PLANIFICATION
Développement des énergies renouvelables en Auvergne-Rhône-Alpes : où en est-on réellement ?

Margaux Balfin
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Adopté en décembre 2019 par la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), fixe, entre autres, les objectifs de développement des ENR à moyen et long termes. Production de biomasse, de gaz, d’électricité, et de chaleur d’origine renouvelable, où en est la région vis-à-vis de sa programmation énergétique ?  

Développement des énergies renouvelables en Auvergne-Rhône-Alpes : où en est-on réellement ?
Source : Chambre d’agriculture de l’Ain

Parmi ses objectifs, le Sraddet établit comme ambition à horizon 2030 d’atteindre une baisse de 30 % des gaz à effet de serre par rapport aux émissions constatées en 2015. Le texte induit notamment qu’« à l’horizon 2050, tous les acteurs devront viser la neutralité carbone et contribuer à l’ambition national de baisser de 75 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. » Autre effectif : l’augmentation de plus de 50 % de la production d’énergies renouvelables d’ici 2030. 
Atteindra-t-on les objectifs de la programmation régionale ? Chargé de mission méthanisation et photovoltaïque à la Chambre d’agriculture de l’Ain, Jean-Daniel Ferrier dresse un premier état des lieux, énergie par énergie. 
 
Valorisation de la biomasse solide : des perspectives inquiétantes ?
 
Quelque 11 648 GWh étaient produits en 2021 à partir de la valorisation de biomasse solide en Auvergne-Rhône-Alpes, pour une production attendue de 19 900 GWh en 2030 comme en 2050. Outre le brûlage de bois destiné à la production d’énergie, d’autres projets de valorisation de biomasse naissent un peu partout en France. Une entreprise de Saint-Vulbas, dans l’Ain, a d’ailleurs mis en place un prototype de pyrogazéification pour produire du gaz renouvelable. « Aujourd’hui, de grands groupes s’intéressent aussi à la forêt pour fabriquer du biométhane. C’est assez inquiétant, parce que dans les perspectives c’est démesuré. Une usine est par exemple en construction en Hollande alors que paradoxalement il y a très peu de forêts dans ce pays », regrette Jean-Daniel Ferrier qui craint de voir se reproduire le même schéma en France. 
 
Biométhane : « on a peut-être vu un peu gros »
 
Aujourd’hui 18 unités de méthanisation sont aujourd’hui en fonctionnement dans l’Ain, et une centaine dans la région pour une production de 449 GWh en 2021. Si c’est l’une des régions les plus productives de France, il n’en sera pas moins difficile pour Auvergne-Rhône-Alpes de remplir les objectifs du Sraddet, soit une production de 5 245 GWh en 2030 et de 11 308 GWh en 2050. « 449 GWh, c’est plus de dix fois moins que ce qui est prévu pour dans sept ans. Il est vrai que des projets sont en cours de construction et n’injectent donc pas encore mais les deux projets dont les permis de construire ont été octroyé ont été attaqués. Je pense qu’on a vu un peu gros sur la programmation », observe Jean-Daniel Ferrier. Pour le chargé de mission, le risque est de voir la quantité d’intrants sur les territoires insuffisante : « Si on fait le calcul, cela signifie qu’il faudrait installer, grosso modo, un millier de méthaniseur sur le territoire pour atteindre 5 000 GWh, puisqu’il en faut une centaine pour produire 450 GWh. Le problème, c’est que quand deux méthaniseurs sont distants d’à peine 5 km, il n’y a plus suffisamment d’espace entre les deux pour créer quelque chose. » Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêt, la parfois difficile acceptation de la société ou encore l’adaptation des agriculteurs à une activité supplémentaire sur leur ferme ne facilitent pas l’installation de méthaniseurs actuellement. 
 
Électricité à partir de l’hydraulique : le seuil presque atteint  
 
Avec 25 347 GWh produits en 2021 dans toute la région, le seuil attendu de 27 552 GWh à horizon 2030 en matière de production d’énergie d’origine renouvelable hydraulique est déjà presque atteint. « Nous sommes la région qui produisons le plus, note Jean-Daniel Ferrier. Sachant que 2020 était une année sèche et que les centrales ont produit 20 à 30 % de moins que les années antérieures, on peut même se demander si on a pas déjà atteint la programmation. »
 
Éolien : l’acceptabilité est un vrai frein 
 
En matière de production d’électricité d’origine éolienne, la région Auvergne-Rhône-Alpes est l’une des régions les moins ambitieuses de France, avec un objectif de 4 807 GWh produits en 2030 et 10 073 GWh en 2050. « Aujourd’hui, nous en sommes à quatre fois moins, soit 1 342 GWh produits en 2021. L’éolien est probablement le plus compliqué en termes d’acceptabilité », admet Jean-Daniel Ferrier. Pour le chargé de mission, beaucoup de projets ont été établis selon la puissance du vent sans prendre suffisamment en compte l’acceptabilité des habitants, ce qui a pu conduire à des levées de bouclier contre des parcs éoliens considérés comme trop étendus par la population. 
 
Photovoltaïque : une forte pression de production

Alors que la région produisait 1 472 GWh d’électricité d’origine photovoltaïque en 2021, la programmation vise les 7 149 GWh en 2030, pour atteindre plus du double en 2050. « Il y a un gros décalage entre ce qui est prévu et la réalité, ce qui explique pourquoi nous sommes très sollicités, et pourquoi il y autant de pression », concède Jean-Daniel Ferrier. 
 
Solaire thermique : très peu d’installateurs
 
Outre le gaz et d’électricité, la production de chaleur d’origine renouvelable est également concernée par la programmation régionale. Sur le solaire thermique tout d’abord, Auvergne-Rhône-Alpes sera même la deuxième région la plus productive de France après Île-de-France si elle atteint ses objectifs 2030 et 2050. La chaleur d’origine solaire est produite, tout comme l’électricité d’origine photovoltaïque, à partir de panneaux. « C’est une énergie très souple, peu coûteuse à l’installation et qui nécessite peu d’entretien mais les prévisions sont nettement inférieures à celles du photovoltaïque », précise Jean-Daniel Ferrier. Problème, si les installateurs de panneaux photovoltaïques fleurissent un peu partout, ils sont très peu nombreux en matière de solaire thermique. Aussi, alors que la programmation prévoit une production de 1 490 GWh en 2030 et 3 116 GWh en 2050, elle n’était que de 245 GWh en 2021. 
 
Pompes à chaleur : les objectifs 2050 déjà dépassés 
 
Avec une production de 3 501 GWh en 2021, la production de chaleur à partir d’une source froide (pompe à chaleur) a déjà largement dépassé les objectifs de production de 2 621 GWh à horizon 2030 et de 3 375 GWh en 2050. Pour rappel, une pompe à chaleur fonctionne sur le même principe qu’un réfrigérateur, c’est-à-dire que l’on capte des calories à l’extérieur pour les ramener dans la maison, explique Jean-Daniel Ferrier.