides couplées, ICHN et OCM en fruits&légumes et viticulture), précisant qu’elle ne souhaite pas que le DPB ne devienne une aide uniforme à l’hectare (SAPS). La 2e priorité est la « gestion des risques », dont elle souhaite que les outils actuels soient « généralisés et mis à disposition des exploitations agricoles ». La 3e priorité est « l’architecture environnementale» ; la FNSEA demande qu’il n’y ait pas de « renforcement de la conditionnalité, du verdissement ou des seuils d’accès aux MAEC ». Enfin la 4e priorité porte sur « le fonctionnement de la chaîne alimentaire » ; la FNSEA demande que le renforcement des OP obtenu dans le droit de la concurrence européen soit « conforté » dans l’OCM unique.

 

 

INTERVIEW : « Les nouvelles politiques européennes ne doivent pas se faire au détriment de la Pac »

Henri Brichart, premier vice-président de la FNSEA 

La Commission européenne propose de réduire de 5 % le budget de la politique agricole commune (Pac). Henri Brichart, premier vice-président de la FNSEA, et en charge du dossier, fait le point sur les enjeux du futur budget européen.

 

Dans quel contexte se fait cette proposition de la Commission européenne ?

Henri Brichart : « Il faut rappeler au préalable la question du calendrier. On a là une proposition de la Commission européenne sur laquelle devront se mettre d’accord les chefs d’États et de gouvernements. On est encore au début de la procédure et des négociations entre la Commission et les chefs d’Etats. Si on se projette sur comment cela s’était déroulé lors du cadre financier pluriannuel précédent, il avait fallu quasiment un an et demi aux chefs d’Etats pour se mettre d’accord. La proposition actuelle n’est pas forcément ce que les agriculteurs verront s’appliquer. Reste aussi la question de savoir si les négociations aboutiront avant les élections européennes. »

La FNSEA s’attendait-elle à une proposition plus avantageuse pour la Pac ?

H.B : « C’est une déception parce qu’on s’attendait à beaucoup mieux. Même si on sait que les questions budgétaires doivent être compliquées, en particulier dans le cadre du Brexit. Le Royaume-Uni est contributeur net, il met plus d’argent dans le pot commun qu’il n’en prend, le Brexit creuse donc un trou dans le budget européen. Il y a d’un côté cette problématique et de l’autre la volonté d’un certain nombre d’États membres de faire d’autres politiques, et donc cela entraîne des besoins financiers supplémentaires (la défense, la sécurité, la recherche,…). Ce sont des sujets sur lesquels le président de la République s’est d’ailleurs montré volontaire. On est dans une situation où il faut faire plus de politiques avec moins d’argent. On est prêt à entendre que la sortie du Royaume-Uni doit impliquer un effort du côté de la Pac. Cependant, ce que l’on ne veut pas entendre, c’est que si on veut faire des nouvelles politiques il faudrait prendre de l’argent de la Pac. Pour nous, si on veut de nouvelles politiques, il faut que les États membres mettent davantage d’argent sur la table. L’idée de faire d’autres politiques au niveau européen est quelque chose que l’on partage, qui fait partie de nos revendications, mais ça ne doit pas se faire au détriment des politiques historiques, dont fait partie la Pac. »

Comment une telle proposition risque d’impacter les agriculteurs ?

H.B : « Ça tombe d’autant plus mal que l’argent de la Pac est très utile pour les agriculteurs pour leur permettre d’avoir un minimum de revenu. La plupart des producteurs ont entre 50 et 100 % de leur revenu qui provient des subventions de l’UE. Et en plus, on a des politiques et des citoyens qui demandent toujours un peu plus aux agriculteurs. Que ce soit en termes d’environnement, de bien-être animal, de modèles de production, ces évolutions coûtent cher aux agriculteurs. De plus, les aides de la Pac sont prévues dès la première année et n’évoluent pas avec l’inflation, donc même en parlant d’une baisse de 5 % initialement, avec l’inflation, cela serait beaucoup plus conséquent pour les agriculteurs. »

Comment la FNSEA compte-t-elle se mobiliser ?

H.B : « Nous en appelons au gouvernement français pour rectifier le tir dans les prochaines négociations. Qu’il fasse en sorte que la Pac soit mieux préservée qu’à l’heure actuelle. Que Stéphane Travert condamne est à double tranchant. Cela montre que pour lui, et pour le gouvernement français, ce n’est pas un bon début de négociation. Mais on se demande aussi si le gouvernement a fait le nécessaire pour montrer qu’il serait très attentif aux propositions relatives à la Pac en amont. La FNSEA va se mobiliser à la fois auprès du gouvernement et au niveau européen, auprès du Copa-Cogeca. Ce dernier s’était d’ailleurs positionné pour une augmentation du budget agricole, pour qu’il permette de répondre aux attentes des citoyens. Nous allons aussi agir auprès des parlementaires européens, car ils auront aussi leur mot à dire sur le résultat final des négociations. »