PATRIMOINE
Ferme de la Forêt : la vieille dame de plus de 400 ans retrouve sa jeunesse

A Courtes, il est une ferme typique du patrimoine bressan qui vous ouvre ses portes pour une plongée dans la vie quotidienne et la culture bressane du XIXème siècle. Après deux ans de travaux, pari réussi pour Grand Bourg Agglomération, avec à la restauration et sauvegarde des bâtiments, un parcours et des espaces nouveaux de découverte. Visite guidée.

Ferme de la Forêt : la vieille dame de plus de 400 ans retrouve sa jeunesse
La ferme se distingue par sa cheminée sarrasine, sa galerie et balustrade et croisillons. ©PF

La ferme de la Forêt recèle bien des mystères. Ferme bressane du XVIème siècle, elle séduit par sa taille inhabituelle, sa galerie à pans de bois, sa balustrade à croisillons et son imposante cheminée sarrasine. Un nom qui interroge car aucune forêt en vue lorsque l’on arrive sur le site. Pourtant, à sa construction, la ferme était entourée de bois. Preuve en est, le nom des lieux-dits aux alentours : les Boulots, les Bruyères, la Combe Verne, la Basse et la Haute Chanée, la Teppe, ou encore le Bois des Essards. 

Les fermes bressanes de l’époque étaient typiquement composées de plusieurs types de bâtiments : l’habitation pour la vie domestique, et un grand corps d’exploitation pour les activités liées à la production et à l’élevage. Le four est situé à l’écart, pour éviter tout risque d’incendie ; et non loin, les soues à cochons et le poulailler, éloignés de l’habitat pour des raisons sanitaires. La ferme de la Forêt elle, a cette particularité de regrouper l’habitation et les bâtis agricoles dans le même alignement. Pour la construction, toutes les ressources disponibles sur place ou à proximité ont été exploitées. Le bois de chêne pour les charpentes et les pans de bois caractéristiques de la structure, des branches souples d’aulne ou de noisetier associées à la terre argileuse du site pour le remplissage des trappans. Un habitat démontable et évolutif, grâce à sa structure sans fondation et son principe d’assemblage simple, pouvant ainsi être déplacé, totalement ou partiellement, comme ce fut le cas pour la ferme de la Forêt en 1900.

La maison chauffure : le point de rassemblement de toutes les générations

Dès l’entrée dans la vaste pièce principale, qui fait office de pièce de vie, se trouvent : la cuisine, la salle à manger, le salon et la chambre. Et l’on peut aisément imaginer l’ambiance qui régnait lors des veillées en 1841 lorsque les sœurs Tournade héritent du domaine… Famille, valets, domestiques et parfois voisins, se retrouvent autour du foyer central, tandis que les anciens discutent des affaires sur l’archebanc. On y réalise des travaux manuels tout en fredonnant des chants en patois et en partageant les dernières nouvelles. Une pièce traditionnellement meublée d’une longue table et ses bancs, de vaisseliers muraux, d’une ou plusieurs armoires, d’un ou deux lits à quatre colonnes et de l’archebanc près de l’âtre.

La cheminée sarrasine est un élément emblématique de l’architecture bressane. Si plusieurs centaines de ces cheminées, construites entre le XVème et le XVIIIème siècle, ont été recensées dans le quart nord-ouest du département, il n’en resterait désormais qu’une trentaine, protégées pour la plupart au titre des Monuments Historiques. Appelée la mitre, la partie externe de la cheminée coiffe la hotte qui traverse l’étage et sous laquelle se trouve le foyer central posé à même le sol. A l’époque, les conditions de vie sont rudes. On cuisine des plats économiques et consistants. Le plus souvent des gratins, à base de pommes de terre, courges ou pâtes. Le lard est la seule viande consommée régulièrement. Poulets, lapins ou pots au feu sont réservés aux grandes occasions. La soupe de légumes est servie en été comme en hiver. Mais la spécialité bressane reste la soupe de gaudes, à base de farine de maïs grillé délayée à l’eau et cuite longuement, consommée arrosée de lait frais. 

Le vin cuit, spécialité de l’époque…

Outre la soupe de gaudes, le vin cuit est l’une des spécialités typiques de Bresse. Malgré son nom, pas d’alcool pourtant, dans cette préparation qui est en réalité une marmelade concoctée à base de fruits du verger tombés au sol. Car en Bresse, rien ne se perd, tout se consomme. Epluchées lors des veillées, pommes et poires seront cuites pendant des heures – souvent plus de 20 heures – dans le grand chaudron de cuivre de la pièce de vie. La concoction, conservée durant les longs mois d’hiver dans des pots en terre, est généralement consommée en fin de repas sur des gaufres de sarrasin ou des tartines. Une tradition que fait revivre la ferme de la Forêt chaque automne, le premier dimanche d’octobre, lors de la Fête du vin cuit. 

Ferme de la Forêt - 1210 route de la ferme de la forêt, à Courtes

Ouverture : Du 13 avril au 5 juillet et du 2 septembre au 3 novembre, week-ends, jours fériés et ponts : 11 h-17 h 30. Du 6 juillet au 1er septembre sauf le lundi : 10 h 30-18 h 30.

Patricia Flochon

Un programme ambitieux de rénovation : pari réussi

Le défi était de taille pour Grand Bourg Agglomération qui s’est entouré d’une équipe d’experts pour réaliser les travaux. Objectifs : sauvegarder les bâtiments historiques de cette ferme du XVIe siècle, classée aux Monuments historiques, et valoriser le potentiel touristique du site en proposant un parcours et des espaces de visite nouveaux. Six mois d’étude, 14 mois de travaux et l’intervention d’une vingtaine d’entreprises d’expérience. A la clé : la rénovation de la couverture, des charpentes et des façades du corps de logis, de la grange et des étables ; la restauration de la cheminée sarrasine et des greniers qui sont à nouveau accessibles au public et offrent un point de vue unique sur l’âtre ; consolidation des colombages et de la structure en bois ; et réfection des sols avec les traditionnels carrons, briques typiques de la Bresse. Ainsi que la réalisation d’un nouveau bâtiment à ossature bois à l’entrée du site pour l’accueil des visiteurs. Investissement : 3,330 M€. Avec le financement de plusieurs partenaires : l’Etat : la DRAC (326 312€) et DSIL France Relance (184 970€), la Région auvergne Rhône-Alpes : sur les bâtiments Monuments historiques (240 000€) et via le Contrat ambition Région (100 000€), le Département : dotation territoriale (201 943€), l’Europe : Leader Feder (100 000€), et la Fondation France Bois Forêt (10 000€).