AIN – HAUT-JURA
Le parc régional du Haut-Jura se fait sonner les cloches par la profession agricole

Margaux Balfin
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MOBILISATION/ Jeudi 21 mars, plusieurs agriculteurs de l’Ain, du Jura, et quelques-uns du Doubs se sont mobilisés devant la Maison du parc régional du Haut-Jura à Lajoux pour une opération « Sonnons les cloches au PHR ». 

Le parc régional du Haut-Jura se fait sonner les cloches par la profession agricole
Une centaine d’agriculteurs et plusieurs tracteurs du Jura, de l’Ain, venus du Pays de Gex et du secteur de Bellegarde, et quelques-uns du Doubs ont encerclé la Maison du parc du Haut-Jura à Lajoux. Photo/FDSEA 39

A dix jours de Pâques, les cloches sonnaient bien tôt pour les élus du parc régional du Haut-Jura. Jeudi 21 mars, une centaine d’agriculteurs et une quarantaine de tracteurs encerclaient la Maison du parc à Lajoux pour dénoncer le manque de concertation avec la profession agricole. « C’est une administration parasite, une coquille vide ! Ils tapent sur les deux ou trois éleveurs qui restent. De qui se moque-t-on ? J’ai mal de voir ces pauvres paysans du Jura dans des petits villages qui entretiennent du mieux qu’ils peuvent les espaces et se font incriminer parce que leurs vaches polluent ou qu’ils ont coupé un arbre dans un coin. » Le ton monte pour le président des alpagistes du Haut-Jura, Alain Carrichon, ému, on peut le dire, de devoir encore se battre pour faire valoir la parole de la profession. Un ras-le-bol également partagé par Patrick Sallet, éleveur à Challex et élu syndical de la FDSEA de l’Ain : « La première chose que l’on dénonce, et c’est sans doute la plus importante, c’est le manque de communication et de concertation avec les agriculteurs. » 

Révision de la charte : la profession non concertée 

En toile de fond, une colère générale que l’on ne peut totalement imputer au parc régional mais alimentée localement par des décisions jugées arbitraires par la profession. Alors que la révision de la charte du parc doit être arrêtée début mai pour la période 2026/2041, les représentants agricoles n’ont en effet pas été conviés aux différentes réunions de travail. Une attitude qui passe mal alors que plusieurs dénoncent une « vision figée et élitiste de l’agriculture », « extrémiste écologique » en moins politiquement correcte, qui s’est entre autres traduite en 2023 par un programme de MAEC très limité. L’élargissement des MAEC était d’ailleurs l’une des attentes de la profession lors de la mobilisation. De même que la possibilité de mobiliser des dispositifs spécifiques liés au label Parc mais également à sa situation géographique dans le Massif du Jura via la convention interrégionale du Massif.  

Le loup, autre sujet de crispation 

A l’aube de l’entrée en vigueur du PNA loup, et alors que la Suisse s’est détournée de la convention de Berne et annoncé le prélèvement d’une soixantaine de meutes de loups, le réseau syndical (FDSEA-JA) demande par ailleurs à ce que des choix clairs soient pris concernant les grands prédateurs : « Il ne peut y avoir deux politiques sur un même territoire. Les agents du PNR ne peuvent pas un jour être au côté de FERUS* et le lendemain au côté des paysans. Le plan loup doit être appliqué et désormais la non protégeabilité des bovins est reconnue. » Un sujet de crispation de longue date qu’Alain Carrichon connaît bien. A la fin des années 1990 alors que les prémices du parc à Thoiry dont il est à l’époque élu se mettent en place, il travaille en collaboration avec les élus du PHR sur le nouveau schéma de desserte des alpages. Et déjà à l’époque, le courant a du mal à passer : « Ça a été une catastrophe. Le PHR était porteur de projet et n’a pris en compte aucune de nos revendications. Résultat, on se retrouve avec alpages sans accès où l’on monte à pied comme au Moyen-Âge, ce qui engendre par la même de gros problèmes de surveillance avec le loup. » C’est d’ailleurs à quatre pattes, grimé en costume de loup, qu’un éleveur a hurlé sa colère tout autour de la Maison du parc du PHR. Un instant bon enfant qui cache en réalité un profond malaise. 

Comme pour enraciner la force de leur métier dans le béton, les agriculteurs ont planté une haie sur le parvis de la Maison du parc. La besace pleine de revendications, gardées au chaud depuis plusieurs mois, les élus syndicaux ont rencontré la présidente du parc, Françoise Vespa, la directrice Béatrice Neel, le responsable de la commission agricole du parc et un administratif en fin de matinée. Une première rencontre après deux courriers envoyés par la FDSEA 39 depuis l’été 2023 sollicitant un rendez-vous et dont le premier avait essuyé un refus, le second une fin de non-recevoir. « Nous demandons avant tout à ce que l’on redonne un sens politique commun du rôle du parc. On ne peut pas avoir une politique de la Chambre d’agriculture qui va dans un sens et en face une politique du parc qui va dans l’autre », souligne Etienne Rougeaux, directeur de la FDSEA 39. 

Les élus du Parc répondent

Le Parc a choisi de s’exprimer par voie de communiqué de presse ce mardi dans lequel Françoise Vespa et Yann Bondier-Moret, élu référent de la commission agriculture, précisent leur position : « On ne peut pas demander à un parc naturel d’être autre chose qu’un parc naturel, dont l’une des missions premières est la préservation des milieux. Bien souvent on se trompe de cible en faisant des griefs au PNR qui ne sont pas justifiés. Bien au contraire, le parc défend les dossiers et va chercher des fonds pour les agriculteurs. Les fonds publics redistribués aux agriculteurs le sont avec certaines contreparties et obligations, c’est normal, nous sommes en tant qu’élus, responsables et nous avons des comptes à rendre sur l’utilisation de l’argent public. Des financements publics sans contreparties, cela n’existe pas ! » Les élus du parc concèdent toutefois l’importance de « rétablir des liens plus étroits » avec les élus agricoles, notant que « d’autres formes de contact (autres que celles établies avec les instances agricoles et l’ARDAR**) sont certainement à trouver pour accroître la proximité. »

Un nouveau dossier déposé pour les MAEC

Pour appuyer sa bonne foi, le communiqué rappelle par ailleurs les différents dossiers soutenus par le parc. Entre autres : la création du groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) Fruitières des Lacs ; le renouvellement du plan pastoral territorial dans l’Ain pour un budget de 1,2 M€ dont 90 % directement au bénéfice des alpagistes ; le renouvellement de la marque Valeur Parc (MVP) sur la filière Bleu de Gex Haut-Jura. 

Pour ce qui est des MAEC, les conditions d’éligibilité et le budget alloué fortement contraint, n’ont ouvert les crédits qu’à 15 exploitations pour une enveloppe globale de 126 023 €. « Le dispositif est déployé par le Parc avec les agriculteurs mais il est dépendant des crédits disponibles et des règles d’attribution qui varient en fonction des programmes pluriannuels issus de la Pac. Pour la période 2015-2022, 133 exploitations en avaient bénéficié pour un total de 2,2 M€ », justifie toutefois le communiqué. Pour 2024, le Parc a donc déposé un nouveau dossier dans l’objectif d’accompagner 120 exploitations pour un budget de 1,173 M€. Ce projet a été retenu lors de la sélection régionale. 

Quant au manque de concertation avec les représentants agricoles dans le cadre de la réécriture de la charte, le Parc promet de les rencontrer les 11 avril et 3 mai prochains. 

*FERUS se présente comme la première association nationale de protection et de conservation de l’ours, du loup et du lynx en France.