ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Agriculture en campagne : chacun prend son parti

Les élections législatives auront lieu les 30 juin et 9 juillet. Trente-six Aindinois se portent candidats. Difficile de tous les rencontrer – les annonces d’Emmanuel Macron font fi des contraintes d’un journal hebdomadaire – aussi nous avons abordé la question agricole avec un à deux candidats de chaque parti ou famille politique. 

Agriculture en campagne :  chacun prend son parti
©MB

Cette fois-ci pas de tour de chauffe. Si l’alliance du Nouveau front populaire (EELV, PS, LFI), renforce, au moins sur le papier, une partie de la gauche, les divergences au sein des Républicains depuis l’annonce d’Éric Ciotti de s’allier au Rassemblement national, pourraient donner en local plusieurs triangulaires au soir du premier tour, qui sera à n’en pas douter, décisif pour une partie des députés sortants. Trente-six Aindinois sont candidats pour cinq circonscriptions, et pour les moins aguerris comme pour les plus chevronnés, l’agriculture reste dans un département rural comme l’Ain un sujet de campagne. Tantôt, d’aucuns mettent en avant leur implication transpartisane en faveur de la filière piscicole, assoiffée par les sécheresses en 2023 ; tantôt les invectives fusent face au vote de tel ou tel parti sur les traités de libre-échange, la Pac ou encore le PLOA. Sur les difficultés pointées du doigt par la profession agricole au moment des mobilisations agricoles (surtransposition des normes, lourdeur administrative, concurrence déloyale ou encore faibles revenus), tous parlent à l’unisson ; c’est au moment de parler de solutions que les voix discordent, ou pas. 

Libre-échange : un peu, beaucoup, pas du tout 

Là où Jérôme Buisson, député RN sortant (4ème circo.) et professeur d’italien à Bourg-en-Bresse, scande en faveur de l’exception agricole française par l’exclusion systématique de l’agriculture dans les traités de libre-échange, Maxime Meyer, conseiller régional EELV (2ème circo.) issu du milieu associatif et diplômé d’un BTSA, refuse lui toute importation de produits agricoles qui ne respectent pas les normes françaises. « On est une région avicole, on note le problème du poulet ukrainien. L’accès libre au marché européen sans taxe ne peut pas durer ad vitam eternam », souffle-t-il. Xavier Breton, député sortant LR (1re circo.), parlementaire depuis 2007, a lui récemment voté une motion imposant au gouvernement de présenter le Ceta aux députés : « Il faut que le Parlement soit associé à la rédaction et à l’approbation des traités. On ne peut pas laisser les technocrates faire sans que les parlementaires aient un œil dessus. » Son homologue sur la cinquième circonscription, Fabrice Bourdin veut lui renforcer les droits de douane. Une prise de position des deux candidats LR pas tout à fait en adéquation avec celle des députés RN qu’Éric Ciotti (président des Républicains) a souhaité rallier. Chez Lutte ouvrière, quel que soit le sujet, « on votera tout ce qui va dans le sens des petits et on s’opposera à ce qui ne va pas dans le sens des salariés agricoles », souligne Éric Lahy, professeur et militant de la première heure, notamment au côté de Vincent Goutagny (candidat aux européennes et sur la 2ème circo.). 

PLOA, pourquoi pas 

Alors que la droite, à l’instar de Xavier Breton, avait voté pour, le RN s’y était opposé. Dixit Jérôme Buisson : « Il y avait quelques avancées mais trop d’oublis, ce qui présentait même des aspects dangereux. Nous étions contre le diagnostic climatique, le stage de sensibilisation, assez infantilisant, pour les agriculteurs qui ne respectent pas les règles environnementales. Il n’y a pas non plus grand-chose sur la fiscalité et la concurrence déloyale dans ce texte. » De son côté, Olga Givernet, députée sortante Renaissance (5ème circo.) et ingénieure aéronautique de métier, qui l’avait voté en première lecture, s’engage à voter pour un texte similaire s’il devait être remis à l’agenda politique, quelle que soit l’issue du vote aux législatives qui pourrait conduire à un gouvernement de cohabitation. 

Sur la question du prix et de la rémunération des agriculteurs, la loi EGAlim, pour ne citer qu’un texte, fait feu de tout bois, un bois toutefois pas suffisamment sec pour une partie de l’échiquier politique. « Elle ne règle rien », lâche Éric Lahy dont le parti demande une indexation des salaires agricoles sur l’inflation. Pas assez appliquée non plus pour les candidats de la droite, Xavier Breton comme Jérôme Buisson plaident en faveur d’une construction du prix plus juste sans aller dans le sens de prix planchers garantis qui pourraient devenir des prix plafonds. 

À gauche comme à droite on défend les circuits courts

Quand ce ne sont pas dans les textes, ce sont dans leur conception de l’agriculture que les partis dévoilent leurs nuances. Inquiet face au renouvellement des générations, Maxime Meyer défend une agriculture de proximité, en faveur des circuits courts, plus rémunératrice selon lui des agriculteurs et qualitative en termes d’environnement et de santé, reposant sur des modes de consommation différents (moins carné, bien que « loin d’être lui-même végé »). Fabrice Bourdin, conseiller municipal d’Ambérieu-en-Bugey, délégué au développement durable, et contrôleur de gestion pour EDF, soutient lui une « écologie pragmatique », de circuits courts, avec un régime moins carné. Pas si proches pourtant d’EELV, Fabrice Bourdin n’aime certes pas opposer, il sait à quelle famille politique il appartient : « Je n’aime pas le dogmatisme, qu’il soit de droite ou de gauche et je ne suis pas pour imposer. Des règles il en faut mais quand il y en a trop, on ne sait plus où donner de la tête. Je suis pour plus de pédagogie. » 

Prédation 

Sur la prédation, les lignes sont là aussi tangibles et parfois même jusque dans les partis. « Nous ne sommes pas tous d’accord à ce sujet au RN, admet Jérôme Buisson. Moi je suis favorable aux tirs de défense même si je ne suis pas non plus pour revenir sur le statut de protection du loup. » Pour Maxime Meyer, pourtant ancien président de FNE Rhône, l’assure, il n’a rien « contre le fait de tuer quelques loups, mais pas n’importe comment. Il faut faire un tri. Et quand on voit que les filets de 70 cm est indemnisé mais pas celui d’1,20 m… tout ce qui est fait en matière de gestion du loup n’est ni fait ni à faire. » Différemment chez LR, on souhaite davantage une régulation du loup qui ne soit pas seulement a posteriori, mais préventive, insiste Xavier Breton. 

Pour le vote corporatif

Conseillère municipale durant trois mandats, puis conseillère régionale sous la présidence de Charles Million, l’ancienne élue Front national Annick Veillerot, concède « avoir perdu le fil » en matière d’agriculture. Membre de la commission agriculture au côté de Jean Merle lorsqu’elle était élue à la Région, la candidate Debout la France (3ème circo.) veut renforcer les corporations en soumettant les lois (notamment la PLOA) à un référendum professionnel, pourquoi pas au vote des Chambres d’agriculture.  

Margaux Balfin