MICHELIN
L’entreprise du XIXè siècle prépare le pneu du futur

ThéoD
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L’histoire de Michelin c’est d’abord celle d’une famille qui rencontre l’extraordinaire progrès technique et industriel de la fin du XIXè siècle. Tout commence par l’alliance du caoutchouc avec le vélo et l’automobile.

L’entreprise du XIXè siècle prépare le pneu du futur
La 2CV créée en 1949 par Citroën alors propriété de Michelin devait être capable de transporter en tout terrain des œufs sans les casser. Photo/Michelin

En 1889, les frères Michelin fondent leur entreprise à Clermont-Ferrand où ils ont des attaches familiales mais où ils trouvent aussi une main-d’œuvre rurale travailleuse et plus docile que les ouvriers volontiers rebelles des villes. André et Édouard - le premier est ingénieur en construction métallique, le second est artiste peintre - développent ensemble d’abord des machines agricoles et des patins de frein en caoutchouc pour remplacer ceux en fonte des voitures hippomobiles. Sans attendre, ils découvrent et mettent au point le pneu gonflé et démontable inventé en 1888 par l’Écossais Dunlop. La réparation d’un pneu de vélo sans colle et gonflé à l’air nécessite moins de 30 minutes contre 8 heures auparavant en raison du temps de séchage de la colle ! Grâce à ce nouveau pneu doté d’une chambre, les frères Michelin permettent à Charles Terront, vainqueur de la première course cycliste Paris-Brest en 1891, d’arriver huit heures avant le deuxième ! Un exploit que les Michelin, toujours à la pointe d’une communication naissante, immortalisent à travers le crémeux Paris-Brest, ce gâteau en forme de roue de vélo. 
 
L’art de la communication primitive
 
Sans relâche, Édouard et André Michelin associent leurs inventions à des évènements d’exception. En 1895, ils équipent « L’éclair », la première voiture au monde dotée de pneumatiques et propulsée par un moteur de bateau Daimler. Une voiture qui ne pouvait avancer qu’en zigzag mais que les frères Michelin alignèrent pourtant au départ du Paris-Bordeaux-Paris. Le parcours sera bouclé en quatre jours mais « L’éclair » pointera au final 10e et dernier sur 46 véhicules engagés. L’automobile et le vélo n’empêchent pas les frères Michelin de s’intéresser aussi aux nouveaux modes de transport du siècle naissant. L’avion est ainsi exploré avec la construction d’un Bréguet 14 qui rallie en 1908, à l’étonnement de tous, en moins de six heures, Paris à Clermont et permet à l’audacieux pilote de remporter la prime Michelin de 100 000 francs (environ 60 000 €) promise à la réalisation de ce pari fou. Le train de l’entre-deux-guerres est si inconfortable que la firme Montferrandaise équipe en 1931 les roues en fer de pneus et invente ainsi l’emblématique et nostalgique « Micheline » aux couleurs d’une glace vanille fraise. 
 
La culture sociale de l’entreprise
 
Inspirés par le catholicisme social, les frères Michelin sont plus que des industriels. Ils sont en cette fin de XIXè siècle aussi soucieux de servir le progrès que le bien-être de leurs salariés et de leur famille. L’entreprise installée à Montferrand est une ville dans la ville et les noms de ses rues exhortent au « Courage », à la « Volonté » et au « Devoir ». Ses logements entourés de jardins hébergent ses employés. Elle crée ses écoles, ses mutuelles, sa clinique, son église Jésus Divin Ouvrier, ses magasins coopératifs. Elle a aussi son stade jouxtant les ateliers car le salarié, pour son équilibre, doit pouvoir se détendre et pratiquer une activité sportive. C’est ainsi que le stade de l’ASM (Association Sportive Michelin) est fondé en 1911. Depuis, le parc sportif où évoluent les « Jaunards », a pris le nom d’Association Sportive Montferrandaise mais le stade porte le nom de Marcel Michelin, mort en déportation pour s’être opposé à l’occupant nazi. 
 
Une inventivité sans borne
 
L’inventivité des équipes de Michelin est infinie. On leur doit en 1946 le pneu radial, technique aujourd’hui adoptée par tous les fabricants de pneumatiques. On lui doit même la 2CV car Michelin avait racheté en 1935 le constructeur Citroën. Les bureaux d’études doteront la mythique voiture de Monsieur « Tout-le-monde » d’un capot en tôle ondulée, une technique dérivée de l’aéronautique pour rigidifier les carlingues sans ajouter de poids. En 2013, elle réalise le plus gros pneu agricole jamais fabriqué, le AxioBib. Un monstre de 2,32 m de haut pour 90 cm de large, d’une capacité de charge de 10,6 t et d’un poids de 520 kg. Cette culture de l’innovation pousse l’entreprise à préparer l’avenir. Elle teste depuis 2019 l’Uptis, un pneu à lamelles. Sans air, il est réputé increvable et réalisé en matériaux durables. Testé dès 2024 sur des véhicules de La Poste, il pourrait être commercialisé en 2026. Par ailleurs, les chercheurs de Michelin explorent le pneu du futur. La roue du futur devrait-on dire, car l’idée consiste à confondre en une seule pièce la jante et le pneu. Sans air, composé de matière 100 % recyclable, connecté et réalisé en imprimante 3D, le pneu Vision adopte le principe du nid d’abeille et pourrait chausser nos voitures des années 2050…